Eglises d'Asie

Hongkong : en dépit des retouches apportées par le gouvernement à son projet de loi anti-subversion, les chrétiens, Mgr Zen en tête, ont redoublé leurs critiques

Publié le 18/03/2010




Le 28 janvier dernier, les autorités de la Région administrative spéciale (RAS) de Hongkong ont annoncé une réécriture de leur projet de loi anti-subversion (1). Après avoir pris connaissance des « clarifications » proposées par le gouvernement, pour reprendre les termes utilisés par la secrétaire à la Sécurité, Regina Ip, les opposants au projet de loi ont redoublé leurs critiques, estimant notamment que les autorités n’ont pas tenu compte de leurs propositions, exprimées lors de la consultation publique organisée par le gouvernement du 24 septembre au 24 décembre 2002. En tête de ces opposants, on retrouve un ensemble d’organisations chrétiennes et, en particulier, Mgr Joseph Zen Ze-kiun, évêque du diocèse catholique de Hongkong.

Au sujet des résultats de la consultation publique, annoncés le 28 janvier en même temps que les « clarifications » concernant le texte du projet de loi, Mgr Zen s’est déclaré outragé par le fait que son opinion sur la question ne figure pas dans la liste des déclarations exprimées par les Hongkongais durant les trois mois de consultation publique. Dans une interview télévisée, Mgr Zen a notamment déclaré : « Le fait que [mon point de vue] ne figure pas dans le rapport [gouvernemental] signifie qu’il ne sera pas pris en compte. Quelle autorité divine a décrété que les opinions exprimées durant la consultation devaient être soumises au Bureau de la Sécurité ? Pourquoi ? Au cas où j’aurais pensé devoir mettre par écrit mon point de vue, je ne l’aurais pas soumis au Bureau de la Sécurité. »

Dans son rapport du 28 janvier, le gouvernement dit avoir reçu 97 097 opinions écrites au sujet du projet de loi en question, que ce soit par courrier, par fax ou par e-mail, émanant de 340 513 personnes. Sur ce nombre, 86,7 % ont été classées comme favorables au projet de loi, 6,1 % opposées au texte et 7,2 % ne présentant pas de position explicite. Tout au long des trois mois qu’a duré la consultation publique, Mgr Zen a été l’une des personnalités de la RAS les plus en vue dans l’expression de l’opposition au projet de loi. Reconnaissant ce rôle, l’influent hebdomadaire local en langue anglaise, la Far Eastern Economic Review (FEER), a consacré la « une » de son édition datée du 13 février dernier à Mgr Zen, une photo représentant l’évêque en col romain, crucifix en main, sous le titre : « God’s Man in China: Bishop Zen Battles Beijing ».

De fait, l’opposition au projet de loi, menée par Mgr Zen et un ensemble d’organisations chrétiennes, comporte deux aspects, l’un concernant l’administration interne de Hongkong et l’autre les relations entre Hongkong et Pékin. Sur un plan interne à Hongkong, Mgr Zen, que la FEER présente comme « la nouvelle conscience de Hongkong concède qu’il n’a pas envoyé de document écrit lors des trois mois de la consultation publique mais il estime néanmoins inacceptable que son opinion – et avec lui celle de l’Eglise catholique – n’ait pas été prise en compte. Pour Lina Chan Lai-na, de la Commission ‘Justice et paix’ du diocèse, les autorités de la RAS ne prennent pas l’opinion publique au sérieux et, de ce fait, les Hongkongais ne reconnaissent aucune utilité à la consultation publique organisée. Les excuses exprimées le 6 février dernier par Regina Ip pour l’omission d’un certain nombre d’opinions négatives n’y changent rien, a déclaré Choi Yiu-cheong, porte-parole du Front civil pour les droits de l’homme, organisme réunissant 43 ONG, associations et groupes religieux.

Sur le plan des relations entre Hongkong et Pékin, ce qui est en jeu, estiment les opposants au projet de loi, est l’autonomie de Hongkong vis-à-vis de Pékin telle que celle-ci a été définie lors de la rétrocession de 1997 par la formule « un pays, deux systèmes ». A ce sujet, Mgr Zen a exprimé à plusieurs reprises en public des craintes quant à l’avenir des relations que l’Eglise de Hongkong entretient avec des groupes religieux interdits sur le continent, la partie « clandestine » de l’Eglise catholique de Chine par exemple. La Commission ‘Justice et paix’ s’est en particulier interrogée sur le sort qui pourrait être fait à la Légion de Marie, forte de 1 785 membres à Hongkong mais interdite depuis 1951 sur le continent.

Réagissant à l’article de la FEER qui citait un « membre de haut rang du clergé » chinois disant que l’évêque de Hongkong, du fait de son agressivité envers le gouvernement de la RAS de Hongkong, était devenu un obstacle à une éventuelle normalisation des relations entre le Vatican et Pékin, Mgr Zen a déclaré, comme il l’avait déjà fait en novembre dernier (2), qu’il était prêt à « se sacrifier » pour le bien des relations entre le Saint-Siège et la Chine populaire en démissionnant de sa charge d’évêque de Hongkong. Mais, a-t-il ajouté, « en tant qu’évêque de Hongkong, il était contraire à mes vues de ne pas prendre la parole ».