Eglises d'Asie

Police et partis politiques locaux affirment qu’aucun militant musulman n’est impliqué dans l’attaque meurtrière perpétrée contre une église presbytérienne le jour de Noël

Publié le 18/03/2010




Une déclaration d’un haut responsable de la police provinciale concernant le massacre perpétré le jour de Noël dans une église presbytérienne du village de Chianvalli, près de la ville de Daska, a très fortement mécontenté les milieux chrétiens du Pakistan. En effet, selon le quotidien Jang, de langue ourdou, Masood Shah, l’inspecteur général de la police du Pendjab, a affirmé qu’aucun militant musulman n’était impliqué dans cette attaque qui a fait quatre morts et plus d’une dizaine de blessés parmi les femmes et les enfants rassemblés dans le lieu de culte lors de l’attentat (1). Selon les déclarations de l’officier de police, le membre du clergé musulman, Muhammad Afzal, et les trois autres suspects qui avaient été arrêtés dès le lendemain de Noël, ne seraient pas les véritables coupables. Interrogé sur les véritables auteurs du crime, le policier a refusé de dévoiler leur identité.

Les chrétiens du lieu continuent cependant de soutenir que Muhammad Afzal, desservant de la mosquée du village, avait, trois jours avant Noël, dans une prédication prononcée devant les fidèles, incité ces derniers à massacrer les chrétiens. En réaction à la déclaration du chef de police, la Commission ‘Justice et paix’ des supérieurs majeurs et l’Alliance des minorités du Pakistan ont organisé, le 9 janvier dernier, une manifestation devant le Club de la presse de Multan. Environ 150 personnes, hommes, femmes et enfants, se sont rassemblés pour crier des slogans demandant la justice pour les victimes de l’attentat, et ont bloqué la circulation routière pendant environ 15 minutes. Un religieux dominicain a posé publiquement les questions sur lesquelles chacun s’interroge : “Si les militants musulmans ne sont pas les vrais coupables, à qui faut-il attribuer le crime ? Pourquoi la police ne dévoile-t-elle pas leur véritable identité ?” Un chrétien, député à l’Assemblée provinciale du Pendjab, a affirmé devant les manifestants qu’il ne croyait pas aux déclarations de la police. “Notre demande est claire, a-t-il dit. Que l’on présente immédiatement les coupables au tribunal.” Il a demandé au gouvernement de mener une enquête et des recherches indépendantes au sujet des faits et d’en présenter le rapport au Parlement. Il a, en outre, déclaré que, si le même événement venait à se répéter, “nous n’enterrerons pas nos morts, mais nous porterons leurs corps devant la résidence du Premier ministre”. Un communiqué publié par la Commission épiscopale ‘Justice et paix’ a souligné que la déclaration de la police n’a fait que renforcer la conviction de la population locale, persuadée que le massacre est le fruit de la haine semée au cour des fidèles par la prédication de l’iman du lieu.

Des accusations graves ont été formulées par des militants chrétiens des droits de l’homme. Ceux-ci affirment en particulier que des pressions ont été exercées par la police sur les dirigeants locaux pour qu’aucun service ne soit célébré à la mémoire des victimes. On rapporte aussi que les personnes blessées par la grenade n’ont pas reçu à l’hôpital de Lahore où ils sont soignés le traitement médical qui convenait. L’une d’entre elles conserve encore dans son corps un éclat de grenade tandis qu’une autre est dans un état critique. Selon l’un d’entre eux, les chrétiens du village ne subissent pas actuellement de persécution, mais ils sont encore sous l’emprise de l’effroi. Ils n’envoient pas leurs enfants en classe et ne se rendent dans les commerces pour leurs achats qu’avec beaucoup de circonspection.

Il faut aussi noter que les dirigeants locaux de la coalition des six partis musulmans Muttahida-e-Amal Pakistan sont persuadés de la véracité de la déclaration de la police selon laquelle il n’y aurait pas de militants musulmans impliqués dans l’attaque de l’Eglise. Ils ont promis une récompense de 100 000 roupies à quiconque fournirait des informations supplémentaires sur l’attentat.