Eglises d'Asie

Des responsables catholiques expriment leur opposition à la création de partis politiques par des responsables religieux, quelle que soit leur appartenance

Publié le 18/03/2010




Plusieurs prêtres catholiques et un responsable laïc ont exprimé leur désapprobation concernant le clergé, à quelque religion qu’il appartienne, qui s’engage dans un parti politique. Libre aux clercs de se lancer dans l’action sociale mais attention à ne pas se risquer dans les luttes entre partis politiques, telle est la position qu’ils ont récemment défendue après l’annonce faite par un moine bouddhiste connu du grand public de former un parti politique confessionnel, bouddhiste, une première au Sri Lanka.

Le 22 janvier, le vénérable Gangodawila Soma Thero, célèbre prédicateur bouddhiste à la télévision, a en effet déclaré devant les médias qu’il fondait un parti, le Jana Vijaya Sankalpaya (JVS, ‘Pour la victoire du peuple’), pour sauvegarder les droits des bouddhistes singhalais, mal défendus, à ses yeux, par les hommes politiques actuels. « Notre idéal politique est un Etat bouddhiste », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il avait l’intention de se présenter aux prochaines élections présidentielles et comptait sur son parti pour gagner un minimum de vingt à trente sièges au Parlement. Le moine bouddhiste a affirmé qu’il ne pouvait s’en tenir à de simples exhortations alors que les non-bouddhistes se concertaient pour détruire le bouddhisme en attirant à eux les bouddhistes miséreux par l’appât de l’argent : « Nous n’échapperons pas à la colère de la postérité si l’on continue à tolérer cette situation. »

Au cours de la conférence de presse du 22 janvier, le JVS a ainsi distribué des tracts accusant les catholiques et les protestants de détruire l’éthique séculaire des bouddhistes singhalais et reprochant aux colonisateurs britanniques d’avoir importé la corruption dans le pays, installant des « larbins indigènes » comme dirigeants.

Pour le P. Vimal Tirimanne, rédemptoriste président de la Conférence des supérieurs majeurs du pays, le point de vue du vénérable Soma sur la destruction prétendue des traditions bouddhistes n’est que « pur extrémisme religieux Selon lui, le nouveau parti a été créé parce que « les hommes politiques ne tiennent aucun compte des opinions des moines, les réduisant ainsi à des entités inexistantes » (2Le P. Oswald Firth, du Centre pour l’étude de la Société et de la Religion, basé à Colombo, a affirmé de son côté, qu’il était certes raisonnable pour le clergé de s’engager en politique, l’un des meilleurs terrains pour l’action sociale, mais qu’il ne devait pas s’impliquer dans la lutte politique partisane. Le P. Aloysius Peiris, théologien jésuite et directeur fondateur du Centre de recherche de Thulana, pense, quant à lui, qu’il est encore trop tôt pour commenter l’avantage qu’il y aurait à avoir un parti politique bouddhiste mais a ajouté que son centre, partie prenante dans l’action sociale et forum pour le dialogue entre bouddhistes et chrétiens, étudiait la nécessité d’un tel parti. D’après Lerins Peiris, dirigeant laïc et principal animateur d’un Centre pour le réveil des masses populaires, « le moine symbolise le ‘Dhamma’ (la doctrine) et possède un grand pouvoir spirituel pour combattre l’érosion actuelle des valeurs culturelles due aux influences néfastes ». Cependant, « briguer la présidence de la République est inadmissible et dépasse toute limite », a ajouté Peiris, pionnier du mouvement des Equipes enseignantes du Sri Lanka, dont les militants participent au mouvement pour la paix dans le pays. Selon le P. Merwyn Fernando, directeur de l’Institut Subodhi pour l’Education globale, la politique et la religion doivent rester deux domaines bien distincts, sauf à susciter de nouvelles divisions mettant en péril le bien commun (3).

Dans sa conférence de presse, le vénérable Soma s’est prononcé contre « une solution fédérale » comme issue aux deux décennies de combats qui ont opposé la majorité bouddhiste cinghalaise et la minorité tamoule hindoue en lutte pour obtenir un territoire indépendant au nord et à l’est de l’île. Depuis le cessez-le-feu de février 2002, il y a tout juste un an, le gouvernement et les rebelles négocient. A la fin de la dernière session de négociation, les deux parties se sont mises d’accord pour étudier une solution en vue d’une autodétermination dans les régions où vivent les Tamouls, fondée sur une structure fédérale au sein d’un Sri Lanka uni. Pour le P. Firth, le rejet du moine bouddhiste de toute structure fédérale devrait inciter les autorités gouvernementales à être davantage à l’écoute de l’opinion des moines dans les pourparlers de paix en cours.