Eglises d'Asie

Après la mort d’un étudiant, des étudiants catholiques dénoncent l’absurdité de la tradition du bizutage

Publié le 18/03/2010




Des étudiants catholiques veulent mettre fin aux pratiques des brimades initiatiques fortement mises en question depuis qu’un étudiant a été tué au cours d’un bizutage à connotation politique. Interrogés par l’agence Ucanews, des étudiants catholiques ont dénoncé la mort d’Ovitigala Withanage Samantha, un étudiant de troisième année de gestion commerciale qui militait contre le bizutage à l’université de Sri Jayawardenepura. Cinq autres étudiants, qui eux aussi militaient avec lui, blessés, ont été hospitalisés à la suite d’une session de bizutage qui a eu lieu le 7 novembre dernier.

Ce jour-là, un groupe d’environ 200 étudiants est venu perturber une rencontre que les responsables de l’université avaient organisée entre les opposants au bizutage et le Conseil des étudiants qui le défendait. Ce Conseil est, en fait, contrôlé par des étudiants affiliés au Janatha Vimukthi Peramuna (JVP, Front de libération populaire), un parti politique de gauche. Chatura Randika, une camarade de Samantha, a déclaré que le bizutage ne devrait jamais être autorisé dans les universités. Cette pratique s’apparente à un rite d’initiation où ceux de première année doivent obéir aux ordres des anciens et faire des choses stupides, gênantes ou dangereuses. “En tant que chrétiens, bien que minoritaires, nous voudrions faire notre possible pour mettre fin à ces pratiques”, a expliqué Randika, qui a ajouté que les chrétiens doivent cependant être prudents dans ce milieu universitaire “fortement bouddhiste” où les partisans du bizutage peuvent accuser les chrétiens de prosélytisme. Les étudiants catholiques condamnent l’attaque perpétrée par le JVP parce que cet ancien parti révolutionnaire utilise le bizutage pour convertir des jeunes à leur idéologie. “Les brutalités sont surtout le fait de ceux qui viennent de villages reculés et qui veulent compenser leur complexe d’infériorité et de jalousie à l’égard des gens privilégiés de la ville par leur agressivité et leur sadisme”, a-t-il expliqué. Les attaquants du 7 novembre étaient armés de bâtons et de perches cloutées. Samantha est mort d’un coup porté à la tête à l’aide d’un écran d’ordinateur. La police a arrêté dix-huit étudiants qui ont reconnu être liés au JVP.

Le ministre de l’Education a fait allusion aux activités de ce parti dans son message de condoléances. Pourtant, ce même parti, dans un communiqué du 10 novembre, a nié toute implication dans cette affaire et, deux jours plus tard, son secrétaire pour la propagande a affirmé devant des journalistes que son parti “ne pouvait pas être tenu responsable des actions individuelles de ses membres”.

Kalani Medagoda, secrétaire du Mouvement des étudiants catholiques de l’Université du Sri Lanka et étudiant de l’université de Colombo, a déclaré que l’augmentation des violences résultait de l’action de forces extérieures essayant de capitaliser les forces politiques du campus. “Notre rôle de chrétiens contre la violence devient, chaque jour, de plus en plus nécessaire”. D’après lui, l’ignorance des règles qui régissent le bizutage, l’inaction de la part des organisations religieuses dans l’université, les médiocres relations entre professeurs et étudiants et le mépris à l’égard des étudiantes ajoutent encore au problème. Prasad Silva, de son côté, un autre membre de ce groupe catholique, estime que la survivance du bizutage est due aux 70 % des étudiants qui l’acceptent. Si les étudiants “adoptaient une attitude droite et ferme pour débarrasser notre université de ce vice qui atteint des proportions alarmantes, la tâche serait plus facile”, a-t-il affirmé.

Le JVP, fondé en 1967, est à l’origine de l’éphémère insurrection estudiantine du début des années 1970 et de la plus sérieuse insurrection nationaliste cinghalaise de la fin des années 1980. Désormais assagi, il fait partie du paysage politique.