Eglises d'Asie

En vingt ans, le nombre des religieuses catholiques a considérablement augmenté mais le développement des communautés est gêné par le manque de formation adéquate

Publié le 18/03/2010




Depuis la renaissance de l’Eglise catholique en Chine au début des années 1980, la croissance numérique des communautés religieuses catholiques a été spectaculaire mais le développement à venir de ces communautés risque d’être compromis par le manque de formation adéquate des religieuses et par l’incompréhension des évêques et des prêtres concernant le rôle spécifique des religieuses dans l’Eglise. Telles sont les principales conclusions que Sour Béatrice Leung Kit-fun, religieuse basée à Hongkong de la Congrégation du Précieux Sang, a mises en évidence lors d’un colloque organisé en décembre dernier à Macao, après avoir rendu visite à différentes communautés religieuses féminines à travers la Chine continentale et étudié leur situation.

Selon Sour Leung, professeur à l’université Lingnan de Hongkong, la croissance numérique est importante : alors qu’elle ne comptait que 250 sours en 1986, l’Eglise catholique compte aujourd’hui 4 000 religieuses, également réparties au sein de ses communautés “officielles” et “clandestines” (1). Cette bonne santé apparente ne doit cependant pas cacher, a-t-elle affirmé, un déficit certain de qualité dans la formation dispensée à ces religieuses.

Une des principales caractéristiques des communautés religieuses féminines chinoises est l’étroitesse du lien qui relie ces communautés aux évêques, là où ailleurs, dans l’Eglise universelle, les congrégations féminines peuvent certes travailler pour les évêques mais conservent un degré certain d’indépendance. En Chine, il n’est pas rare qu’un évêque suscite la formation d’un groupe de religieuses pour venir en aide au travail pastoral de ses prêtres, sans lui donner de cadre ecclésial précis.

A cela s’ajoutent les difficultés nées de l’évolution rapide de la société chinoise actuelle. Face au matérialisme économique ambiant, le respect des voux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance ne va pas de soi. Déjà, selon Sour Leung, les vocations religieuses issues des milieux urbains où les jeunes filles rêvent de faire carrière sont devenues rares et certaines des jeunes filles des campagnes qui choisissent la vie religieuse s’en servent comme d’un marchepied pour accéder à l’éducation et à la vie en milieu urbain.

Dans la province de Jilin, Sour Leung a cité le cas d’un couvent où plus d’une centaine de religieuses étaient âgées de 35 ans et moins en 1990. Faute de formation adéquate ou tout simplement d’un niveau d’instruction suffisant, nombreuses étaient celles à qui aucune tâche pastorale ne pouvait être confiée et qui devaient être cantonnées à des travaux domestiques au service des prêtres. De plus, la faiblesse du discernement opéré sur les motivations de ces vocations était tel que certaines jeunes sours ne pouvaient exprimer les motifs religieux de leur présence au couvent.

Enfin, dans le cadre de la priorité accordée aux hommes au sein de la société chinoise, l’Eglise de Chine ne se montre pas toujours soucieuse d’allouer des ressources suffisantes à la formation des religieuses. Par ailleurs, face à la faiblesse globale des ressources, les besoins des couvents passent trop souvent au second plan. La qualité de la formation en pâtit forcément, souligne encore Sour Leung.

Dans cet environnement, les communautés religieuses purement locales ont de grandes difficultés à survivre. Dans certains diocèses du Guangxi, du Guizhou et du Sichuan, l’absence de formes institutionnalisées de vie religieuse pour les sours rend ces dernières très dépendantes du clergé local. Ailleurs, au Hebei, dans le Shaanxi et dans le Shanxi, par exemple, les couvents qui sont réapparus lorsque les anciennes religieuses ont pu reprendre une vie religieuse ont davantage réussi car ils ont renoué des contacts avec les congrégations internationales dont ces religieuses sont issues. Mais, là aussi, les difficultés sont vives, les sours âgées, formées il y a plus de cinquante ans, n’étant pas nécessairement préparées à accueillir des jeunes femmes d’aujourd’hui.

Pourtant, insiste Sour Leung, le tableau ne doit pas être noirci à l’excès. Des religieuses bien formées sont “aux avant-postes” de l’Eglise en Chine. Elles ont souvent une présence plus forte que les prêtres, particulièrement auprès des femmes, des enfants et des marginalisés, au sein des minorités nationales entre autres. Dans les zones reculées des campagnes, des religieuses sont l’unique source de soins médicaux. Dans les villes, les cliniques catholiques ont meilleure réputation que les établissements publics et privés qui fournissent des soins de moins bonne qualité et plus onéreux.

Dans ce contexte, déclare Sour Leung, les défis auxquels font face les communautés religieuses chinoises ne pourront être surmontés que si des formateurs étrangers, de Hongkong et de Taiwan en particulier, viennent dispenser un enseignement sur les aspects spirituels et humains de la vie en communauté. Là où la vie religieuse féminine n’est pas structurée, les évêques et le clergé local doivent prendre conscience de l’importance qu’il y a à donner un cadre institutionnel aux religieuses.