Eglises d'Asie – Cambodge
Le ministère des Cultes et des Affaires religieuses a pris des mesures destinées à freiner le prosélytisme de certains groupes chrétiens
Publié le 18/03/2010
“Toutes les activités publiques de prosélytisme sont interdites affirment les directives gouvernementales, explicitement rédigées à l’attention des chrétiens. A titre d’exemple, il est désormais interdit aux groupes chrétiens de recourir au porte à porte ou de se poster dans les rues et de déclarer tout à trac à leurs interlocuteurs : “Le Seigneur vient !”. Selon le texte du ministère, une telle attitude “constitue une interruption de la vie quotidienne des Cambodgiens et peut représenter une ingérence dans la vie privée de la communauté”. Il est aussi prescrit que les lieux de culte doivent désormais être espacés d’au moins deux kilomètres les uns des autres. “L’enseignement de la religion doit respecter les autres religions et éviter de recourir à l’insulte ou à la critique de l’une ou de l’autre, spécialement du bouddhisme qui est religion d’Etat précise encore le ministère qui ajoute qu’il souhaite, par ce texte, “éviter tous les problèmes qui pourraient provoquer des conflits religieux”.
Selon Dok Narin, sous-secrétaire d’Etat chargé des Cultes et des Affaires religieuses, “certains groupes chrétiens ne sont pas bons et forcent les gens à adhérer au christianisme”. Pour Chéa Savoeun, ministre des Cultes, “certains groupes chrétiens dont les adeptes se déplacent à bicyclette [les Mormons] vont de porte en porte et dérangent le peuple en bloquant leur porte, pour persuader les gens de rejoindre leur secte” ; des sectes chrétiennes ont été accusées par des Cambodgiens de “mépriser” les autres religions, en particulier certains mouvements chrétiens actifs sur les ondes radiophoniques.
De fait, selon des observateurs de la société cambodgienne, ces dix dernières années ont vu se multiplier les activités de nombreuses dénominations ou mouvements chrétiens, souvent d’origine anglo-saxonne, qui agissent en leur nom propre ou sous le couvert d’ONG. Un certain nombre d’entre eux manifestent un manque de respect envers la culture khmère et la religion bouddhique (dont 95 % de la population se réclament). D’autres, au nom du développement complet de la personne humaine, proposent des cours d’anglais, d’informatique ou de techniques agricoles et sont soupçonnés de ne pas distinguer évangélisation et aide humanitaire ou caritative.
Ces derniers mois, plusieurs signes de tension se sont fait jour avec les Eglises chrétiennes : en novembre dernier, Rong Chun, président de l’Association indépendante des enseignants du Cambodge, a vigoureusement protesté contre une phrase écrite dans la première leçon d’un livre de douzième (équivalent de la classe de terminale) : “Mettre les intérêts de Dieu au-dessus de tout”. Le responsable syndicaliste enseignant estimait la phrase contraire à l’article 43 de la Constitution qui stipule que le bouddhisme est religion d’Etat car, a-t-il argumenté, mettre les intérêts de Dieu au-dessus de tout ne fait pas partie des préceptes du bouddhisme. Le 27 novembre, le ministère des Cultes et des Affaires religieuses a tranché en faveur du syndicat enseignant, ordonnant le retrait de la phrase litigieuse. En novembre et en décembre 2002, divers articles de la presse cambodgienne ont dénoncé les excès de certaines sectes et cité des bouddhistes accusant les chrétiens de vouloir détruire le bouddhisme (1).
Réagissant à la nouvelle directive, des responsables d’ONG chrétiennes soulignent, d’une part, que le prosélytisme agressif n’est pas le monopole des chrétiens évangéliques, des groupes musulmans étant également à l’ouvre au sein de la minorité musulmane Cham, et, d’autre part, que les Eglises, ONG et mouvements chrétiens respectueux de la culture khmère n’ont pas à craindre pour leur activité. Selon le directeur d’une ONG chrétienne importante, dès lors que le travail caritatif est mené “selon les règles édictées par les autorités l’action des principales organisations caritatives chrétiennes ne devrait pas être affectée. Selon les observateurs, la portée effective de ces directives dépendra de l’application qui en sera faite. Dans un passé récent, des initiatives du ministère des Cultes et des Affaires religieuses ont été désavouées par le Premier ministre Hun Sen, telle l’interdiction faite aux musulmans après le 11 septembre 2001 de se réunir dans les mosquées pour des motifs politiques.