Eglises d'Asie – Chine
Des spécialistes de l’Eglise en Chine estiment que celle-ci est plus menacée, à terme, par la sécu-larisation et la modernisation de la société que par le contrôle exercé par le Parti communiste
Publié le 18/03/2010
Selon le P. Criveller, les jeunes prêtres chinois sont particulièrement exposés. Les prêtres aujourd’hui âgés ont connu les diverses campagnes politiques des années 1950, 1960 et 1970 contre la religion ; ils ont survécu aux persécutions, à l’emprisonnement et en sont sortis avec une foi renforcée. Les jeunes prêtres n’ont pas traversé ces épreuves mais sont confrontés au matérialisme de la société chinoise actuelle. Si la plupart des jeunes prêtres et religieuses sur le continent sont fidèles à leur mission, d’autres sont attirés par “la vie facile” induite par la modernisation, a dit le P. Criveller (1). Les automobiles, les ordinateurs et les téléphones portables peuvent être autant d’outils au service de la pastorale mais ce sont aussi des biens matériels qui creusent un fossé entre les prêtres et les fidèles qui n’y ont pas accès, en particulier en zone rurale. D’autres biens sont concernés, tels les voyages, a poursuivi le missionnaire italien, et tendent à être recherchés pour eux-mêmes et non comme moyens au service de l’évangélisation. “Il y a vingt ans, nous cherchions à aider l’Eglise en Chine en faisant passer des livres et des articles religieux. Aujourd’hui, nous devons l’aider à faire face aux défis créés par la transition sociale a encore ajouté le P. Criveller.
Anthony Lam Sui-ki, chercheur au Centre d’études du Saint Esprit, est allé dans le même sens. Selon lui, du fait de l’individualisme croissant à l’ouvre dans la société, la discipline et l’obéissance ne sont plus ce qu’elles étaient parmi les jeunes prêtres et les séminaristes. D’un côté, ce changement est bienvenu car il amène ces jeunes à remettre en question les pressions que les autorités chinoises exercent sur l’Eglise. Le renforcement des contrôles exercés sur les séminaires trouve sans doute une partie de sa cause ici (2). Mais, d’un autre côté, l’absence, par exemple, de procédures rigoureuses dans la gestion financière de l’Eglise peut amener certains jeunes prêtres isolés à ne pas faire un usage judicieux des sommes dont ils peuvent disposer.
Pour le P. Criveller, les relations entre le pouvoir chinois et l’Eglise de Chine n’évoluant pas, les jeunes prêtres peuvent ressentir un fort sentiment de frustration lorsqu’ils sont obligés de négocier sans cesse avec les autorités chinoises, sans gagner pour autant une vraie liberté pastorale. La plupart résistent aux pressions du pouvoir mais, pour ceux qui n’y parviennent pas, il n’existe qu’une alternative : soit ils quittent le sacerdoce, soit ils cèdent aux sirènes du pouvoir, y gagnent des avantages personnels mais perdent en quelque sorte leur âme. Dans un tel contexte, le discernement des vocations, en amont, avant que les jeunes s’engagent définitivement, est essentiel. Déjà, lorsqu’ils ou elles sont au séminaire ou au noviciat, les pressions émotionnelles ou familiales exercées sur eux sont intenses et le renoncement à la vie consacrée est douloureux.
Premier théologien de Hongkong à avoir enseigné au grand séminaire de Shanghai, à Sheshan, avant sa nomination à la tête du diocèse de Hongkong, Mgr Joseph Zen Ze-kiun a pris la parole lors de ce séminaire. Comparés aux jeunes prêtres de Hongkong qui peuvent chercher appui et conseil auprès des prêtres plus âgés, les jeunes prêtres du continent se retrouvent trop souvent seuls, étant donné l’étendue du pays, et, lorsqu’ils travaillent aux côtés de prêtres âgés, la différence d’âge est un handicap à la communication. Dans les séminaires, a ajouté Mgr Zen, la formation spirituelle fait défaut tout comme l’accompagnement spirituel personnel. “Tant que les relations sino-vaticanes ne seront pas normalisées et que les Eglises hors de Chine ne pourront avoir des contacts libres avec l’Eglise de Chine, il sera très difficile à l’Eglise de Hongkong et à d’autres d’aider a-t-il conclu.
En attendant cette normalisation, le P. Franco Mella, PIME, qui a enseigné l’anglais dans le sud et le sud-ouest de la Chine de 1991 à 2001, a appelé les parties en présence, le gouvernement et l’Eglise, au dialogue. “Si nous pouvons maintenir un dialogue avec les autres religions, pourquoi ne le pourrions-nous pas avec les communistes ? s’est-il interrogé.