Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er janvier au 28 février 2003

Publié le 18/03/2010




LE COUP DE SANG ANTI-THAILANDAIS

Le film des ‘événements’

Selon le journal Réasmey Angkor, paru durant la première quinzaine de janvier, la star thaïlandaise de téléfilms Suvanant Kongying, surnommée « Pkay Preuk » (‘Etoile du matin’), très admirée au Cambodge, aurait déclaré qu’elle n’accepterait de donner un concert au Cambodge que lorsque « Angkor Vat serait rendu à la Thaïlande Le journal demande au ministre de la Culture et à celui de l’Information de vérifier si ces propos sont exacts. Dans une lettre au ministère de l’Information, un groupe de jeunes demande qu’on interdise l’importation des vidéos de Pkay Preuk, et souhaite que l’ambassade de Thaïlande à Phnom Penh présente ses excuses au Cambodge « si cette histoire est vraie L’épisode télévisé du soir où apparaît la star est déprogrammé.

Lors d’une inauguration de ponts, le 27 janvier, le Premier ministre dit qu’« il ne s’agit que d’une opinion personnelle qui n’engage pas tous les citoyens thaïlandaisEtoile du Matin, ou plutôt ‘Etoile des voleurs’, n’est même pas comparable à quelques touffes d’herbes d’Angkor Vat ». Le même jour, des étudiants brûlent des portraits de Pkay Preuk, et lancent une pétition pour demander le boycott complet des films thaïlandais. Ranariddh ironise et accuse certains partis de vouloir récupérer politiquement cette affaire dans le contexte de campagne électorale : « Plutôt que de nous mettre en colère, il vaut mieux s’interroger sur les raisons de ce mépris (thaïlandais) à notre égard. » Sam Rainsy estime qu’on attache trop d’importance à cette affaire : « Ca ne sert qu’à faire la promotion de cette actrice, et ça risque de détériorer les relations entre les deux pays. » Le 28 janvier, Pkay Preuk dément avoir tenu les propos qu’on lui prête.

Durant toute la journée du 29 janvier, les étudiants de l’Institut national de gestion et de l’université s’excitent, déchirent les affiches thaïlandaises et détruisent des produits thaïlandais, défilent en moto avec des banderoles anti-thaïlandaises, crient des slogans et demandent des excuses du gouvernement thaïlandais. Vers 18 heures, des casseurs professionnels prennent la tête du mouvement, avec, apparemment, une feuille de route très bien préparée, d’une précision toute militaire. Un certain nombre d’entre eux pénètrent dans l’ambassade de Thaïlande nouvellement construite et y mettent le feu, ainsi qu’à la résidence de l’ambassadeur et aux véhicules de l’ambassade. Thaksin, Premier ministre thaïlandais, téléphone immédiatement à Hun Sen pour lui demander comment il peut laisser faire cela. En dépit des appels au secours désespérés de l’ambassadeur de Thaïlande à divers ministères, la police ne montre guère d’empressement à intervenir. L’ambassadeur de Thaïlande se réfugie à l’ambassade du Japon toute proche. Certains étudiants brûlent le drapeau thaïlandais.

Vers 19 heures, les émeutiers mettent à sac le siège de la compagnie de téléphone Shinawatra, appartenant à des proches du Premier ministre thaïlandais, situé au siège de la compagnie de téléphone Samart. Circule alors la rumeur que l’ambassade du Cambodge à Bangkok a été mise à sac et son personnel massacré, que des Cambodgiens ont été tués à la frontière.

A 19h 30, une dépêche de annonce que le Premier ministre thaïlandais donne une heure à son homologue cambodgien pour rétablir l’ordre, faute de quoi il enverra ses propres unités pour protéger les ressortissants thaïlandais. Un avion militaire thaïlandais C 130, huit avions F 16, deux hélicoptères Chinook sont placés en alerte, un porte-avions thaïlandais part patrouiller au large de Koh Kong.

Ce n’est que vers 20 heures qu’un appel au calme est lancé à la télévision, et que les forces de l’ordre dispersent plus d’un millier de personnes armées de bâtons, rassemblées devant l’ambassade de Thaïlande en feu. Le Premier ministre thaïlandais tente en vain de contacter son homologue khmer. Les casseurs mettent à sac royal de Phnom Penh et y brûlent au moins six voitures. Ils s’en prennent à l’hôtel Juliana, au Regent Park Hotel, tout autant qu’à des propriétés thaïlandaises, à la station TV5, appartenant à l’armée, mais fonctionnant avec des capitaux thaïlandais, aux locaux de la compagnie Bangkok Airways, au siège de la boisson énergétique M 150, à une usine de purification d’eau à Chak Angrè, à une cimenterie, ainsi qu’à d’autres entreprises thaïlandaises.

Vers 22 heures, le porte-parole du gouvernement annonce que les rumeurs concernant l’ambassade du Cambodge à Bangkok sont fausses et que la situation commence à être maîtrisée. Un avion spécial de Bangkok Airways rapatrie les diplomates thaïlandais.

Vers 23 heures, les manifestants brûlent le drapeau thaïlandais flottant le long du Tonlé Sap et le remplacent par un drapeau cambodgien. Vers minuit, ils se heurtent à la police alors qu’ils tentent un nouvel assaut contre les bureaux de la Thai Airways.

Le 30 janvier au matin, sept cents ressortissants thaïlandais sont rapatriés en Thaïlande par des avions militaires, qui ont auparavant débarqué une vingtaine de commandos avec du matériel de télécommunication, des motos camouflées et de l’armement. La police cambodgienne interpelle 150 suspects qui s’apprêtaient à jeter des cocktails Molotov sur les appareils venant évacuer les ressortissants thaïlandais. Mâm Sonando, responsable de Radio Abeille, est arrêté pour avoir « incité la foule à attaquer l’ambassade thaïlandaise » ainsi que In Chansivutha, rédacteur en chef du journal Réasmey Angkor, accusé d’avoir faussement diffusé les propos de Pkay Preuk. Cinq Thaïlandais auraient été blessés, dont trois brûlés et deux par jets de pierres, et un Thaïlandais est mort, brûlé au sommet de l’immeuble Samart en feu. On recense une dizaine de blessés parmi les forces de l’ordre, cinquante selon Hun Sen.

Conséquences diplomatiques

Le Premier ministre thaïlandais prend immédiatement des mesures de rétorsion diplomatique : Bangkok ne sera représenté à Phnom Penh que par un chargé d’affaires. L’ambassadeur du Cambodge en Thaïlande est convoqué au ministère thaïlandais des Affaires étrangères où on lui transmet les protestations officielles de Bangkok. Il est prié de quitter le pays dans les 24 heures. Les Cambodgiens n’ont aucune excuse pour n’avoir pas protégé une ambassade étrangère, selon les termes de la convention de Vienne de 1961. Les forces armées thaïlandaises renforcent leur présence le long de la frontière, spécialement aux points de passage entre les deux pays où on ne laisse passer que les étrangers.

Dans une déclaration radio et télédiffusée, le 30 janvier, Hun Sen exprime ses « regrets ». Le porte-parole du gouvernement annonce que le montant des dommages causés sera versé « aussi vite que possible et sans condition Le 1er février, Sam Rainsy, qui voulait présenter ses excuses au Premier ministre thaïlandais, n’est pas autorisé à pénétrer en Thaïlande.

La rencontre préparatoire à la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de l’ASEAN, prévue pour les 11 et 12 février, est annulée.

Le 4 février, Hor Nam Hong porte une lettre d’excuse au Premier ministre Taksin, et un message du roi Sihanouk au roi Phumibol, et présente ses « profondes excuses » au peuple thaïlandais.

Le 10 février, le chargé d’affaires thaïlandais arrive au Cambodge avec une délégation de trente-trois personnes, dont onze resteront sur place. Ils sont logés dans l’ancienne ambassade du Japon, une maison coloniale française. Hun Sen en assure la protection avec vingt gardes du corps de sa garde personnelle.

Le 30 janvier, Roland Eng, ambassadeur du Cambodge aux Etats-Unis, beau-frère de Ranariddh, écrit une lettre d’excuse à son ami, l’ambassadeur de Thaïlande, sans en avoir reçu d’ordre du ministre des Affaires étrangères. Dans cette lettre, il « s’excuse se dit honteux de « la conduite non civilisée » des émeutiers. Sihanouk écrit que c’est « un acte impardonnable de trahison nationale cette lettre faisant « perdre la face et la dignité » au Cambodge : « Eng s’abaisse, il se prosterne, lèche les pieds de l’ambassadeur Le ministre des Affaires étrangères lui avait déjà fait une remarque le 2 février. Cependant, le 18 févier, le roi reconnaît avoir écrit trop durement au sujet de cette lettre, et demande au Premier ministre de ne pas sanctionner l’ambassadeur.

La participation du Cambodge aux 16e jeux asiatiques de tennis de table, prévue pour le 21 février à Bangkok, est annulée, faute de visas.

L’image internationale de Hun Sen bâtie à l’occasion du dernier sommet de l’ASEAN est sérieusement endommagée. Il semblerait qu’il aurait perdu également beaucoup de popularité au sein de son propre parti. « Terrible humiliation, déshonneur et perte de face pour le Cambodge s’indigne le roi Sihanouk dans son Bulletin mensuel de documentation.

Les Etats-Unis demandent « de faire tout le nécessaire pour restaurer l’ordre et pour tirer l’affaire au clair 

La Chine demande aux deux gouvernements de résoudre la crise « calmement 

La Malaisie estime que cela doit servir de leçon : « Nous ne devons pas toucher aux questions de religion et de souveraineté. »

Le 24 février, dans les coulisses de la réunion des pays non alignés, à Kuala Lumpur, Hun Sen rencontre Taksin pendant 45 minutes, pour parler de la normalisation des relations entre les deux pays.

Conséquences économiques

La Thaïlande ferme immédiatement sa frontière et expulse des milliers de travailleurs cambodgiens travaillant près de la frontière, spécialement des petits commerçants, à Koh Kong. Au marché de Klong Loeuk, près d’Aranyaprathet, deux cents travailleurs clandestins des pêcheries sont expulsés.

Le 4 février, un groupe de 47 experts thaïlandais, dirigés par le secrétaire permanent adjoint du ministère thaïlandais des Affaires étrangères, escortés par vingt membres des forces spéciales thaïlandaises, se rend à Phnom Penh pour une première évaluation des dégâts, dont la facture s’élève à plus de 46,5 millions de dollars. Le Premier ministre thaïlandais se demande comment Hun Sen va régler la note. Les remboursements pourraient se faire sous forme de concessions, d’exonérations, de privilèges fiscaux et commerciaux. En ce qui concerne l’ambassade, Hun Sen « paiera sans condition » sur « les crédits alloués aux écoles et aux construction de routes Le gouvernement cambodgien payera en liquide, dès que le montant sera établi. Les sociétés d’assurances nationales seront mises à contribution.

Les propriétaires de 49 logements proches de l’usine MPP incendiée le 29 janvier seront indemnisés, mais personne ne prévoit d’indemnités pour les quelque 2 000 ouvriers cambodgiens mis en chômage technique du fait de la destruction de leur instrument de travail, l’émeute n’étant pas notée dans le code du travail comme ouvrant droit à des indemnités.

La Thaïlande se situe au 8ème ou 9ème rang des investisseurs au Cambodge. 65 % du commerce avec l’étranger passe par la Thaïlande. En 2002, le Cambodge a importé pour 222 millions de dollars de denrées de Thaïlande sur les 553 millions du total des importations en provenance des pays de l’ASEAN, contre seulement 91 millions du Vietnam et 1,5 de Chine. Le matériel de construction importé de Thaïlande voit ses prix augmenter vertigineusement. La Thaïlande ne tient cependant pas à geler son commerce avec le Cambodge, car le Vietnam voisin en profiterait.

Il ne semble pas que les événements aient eu un gros impact sur le tourisme : « Les télévisions étrangères n’ont accordé que peu de place à ce qui s’est passé ici. C’est une chance pour le Cambodge dit un voyagiste.

Le 6 février, les postes de frontières de Koh Kong et de Poïpet sont rouverts aux piétons, « pour raisons humanitaires dit le Premier ministre Taksin. Après plusieurs reports, la compagnie Thai Airways reprend ses vols vers Phnom Penh le 14 février. Au début mars, la frontière demeure fermée à l’importation et l’exportation. « Il faut être patients dit Taksin aux commerçants thaïlandais.

Conséquences politiques internes

Sur les 150 interpellés le 30 janvier, soixante sont inculpés. Les associations de défense des droits de l’homme et leurs avocats ne sont pas autorisées à rencontrer les suspects. Six ont disparu, sans que l’on sache ce qu’ils sont devenus. Le Comité d’action pour les droits de l’homme qui regroupe dix-huit ONG, plusieurs autres associations et des syndicats demandent la libération de Mâm Sonando et de In Chansivutha. Dans 66 usines, on envisage de faire grève une heure par jour pour demander leur libération. Le 8 février, la princesse Vachéara est autorisée à rendre visite à Mâm Sonando, mais la presse ne peut assister à la rencontre. Le 9 février, plus de 1 000 étudiants, enseignants, ouvriers et paysans du Comité d’observation du Cambodge, nouvellement créé, demandent la démission de Hun Sen et la libération des deux journalistes. Les « Enfants des pagodes groupes d’étudiants favorables à Hun Sen, manifestent pour obtenir le maintien en poste du Premier ministre. Aucun heurt n’a lieu entre les deux camps. Les « Enfants des pagodes » se considèrent comme des militaires, « prêts à intervenir si on le leur demande Ils affirment être au nombre de 200 000. La police avait préparé 1 000 bambous pour stopper la manifestation du Comité d’observation. Le Comité de protection des journalistes (CPJ) accuse le gouvernement d’utiliser les journalistes comme « boucs émissaires Finalement, les deux journalistes sont libérés le 11 février, sur demande de Sihanouk. Le Comité d’observation annule ses projets de manifestation et les syndicats annulent leur ordre de grève.

Radio Nid d’Abeilles de Mâm Sonando constitue la seule radio libre du pays, dirigée par un homme astucieux et courageux. En janvier, le gouvernement lui a interdit la rediffusion des émissions de Radio Free Asia et la Voix de l’Amérique, mais Mâm Sonando a organisé des tribunes des lecteurs qui sont de plus en plus hostiles au gouvernement. Il reprend ses émissions le 17 février.

Une auditrice de Nid d’Abeilles avait dit, le soir du 29 janvier, avoir entendu dire que l’ambassade du Cambodge en Thaïlande avait été brûlée et que son personnel avait été massacré. Le gouvernement accuse donc Mâm Sonando d’avoir diffusé de fausses nouvelles et incité à la haine, mais c’était à 22 heures, donc après les événements.

On accuse In Chan Sivutha d’avoir propagé de fausses nouvelles en citant de faux propos de l’actrice thaïlandaise, mais on fait remarquer que le journaliste avait émis des doutes, tandis que Hun Sen les a pris, lui, pour argent comptant, le 27 janvier !

L’association indépendante des Enseignants du Cambodge annule la grève prévue au 1er février, en raison des événements.

Le 27 février, le roi Sihanouk écrit une lettre à Hun Sen pour demander la libération des étudiants, qu’il n’estime pas responsables d’avoir organisé des émeutes d’une telle ampleur. Hun Sen refuse, disant que le roi a été dupé par des « irresponsables ».

A partir du 6 janvier, on note plusieurs changements dans la police, attribuables aux événements. Le 11 février, Chéa Sophara, le très actif et très populaire gouverneur de Phnom Penh, est limogé, et envoyé comme ambassadeur du Cambodge en Birmanie. Il est remplacé par Tèp Chutéma, gouverneur de Takéo, proche de Sâr Kheng, co-ministre de l’Intérieur. On peut voir dans cette mesure une fleur faite aux Thaïlandais qui ne pardonnent pas au gouverneur de Phnom Penh le pied de nez fait à Préah Vihéar. Certains disent que les Thaïlandais auraient demandé sa tête en échange de la reprise du dialogue. On peut aussi y voir la volonté de Hun Sen d’évincer un rival de plus en plus populaire dans la population phnom-penhoise et dans le PPC. Hun Sen se défend d’avoir voulu sanctionner le gouverneur, mais personne n’est dupe. Le 13 février, pourtant, pour rectifier quelque peu l’effet psychologique catastrophique de la révocation du gouver-neur de Phnom Penh, Hun Sen nomme Chéa Sophara comme son « conseiller personnel, avec un rang égal à un ministre Il annule sa mission d’ambassadeur en Birmanie. Le 23 février, après un très court voyage en France, Chéa Sophara, aux côtés de Hun Sen pour un som-met des non-alignés à Kuala Lumpur, fait une déclaration demandant aux politiciens de s’unir plutôt que de chercher à diviser le PPC.

Qui est l’instigateur de ces violences ?

Cet accès de violence, comme chacun s’en doute, n’est pas « spontané ou du moins n’a pas été réprimé dans l’ouf. Sur un vieux contentieux avec leur voisin du nord, les étudiants ont été manipulés par le pouvoir, sans que l’on sache trop les intérêts en jeu.

Ces événements ressemblent à « un coup de sang » passager, comme les Cambodgiens en ont le secret. Les ressentiments avec la Thaïlande sont lointains et profonds. Sans remonter à Angkor prise par les Siamois en 1342, à la destruction de Longvek en 1594 ou au protectorat sur les trois provinces du Nord auquel la France a mis fin en 1907, provinces à nouveau siamoises de 1940 à 1945, le temple de Préah Vihéar, attribué au Cambodge par la Cour internationale de La Haye en 1962, et où, le 17 juin 1979, l’armée thaïlandaise a déversé 30 000 réfugiés cambodgiens dans des champs de mines, reste un point très sensible. La Thaïlande a fermé la frontière à Préah Vihéar en décembre 2001 pour un motif futile. Chéa Sophara, maire de Phnom Penh, a relevé le gant en jumelant Phnom Penh à Préah Vihéar, construisant une route d’accès, organisant une grande fête à Préah Vihéar le 14 janvier, de laquelle les Thaïlandais ont été exclus (alors qu’une belle route goudronnée s’arrête à 200 m. du temple, du côté thaïlandais). Chéa Sophara, y inaugure Radio Préah Vihéar, baptisée Sweet FM 99. 6 000 postes flambants neufs sont distribués à la population de la province.

Les problèmes frontaliers sont fréquents avec la Thaïlande que l’on accuse périodiquement d’incursions, de vols de bestiaux, d’assassinats, de déplacements des bornes frontières, etc. Depuis 1997, par exemple, les Thaïlandais se sont approprié le temple de Ta Moin, dans la province d’Oddar Méan Chhey, et le restaurent. Les ministères cambodgiens de la Culture et des Affaires étrangères ont demandé que les Thaïlandais cessent leurs travaux. Les militaires cambodgiens reprochent à leurs homologues thaïlandais de s’être approprié le temple de Sdok Kok Thom, qui, encore en 1992, était à l’intérieur du Cambodge, près du camp de résistance appelé Rithisen. La Thaïlande y aurait dépensé 1,4 millions de dollars en réparations.

Souvent, le gouvernement s’en est pris aux influences étrangères de la télévision thaïlandaise abondamment diffusée au Cambodge, et demandé de diffuser des films khmers (presque inexistants). Les Thaïlandais, pour leur part, cachent à peine leur mépris pour les « sauvages » khmers. Les nombreux travailleurs cambodgiens en Thaïlande peuvent être autant de témoins à charge contre la Thaïlande : on les fait travailler comme des brutes, au besoin en les droguant, puis on les livre à la police, parfois sans les payer, ou on les renvoie à la frontière, où ils sont dépossédés de tout leur avoir… Mais les Cambodgiens continuent à se rendre dans l’eldorado thaï !

Les plus sensibles à l’économie se rendent compte qu’une très grande partie de l’économie du tourisme, de l’hôtellerie, de la construction, qu’une bonne partie de l’approvisionnement du pays est entre les mains de Thaïlandais qui ne se privent pas pour exploiter le Cambodge. Les zones de pêches entre les deux pays sont l’occasion récurrente de conflits, comme l’exploitation des gisements de pétrole ou de gaz off-shore. Mais, généralement, par le passé, les manifestations de ce type ont visé les Vietnamiens.

Le Bangkok Post, citant des militaires thaïlandais, accuse nommément Hun Sen d’avoir attisé les sentiments anti-thaïlandais. Le Korea Herald, Financial Review, le South China Morning Post du 3 février pointent un doigt accusateur sur Hun Sen. Certains, plus conciliants, disent que Hun Sen est à l’origine de cette flambée de violence, et qu’il a été dépassé.

L’opposition cambodgienne fait la même analyse.

Le 3 février, le député Khlok Buddhi demande la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière, car il ne faut pas s’en tenir aux déclarations du gouvernement.

Le 4 février, la princesse Vachéara, présidente de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, demande au Premier ministre de venir s’expliquer sur les violences. Elle demande également au ministre des Affaires étrangères de tenir au courant les députés de ses démarches à Bangkok. « Il est nécessaire que les ministres fautifs soient sanctionnés », dit-elle. Ranariddh, président de l’Assemblée, change les termes de la lettre de Vachéara en « le Premier ministre ou son représentant Plusieurs députés du FUNCINPEC demandent aux deux co-ministres de l’Intérieur de venir témoigner. Le 10 février, on annonce qu’un secrétaire d’Etat à l’Intérieur viendra répondre aux députés. La princesse Vachéara parle du « mépris » du pouvoir envers les députés. Ranariddh refuse la venue des fonctionnaires de second rang, puis annule la séance de questions au gouvernement – « pour ne pas aggraver les tensions dans le pays et les relations avec ses voisins ».

Sam Rainsy accuse le gouvernement d’avoir orchestré les violences. Il estime que le gouvernement voulait détourner les yeux du peuple des réalisations pitoyables de son régime sur le plan économique.

Ranariddh accuse Sam Rainsy d’avoir été parmi les manifestants devant l’ambassade de Thaïlande. Celui-ci s’en défend, et menace de traîner le président de l’Assemblée nationale devant les tribunaux pour diffamation, le traitant de « marionnette de Hun Sen De fait, Sam Rainsy, après une réunion avec une délégation allemande, est passé en voiture près de l’ambassade de Thaïlande, mais ne s’y est pas arrêté. Il est possible que certains membres de son parti figuraient parmi les manifestants. Les journaux d’opposition affirment que Hun Sen attendait l’arrivée de Sam Rainsy pour le compromettre, avant de donner l’ordre d’attaque de l’ambassade thaïlandaise. Ranariddh et Sam Rainsy se menacent mutuellement de demander la levée de leur immunité parlementaire. Un fonctionnaire précise que des preuves existent contre Sam Rainsy, et qu’il sera arrêté quand l’enquête du gouvernement sera terminée. Le 6 février, Sam Rainsy révèle un plan du gouvernement pour l’arrêter et le rendre responsable des événe-ments. Déjà, la semaine précédente, Téa Banh, chef d’état-major de l’armée cambodgienne, avait dit aux militaires thaïlandais que Riansy était responsable, même si le chef de l’armée s’est défendu d’avoir tenu de tels propos. Sam Rainsy se cache pour ne pas être arrêté et demande au roi d’intervenir. Le roi écrit à Hun Sen pour lui demander de ne pas lever l’immunité parlementaire de Sam Rainsy. Hun Sen lui répond que le gouvernement n’a aucun projet d’arrestation du député, et que celui-ci a monté l’affaire de toutes pièces. Cependant, le chef du PSR n’a « pas confiance à 100 % dit-il.

La princesse Norodom Vachéara, demi-sour du roi et présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, déclare que, lors de la dernière réunion du Conseil des ministres du 14 février, Hun Sen aurait dit vouloir l’envoyer à la prison de Prey Sâr, où elle avait demander d’aller rendre visite à Mâm Sonando. Il aurait même refusé de parler d’elle comme « princesse mais comme « Madame » (très poli « Néak Néang et donc, selon la princesse, il méprise le trône. Elle pense à lui intenter un procès, mais c’est Hun Sen qui lui intente un procès « pour calomnie et diffamation prétextant n’avoir jamais tenu de tels propos. Vingt-quatre députés du FUNCINPEC et ceux du PSR se déclarent opposés à voter la levée de l’immunité parlementaire de la princesse. Plusieurs lui demandent de ne pas présenter d’excuses, car ce serait abaisser le pouvoir législatif devant l’exécutif tout puissant. La princesse présente cependant ses excuses par l’intermédiaire du roi, mais Hun Sen les refuse ; il tient à ce que la princesse elle-même lui présente. Ce qu’elle fait dans une lettre en date du 19 février, avant de partir pour un traitement médical en France.

Le 18 février, Om Radsady, conseiller du prince Ranaridh, est assassiné alors qu’il sortait d’un restaurant, par deux tueurs à gages qui lui dérobent son téléphone portable. Le député venait d’apporter son soutien à Norodom Vachéara dans l’affaire l’opposant à Hun Sen. Tous s’accordent à dire qu’il s’agit d’un meurtre politique, à part le ministère de l’Intérieur qui tente de faire accréditer la thèse du crime crapuleux, en produisant de faux témoins. Il semble que ce soit un coup de semonce à la princesse Vachéara : on ne s’attaque pas directement à la personne de la princesse, mais à ses proches. Le 25 février, Hun Sen retire sa plainte contre Vachéara.

Le 25 février, Hok Lundy, chef de la police nationale, affirme publiquement que la police avait été dissuadée d’employer la force. « La police était préparée, mais nous n’avons pas reçu le feu vert du gouvernement. »

Hun Sen rejette la responsabilité sur des « groupes d’extrémistes les accusant de « transformer une affaire culturelle en xénophobie et en conflit entre les deux pays Il exprime ses « regrets » et estime que c’est « une grande perte spécialement pour l’image du pays auprès des « investisseurs et des touristes Le gouvernement dit avoir été « surpris » et s’être « mépris sur l’ampleur du mouvement qu’il n’a pas donné l’ordre aux forces de l’ordre d’intervenir pour ne pas faire couler le sang khmer, etc. Ces propos ne convainquent que les naïfs, car au Cambodge rien ne se fait sans l’approbation de Hun Sen, comme il le répète souvent. « Par le passé, quand les démocrates faisaient quelques petites manifestations, le gouvernement avait suffisamment de forces de sécurité pour les écraser immédiatement dit Sam Rainsy. Cette manifestation a duré toute la journée avant de dégénérer en émeute. La police et l’armée, toutes puissantes, ont mis plus d’une heure à réagir. Dans d’autres pays, le Premier ministre ou le ministre de l’Intérieur aurait démissionné. Cela n’empêche pas Hun Sen de fanfaronner, le 3 février : « C’était une opération bien organisée, préparée depuis un an. » « Qui était le commanditaire, où était-il ce jour-là ? Qu’a-t-il fait ? Nous savons tout affirme le Premier ministre. Au début mars, cependant, aucune enquête crédible n’a été menée. Toutes les hypothèses sont possibles.

On avance l’hypothèse d’une histoire maffieuse entre Hun Sen et Taksin, ou leurs proches : des versements d’argent ayant tardé à venir, la partie cambodgienne se serait excitée.

Les journaux de l’opposition cambodgienne estiment que Hun Sen garde beaucoup de rancour contre la Thaïlande qui a servi de lieu de refuge aux opposants depuis 1975. Prévoyant que des troubles éclateront après les élections, quel qu’en soit le résultat, Hun Sen voudrait préalablement fermer la frontière pour éviter aux opposants d’aller s’y établir et faire de la propagande contre son régime.

D’aucuns pensent voir dans ces événements la main de Sâr Kheng, co-ministre de l’Intérieur, et les tensions internes au PPC. Tous ne sont pas contents de la candidature unique de Hun Sen comme Premier ministre. La volte-face de Hun Sen réhabilitant Chéa Sophara s’expliquerait ainsi, après qu’un proche de Sâr Kheng ait pris la mairie de Phnom Penh, à moins que l’ex-maire de Phnom Penh ne soit invité à se lancer dans la campagne électorale pour les prochaines élections.

D’aucun pensent que, les conseillers vietnamiens ayant l’oreille de Hun Sen, il faille chercher l’explication du côté vietnamien. Les problèmes de frontières sont plus aigus avec le Vietnam qu’avec la Thaïlande, et Hun Sen se propose de signer un accord contesté au mois de mars. En attisant les sentiments anti-thaïs, aux conséquences fâcheuses, on prévient des manifestations anti-vietnamiennes. D’autre part, en boycottant les produits thaïlandais, le Cambodge est forcé de se retourner vers le grand frère vietnamien.

Hun Sen a-t-il voulu jouer les apprentis sorciers, comme Lon Nol en 1970 qui avait voulu cimenter le peuple khmer lors de l’invasion viêtcông en massacrant des milliers de civils vietnamiens innocents ? Hun Sen pensait-il rassembler autour de lui les nationalistes de tous bords ? « Le FUNCINPEC et le PSR se présentent comme les défenseurs du pays contre le grignotage du territoire national par le Vietnam, mais ne disent rien contre la Thaïlande. Le PPC a voulu faire une surenchère de patriotisme dit non sans raison un député royaliste. C’est aussi l’analyse du Premier ministre thaïlandais : son pays est victime de « la politique intérieure cambodgienne ».

POLITIQUE

Préparation électorale

Le 6 janvier, le CNE affiche la liste des 12 845 bureaux de vote. Les listes électorales sont affichées le 15 février. Le nombre des électeurs s’élève à 5,3 millions. Ceux qui n’ont pas encore participé à une élection, et dont le nombre est estimé à environ 1,5 million, sont invités à s’inscrire entre le 15 janvier et le 17 février. Les nouveaux électeurs, des jeunes, seraient plutôt du côté de l’opposition. Plus de 400 000 dollars ont été dépensés pour le processus d’enregistrement : appareils photos, films, dépliants.

Un accord est intervenu entre le patronat, les syndicats et le gouvernement pour accorder de un à quatre jours de congés aux salariés pour se faire enregistrer sur les listes électorales, puis trois jours pour voter. Les employeurs auraient souhaité la multiplication des bureaux de vote à Phnom Penh, mais, comme les salariés votent plutôt du côté de l’opposition, cela aurait fait courir des dangers aux élus de la capitale.

Le PSR organise la remise de prix pour 1 000 nouveaux inscrits.

Le vénérable Tep Vong, patriarche de l’ordre Mohanikay, veut refuser l’utilisation des pagodes comme emplacements pour des bureaux de vote lors des prochaines élections. Or plus de 2 000 bureaux, soit 30 % du total, sont prévus dans des pagodes. Le refus du moine risque d’alourdir le budget. « Si le gouvernement n’a pas d’argent pour tenir les élections, il n’a qu’à les supprimer dit le vénérable. Les deux patriarches des deux ordres veulent interdire également aux moines de voter. Le 21 janvier, un communiqué, signé par Tep Vong et le ministre des Cultes, est affiché dans les pagodes demandant aux moines de faire preuve de neutralité, et donc de ne pas voter. Plusieurs moines sont mécontents et s’inscrivent sur les listes électorales. Tep Vong ne prendra pas de mesures à l’égard des moines qui votent. Comme « la religion appartient à l’Etat, ce sont les autorités qui doivent prendre des mesures dit-il. Il accuse le PSR de « détruire la religion en convainquant les moines de prendre part au vote Le même jour, Ranariddh se prononce contre l’implication des moines en politique, mais reconnaît que la Constitution leur donne le droit de vote. Le PSR dénonce cette interdiction. De fait, beaucoup de jeunes moines des villes penchent plutôt du côté du PSR. Le Premier ministre se déclare neutre, « ouvert » sur la question. Dans certaines pagodes, le PSR organise le transport des moines vers les bureaux d’enregistrement mais se heurte à la lourdeur de la bureaucratie.

Le FUNCINPEC et le PSR dénoncent des irrégularités dans les inscriptions : des discriminations à l’égard des nouveaux électeurs, spécialement à l’égard des moines et des pauvres, auxquels on demande trop de documents pour prouver leur nationalité ; réduction de la durée de l’ouverture des bureaux d’inscription, pas de délégation aux adjoints, en cas d’absence du chef de bureau. « Il s’agit de décourager les deux millions de nouveaux électeurs et de les priver de leur droit de vote dit le PSR. Le 27 janvier, environ 300 partisans du PSR, auxquels se joint Kéo Rémy du FUNCINPEC, manifestent devant l’Assemblée nationale, les locaux de l’UE et du PNUD, puis portent une pétition au CNE.

Sam Rainsy demande sans succès que les Cambodgiens de l’étranger puissent voter. Il y disposerait de 20 à 30 000 partisans.

Le 2 janvier Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, confirme la rumeur selon laquelle les élections sénatoriales, qui devaient se tenir en 2004, n’auront pas lieu et demande au roi de nommer les 61 sénateurs. Il avance des raisons budgétaires. La Constitution prévoit que les sénateurs sont élus au suffrage universel, à l’exception de deux désignés par le roi, et deux autres par l’Assemble nationale. Il faudra donc procéder à une réforme de la Constitution. Le roi refuse « ce privilège ». « Si le Cambodge n’a pas les moyens d’organiser les élections sénatoriales, alors il vaut mieux supprimer le Sénat dit tout de go Sam Rainsy. Le roi propose également de revenir au système de la Chambre unique. Le 9 janvier, le Comité d’action des organisations de défense des droits de l’homme se déclare opposé à la suppression des élections sénatoriales, et estime que l’argument du manque d’argent n’est qu’un prétexte.

Le divorce entre le PSR et le FUNCINPEC semble irrémédiable. Le PSR n’exclut pas une coalition avec le PPC, mais pas avec Hun Sen, dont les méthodes de pouvoir absolu sont héritées des méthodes communistes.

Le 6 janvier, le Premier ministre Hun Sen demande aux militants politiques de tous les partis de s’interdire le recours à la violence.

Les résidents vietnamiens, légaux ou illégaux, restent un problème. Les chiffres les plus fantaisistes circulent. Selon Lu Lay Sreng, FUNCINPEC, ministre de l’Information, « des millions de Vietnamiens vivent illégalement au Cambodge, dont 500 000 possèdent une carte d’électeur Chiffre visiblement exagéré. Selon le co-ministre de l’Intérieur You Hockry, 200 000 Vietnamiens résideraient illégalement au Cambodge, et deux cents familles « légalement On estime le nombre des Vietnamiens vivant au Cambodge entre 300 000 et 400 000.

Le 27 janvier, trois membres importants du FUNCINPEC confirment leur adhésion au PSR : Mak Sophy, sous-secrétaire d’Etat au développement rural, le brigadier général Vong Kim Han, et Chéa Chun, conseiller du sénateur Nhiek Bunchay. Selon le FUNCINPEC, Mak Sophy avait été expulsé du parti depuis longtemps, Chéa Chun avait démissionné « depuis longtemps ».

Le 25 février, Kieng Vang, secrétaire d’Etat à l’Intérieur, annonce son intention de quitter le FUNCINPEC pour se rallier au PSR. « Je suis fatigué et désespéré de l’ingratitude de mon président dit-il. Trois autres personnalités importantes du parti royaliste pourraient le suivre. Il faut toutefois se rappeler que la vie politique cambodgienne fonctionne plus par clientélisme que par la défense d’idées politiques. Le PSR tiendra son congrès le 29 mars.

Depuis la mi-janvier, le FUNCINPEC possède une radio nommée Ta Prohm. « C’est plutôt une radio privée, sur laquelle tous les partis politiques peuvent acheter des temps d’émission pour éduquer et informer le peuple. »

Au 10 février, soit cinq jours avant la fin de l’enregistrement, on note seulement 898 845 inscrits, sur les 1 559 000 prévus. Le CNE décide donc d’allonger la durée de la période d’enregistrement : 1 165 communes bénéficieront de deux jours supplémentaires, 130 de trois jours, 92 de quatre jours, et 234 de cinq jours, selon le pourcentage d’inscrits dans les différentes communes. Le 25 février, le CNE indique avoir reçu quinze plaintes émanant des trois principaux partis, et avoir apporté des réponses à toutes ces plaintes. (Au 7 février, le Comfrel recense 788 irrégularités survenues entre le 15 et le 26 janvier, dont 200 cas à Kompong Cham, 137 à Phnom Penh). Le 25 février, on décompte 1 164 759 nouveaux inscrits, soit 75 % des nouveaux électeurs potentiels, et à près de 95 % celui de l’ensemble des votants potentiels. De nombreux détenus et malades n’ont pas pu s’inscrire. Cependant, beaucoup se disent découragés par le manque de résultats des élections passées et affirment qu’ils ne se rendront pas aux urnes.

Trente et un jeunes enfants des rues, sur 72, présentés par l’ONG Mith Samlanh, sont enregistrés le 27 février.

Le CNE a délivré 4 659 cartes d’observateurs à des Cambodgiens pour les élections, et 70 à des étrangers.

1 925 policiers et gendarmes municipaux assureront la protection des élections à Phnom Penh. Des fouilles de voitures permettent de saisir actuellement quarante armes par jour.

Violences politiques

Plus la date des élections approche, plus la violence politique augmente.

Le 11 janvier, le cadavre d’un militant du PSR est découvert dans la province de Battambang, étranglé avec un krama.

Le 14 janvier, la femme d’un militant du PSR assassiné l’an dernier, dans la province de Kompong Cham, est assassinée à son tour par balles.

Le 6 février, Sam Bunthoeun, moine très populaire d’une pagode d’Oudong, est tué par balles, à Phnom Penh, à la pagode Vat Langkar.

Le 15 février, un militant du PSR de la province de Kompong Cham est assassiné par balles.

Le 17 février, un élu PPC de la province de Siemréap est tué à coups de bâton par deux personnes, dans ce qui semble être un acte de vengeance après la vente d’un terrain.

Le 19 février, un militant du FUNCINPEC est tué par balles à Kampot.

Le 21 février, une grenade est lancée dans un bureau du PSR dans la province de Kampot.

Le 18 février, Om Radsady, conseiller du prince Ranariddh, est assassiné alors qu’il sortait d’un restaurant, par deux tueurs à gages.

Son Chhay, ténor du PSR, demande au roi de convoquer les responsables des partis politiques avant son départ pour Pékin, prévu le 21 février. Le roi refuse l’idée, car cette réunion risquerait d’être « une bombe mais annule son voyage en raison des tensions internes, et propose de communiquer par lettres ouvertes avec les responsables des partis. Le report du voyage du roi est salué comme bénéfique au pays. Un climat de peur s’installe au Cambodge, ce que nie Hun Sen.

Législation

Le 3 janvier est votée à l’unanimité des 87 parlementaires la loi sur les employés de l’Assemblée nationale.

Le 21 janvier est votée à l’unanimité la loi sur les copyrights, visant spécialement des CD et vidéo. C’est une loi essentielle pour l’admission du Cambodge à l’OMC. Le Cambodge sera doté d’une aide de 500 000 euros par l’Union européenne pour lui permettre d’adopter un système moderne et efficace de protection des droits de la propriété intellectuelle.

La discussion du projet de loi sur la violence domestique entraîne des débats houleux à l’Assemblée nationale : certains députés ont peur d’un bouleversement dans la société, ils craignent que cette loi n’entraîne des divorces à la chaîne, que la cellule familiale explose, les enfants pouvant porter plainte contre leurs parents en cas de sévices corporels, ce qui va à l’encontre de l’éducation traditionnelle. Le projet de loi est renvoyé en commission.

Le 3 février, l’Assemblée nationale adopte la loi sur les investissements par 76 voix contre dix. 20 % de taxes sont prévues sur les bénéfices, les nouveaux investisseurs étant exonérés pour une période de huit ans.

Pendant trois semaines, l’Assemblée nationale ne peut se réunir, faute de quorum (sept députés sur dix). Ranariddh qualifie le phénomène de « maladie honteuse Il semble que ce soit le PPC qui soit responsable de la paralysie de l’Assemblée, évitant ainsi que Hun Sen ait à venir s’expliquer sur les violences du 29 janvier. On envisage de modifier le règlement interne de l’Assemblée.

Khem Sokha, fondateur du Centre cambodgien pour les droits de l’homme, financé par les Etats-Unis, se voit refuser un canal de diffusion.

SAGA DU TRIBUNAL devant juger les ex-responsables Khmers rouges

Le 6 janvier, Sok An, ministre au Conseil des ministres, se rend à New York pour rencontrer Hans Corell, conseiller juridique de l’ONU. Selon Hans Corell, ces discussions sont « la dernière chance pour le gouvernement d’obtenir une assistance internationale des Nations Unies pour le tribunal La partie cambodgienne veut avoir la haute main sur le tribunal et interdire aux étrangers de fouiller dans le passé de certains dirigeants. Après plusieurs jours de discussion, il ne semble pas que l’on ait beaucoup avancé. Un rapport sur les entretiens doit être présenté à l’Assemblée générale de l’ONU le 18 mars. « Le gouvernement n’a pas de véritable volonté de juger les dirigeants Khmers rouges, parce que certaines personnalités sont trop mouillées », dit l’opposition. Une délégation onusienne, dirigée par Hans Corell, doit se rendre au Cambodge du 13 au 17 mars prochain.

FRONTIERES

Le 24 décembre, Hun Sen annonce son intention de signer un accord avec le Vietnam concernant les frontières, six des sept points contestés étant réglés. Le 3 janvier, la princesse Vachéara, présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, s’oppose à la signature d’un tel accord sans l’agrément préalable de l’Assemblée nationale. Des points de friction entre les deux pays demeurent : un échange de territoire en Kandal, entre autres. Dans la province de Mondolkiri et de Ratanakiri, des sources bien informées affirment que l’armée vietnamienne vient y construire des routes, en repoussant la frontière une première fois de 10 km., une seconde fois encore de 10 km… Le roi demande au Premier ministre de considérer la demande de la Commission qui a un pouvoir constitutionnel d’intervention dans ce dossier.

Depuis juillet 2001 sont lancées des opérations de recherche des soldats vietnamiens morts au Cambodge dans les provinces de Mondolkiri et de Kratié. 585 dépouilles ont été rapatriées. 10 000 bodoï seraient morts durant les dix annés d’occupation. (On avance parfois le chiffre de 40 000).

Le 26 décembre 2002, l’agence de presse gouvernementale vietnamienne VNA annonce que huit Vietnamiens reconnus coupables d’« atteinte à l’unité nationale » pour avoir encouragé les Montagnards à fuir vers le Cambodge, sont condamnés à huit et dix ans de prison.

7 000 joueurs thaïlandais passent chaque semaine la frontière à O Smach pour aller jouer dans deux casinos. Les Cambodgiens ne sont pas autorisés à entrer dans les casinos. Le gouvernement thaïlandais estime perdre 150 millions de dollars chaque année avec l’argent joué en dehors de ses frontières.

1 137 mines et 437 objets non explosés ont été retirés du secteur de Préah Vihéar. La province compte 131 000 habitants, répartis en 208 villages. 20 % des habitants appartiennent à la minorité Kouy.

La Thaïlande souhaite ouvrir de nouveaux passages frontaliers, dont Pong Namrong et Préah Vihéar.

ECONOMIE

Forêts

Le 26 décembre, dans une lettre adressée aux représentants de la FAO (Organisation pour l’alimentation et l’agriculture), au représentant de la BAD (Banque asiatique pour le développement) au Cambodge, et au directeur de la BM (Banque mondiale), Chan Sarun, ministre de l’Agriculture, annonce « relever Global Witness de ses fonctions d’observateur indépendant de la gestion forestière Le ministre accuse l’association de manquer de neutralité et qualifie le rapport de Global Witness sur les événements du 5 décembre de « pure calomnie Il demande aux pays donateurs de désigner « au plus vite » une autre organisation « indépendante et neutre » en remplacement de Global Witness. Quelques jours plus tard, le Premier ministre annonce qu’il portera plainte contre l’association. Une vidéo sur la charge de police du 5 décembre montre les policiers armés de bâtons et casqués, mais un camion empêche de les filmer en train de charger les paysans.

Le 24 décembre, Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, avait souligné que Global Witness était « mondialement reconnu » et sa présence au Cambodge « nécessaire Le CACDH (Comité d’action cambodgien pour les droits de l’homme) demande que soit menée une enquête sur la violence avec laquelle les autorités ont interdit aux paysans de s’exprimer sur les concessions forestières, le 5 décembre, et que les responsables de ces violences soient traduits en justice. Le 28 décembre, la BM regrette la décision du gouvernement de renvoyer Global Witness et évoque la possibilité de suspendre son aide au pays. Le 30 décembre, le FMI demande la présence d’un observateur indépendant de la politique forestière, « internationale-ment reconnu, dont l’indépendance politique ne prête pas à question 

Le 2 janvier, Human Rights Watch annonce que des intimidations et violences sont commises contre des défenseurs des forêts en province.

« Aujourd’hui, il y a beaucoup de coupes illégales de bois qui continuent en cachette. Chers pays donateurs, que dois-je faire des rapports qui me parviennent ? déclare Eva Galabru, présidente de Global Witness. Le 9 janvier, le gouvernement dit qu’il n’y a pas de problème avec Global Witness, mais seulement avec sa présidente.

Amnesty International voit dans les poursuites engagées contre Eva Galabru « un acte d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, nouvelle tactique du gouvernement pour faire taire les opposants.

Un rapport international intitulé « Forest Crimes Monitoring and Reporting Project » datant du 24 décembre 2002, conclue à l’échec de l’ONU quant à sa politique visant à freiner la disparition des forêts cambodgiennes.

Le 28 janvier, lors d’une réunion de travail avec les représentants des pays donateurs, Hun Sen annonce que Global Witness cessera ses activités dans trois mois. Les discussions sont qualifiées de « franches et très animées ce qui veut dire que l’on n’a pas (toujours) utilisé la langue de bois. Hun Sen a participé à toute la journée de discussion, montrant combien le sujet est crucial pour certains. Le 26 février, la plainte contre Global Witness et contre Eva Galabru est retirée.

Tourisme

Les ministres du tourisme de l’ASEAN ainsi que leurs homologues chinois, japonais et sud-coréens se réunissent pour deux jours à Phnom Penh, à la fin janvier. Ils réfléchissent spécialement sur les moyens d’assurer la sécurité des touristes et la circulation entre les divers pays de l’ASEAN. On prévoit la suppression des visas entre les pays de l’ASEAN d’ici à 2005. Plus de 1 500 personnes se réunissent à Phnom Penh, dégagée de ses indésirables mendiants et enfants des rues. La tenue du forum coûte un million de dollars au gouvernement cambodgien.

Le 6 janvier, l’association Agir pour le Cambodge inaugure une école hôtelière qui forme cinquante élèves cette année. Cette association a déjà financé quinze écoles primaires et deux centres d’apprentissage des techniques de tissage et de couture. Par ailleurs, il y un an, le groupe Accor a créé une école hôtelière pour 1,5 millions de dollars.

Aides, investissements, prêts

Le gouvernement thaïlandais accorde un prêt de 19 millions de dollars pour la réhabilitation de la route reliant la province thaïlandaise de Trat à celle de Koh Kong, dont plus de la moitié pour la remise en état de la route Koh Kong-Sre Ambel. Bangkok a déjà accordé son assistance à la réfection des routes reliant la province thaïe de Si Saket à la province khmère d’Oddar Méan Chhey et de Siemréap. Ces prêts sont conditionnés par l’utilisation de sociétés de construction et de matériaux thaïlandais.

Le 12 décembre 2002, la BAD donne son accord à un prêt de six millions de dollars pour rénover l’aéroport de Ratanakiri, et de deux millions pour rénover celui de Stoeung Treng. Ces prêts entrent dans le cadre du prêt de 15,6 millions du « Projet de développement du tourisme du Mékong 

La France débloque 50 000 euros pour venir en aide aux personnes les plus affectées par les intempéries de l’été dernier, spécialement pour l’achat de produits alimentaires et de semences. Cette aide sera distribuée par le cabinet du roi et par la Croix-Rouge cambodgienne.

Le 13 janvier, le Japon accorde 3,6 millions de dollars au gouvernement cambodgien pour qu’il mette en place le « Programme de construction de la paix et de gestion des armes légères Le Japon a déjà participé au programme de l’Union européenne pour la réduction du nombre d’armes en circulation, la destruction des armes, l’enregistrement des armes et la sensibilisation du public. Le 23 janvier, 3 205 engins sont brûlés dans la province de Kompong Thom, ce qui porte à 105 000 armes détruites depuis mai 1999, dont 68 469 avec le concours de l’UE.

Le Japon va débloquer, coup sur coup, 1,7 millions et 505 000 dollars au gouvernement pour réparer ou entretenir les routes du pays. La première enveloppe servira à mettre sur pied un service de maintenance des 1 187 km de routes nationales. La seconde sera consacrée à la réfection de la nationale 7, sur 10 km. après le pont Kizuna, vers Mimot. Les travaux sont presque terminés.

Le 15 janvier, la BAD approuve un prêt d’un million de dollars pour améliorer les conditions d’hygiène des pauvres dans les banlieues. Une partie du prêt servira à assainir une décharge d’ordures.

Le PAM réduit son aide au Cambodge, comme à l’ensemble des autres pays : de 995 millions de dollars en 1991, son aide est tombée à 203 millions en 2002. Trois priorités sont inchangées : l’éducation, la santé-nutrition et l’aide d’urgence. Les ONG françaises s’occupant d’orphelins (Mith Samlanh, Krousar Thmey, Aspeca) s’attendent à des coupes sombres dans les dons alimentaires du PAM, ce qui risque d’être catastrophique pour la pérennité de leur action.

Le 23 janvier, le Japon verse au gouvernement une aide de 200 000 dollars pour l’acquisition d’un laboratoire de langues, devant équiper l’Institut des langues étrangères de l’Université royale de Phnom Penh. 1 300 étudiants pourront en bénéficier.

L’homme d’affaires Mong Rethy, proche de Hun Sen, entreprend la création d’un nouveau port à Kok Kong, sur une superficie de 200 hectares, dans lequel il investira cinq millions de dollars. Ce port sera destiné à l’exportation de produits agricoles, à l’importation d’engrais et de matériaux de construction. Il disposera d’un bureau de direction des douanes. Les taxes liées à l’activité du port iront directement dans les caisses de l’Etat.

Les 27 et 28 janvier, une réunion des pays donateurs déplore le manque de cohérence entre les paroles et les actes du gouvernement, sa lenteur à mettre en place les réformes du système judiciaire, la collecte des impôts et des taxes, ainsi que la lutte contre la corruption.

Le 5 février, Hun Sen lance le chantier d’un canal d’irrigation de 78 km. dans la province de Kompong Speu, qui permettra l’irrigation de 24 000 hectares.

En 2002, les investissements enregistrés ont augmenté de 5 % par rapport à ceux de 2000, passant de 232 à 242 millions de dollars. Les Cambodgiens ont investi pour 103 millions, les investissements étrangers ont baissé de 161 à 139 millions. La Corée du Sud est le premier investisseur, avec 73 millions, puis le Vietnam (27 millions), la Chine (7 millions). Les investissements dans le secteur agricole ont triplé (27 millions), ceux dans les infrastructures ont crû de 96 à 110 millions.

Le 21 janvier, après seize mois d’attente due aux lenteurs des versements par la BM, le gouvernement commence la distribution de motos aux 18 336 soldats démobilisés en 2001.

Pavillons de complaisance

Le 30 décembre 2002, on apprend qu’un bateau battant pavillon cambodgien est saisi en Mer Noire, pour non-conformité aux normes internationales de navigation.

Le 3 janvier, la société coréenne Cosmos Group signe un contrat de dix ans, pour délivrer des pavillons cambodgiens, en remplacement de la CSC. Le gouvernement se félicite de « sa bonne réputation, de son haut niveau de technicité et de son expérience Cette société détient un certificat ISO jusqu’en 2005, et possède huit années d’expérience. Il ne reste que 927 bateaux battant pavillon cambodgien. La nouvelle société espère pouvoir verser entre 800 000 et un million de dollars par an à l’Etat, alors que l’ancienne compagnie n’en a versé que 300 000 durant les quatre dernières années. Cependant, Transportation Workers’ Federation dénonce ce contrat, disant que « le Cambodge n’a rien appris Cette compagnie gagnera au minimum 25,5 millions avec les 927 bateaux enregistrés, mais n’en versera qu’un petit million au gouvernement.

International Manpower Cambodia recrute 1 500 personnes pour aller travailler en Corée du Sud.

SOCIETE

Santé

Le 9 janvier, est inaugurée la nouvelle aile de l’hôpital Sihanouk, baptisée « Centre d’espoir Elle a été financée par un bienfaiteur japonais à hauteur de 400 000 dollars. Cette aide double la surface de l’hôpital. Construit en 1996, l’établissement accueille 60 000 patients par an, et est desservi par 270 Cambodgiens et vingt étrangers.

Le 17 janvier est inaugurée la faculté de pharmacie de Phnom Penh qui abritera 250 étudiants. Les groupes pharmaceutiques français Pierre Fabre et Rodolphe Mérieux en ont financé la construction, soit près de 700 000 dollars.

Un pavillon de l’hôpital Calmette est rénové pour un coût de 75 000 dollars pour les indigents malades du cour. Le fonctionnement du centre coûte 120 000 dollars par mois, 15 à 17 000 dollars proviennent des patients, le reste est comblé par des donateurs privés. Depuis son ouverture, en novembre 2001, 407 opérations ont eu lieu, 1 500 enfants sont sur la liste d’attente.

Le 30 janvier, le Japon accorde 2,3 millions de dollars au ministère de la Santé et à l’Unicef pour un programme visant à réduire la mortalité et la morbidité infantiles, car la santé des enfants cambodgiens reste la plus mauvais de d’Asie. 55 000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année, soit 150 par jour. Une partie de la somme sera destinée aux vaccinations, à la réduction des carences en vitamines et en iode, ainsi qu’à la prévention des pathologies diarrhéiques et respiratoires. 9,5 % des enfants meurent avant 5 ans, soit une détérioration par rapport à 1998 (8,5 %). Huit femmes meurent chaque jour en couches.

Le Fonds global de Genève devrait allouer 31,5 millions de dollars au Cambodge au cours des cinq prochaines années pour la lutte contre le sida (14,88 millions), le paludisme (10 millions) et la tuberculose (6,64 millions). 19 000 cas de tuberculose auraient été détectés en 2001, le Cambodge est donc l’un des pays les plus affectés du monde. Le sida frappe 2,6 % de la population, soit le taux de prévalence le plus haut d’Asie. Deux millions de personnes, soit un sixième de la population, sont régulièrement exposées au paludisme.

La Grande-Bretagne va contribuer à hauteur de 24,9 millions de dollars à la lutte contre le sida au Cambodge durant les cinq prochaines années. 14,6 millions seront versés au PNUD pour former les fonctionnaires de l’autorité cambodgienne de lutte contre le sida.

Le 7 février, la BAD annonce un prêt de 107 millions de dollars, dont dix pour le projet de gestion de l’environnement du Tonlé Sap, vingt pour l’accès des plus défavorisés aux soins médicaux, cinquante pour l’amélioration des infrastructures routières.

Le 23 janvier, le gouvernement décide la fermeture des bordels de Svay Pak qui « affectent gravement l’image du pays selon le responsable de la police phnom-penhoise. La promotion du tourisme sexuel de cet endroit était assurée avec force détails sordides sur Internet, provoquant la fureur de la ministre chargée des Affaires féminines. 1 000 prostituées, en grande partie vietnamiennes, y exer-çaient leur activité dans quatorze principaux établissements. Il en res-terait deux cents, les autres étant parties à Siemréap, à Phnom Penh, ou à Sihanoukville, rendant plus difficile l’information sur les mala-dies sexuellement transmissibles. Selon plusieurs ONG, on s’attaque aux prostituées, mais non aux proxénètes qui sont parfois des policiers ou des personnalités proches du gouvernement. Les Etats-Unis pré-voient de supprimer ou de diminuer leur aide annuelle de 36,5 mil-lions de dollars au Cambodge, pour manque de résultats ou de volonté politique des autorités dans la lutte contre le trafic des êtres humains…

Le 27 janvier, une troisième école de Krousar Thmey pour enfants sourds et aveugles est ouverte à Kompong Cham. Les aveugles seraient au nombre de 72 000 au Cambodge.

En 2002, 828 personnes ont été blessées ou tuées par mines ou objets non explosés (UXO). Un tiers sont des enfants. Plus de la moitié (478) sont victimes des UXO déversés par l’aviation américaine durant la guerre.

Les 26 et 27 février se tiennent les neuvièmes journées de la chirurgie à Phnom Penh, parrainées par la Société française de chirurgie orthopédique traumatologique. Les 24, 25 et 26 février se tient à Phnom Penh la 17ème réunion de la Conférence des doyens de facultés de médecine d’expression française (CIDMEF), réunissant 107 universitaires venus des quatre coins du monde.

Avec la fermeture de la frontière thaïlandaise, suite aux événements du 29 janvier, et à la lutte des autorités thaïlandaises contre la drogue (plus d’un millier de trafiquants ont été tués, dont un Khmer, porteur de cinquante pilules de Yama ; 21 000 arrestations, 8,5 millions de pilules d’amphétamines saisies), le flot d’amphétamines semble tari dans les provinces du Nord-Ouest. Par contre, on assiste à une recrudescence du trafic dans la province de Stoeung Treng. Vers la mi-février, deux suspects y ont été arrêtés avec 26 000 pilules. Le 25 février, un Cambodgien est arrêté à Poïpet en possession de 4 000 pilules d’amphétamines.

Mouvements sociaux

Le 16 janvier, plus de 200 ouvriers de l’usine de confection textile Seng Heng manifestent devant le ministère des Affaires sociales pour demander le respect du code du travail. Selon les grévistes, la direction violerait seize dispositions du code ; les femmes enceintes seraient systématiquement renvoyées.

Six enseignants sont sanctionnés pour avoir participé à la manifestation du 6 décembre, demandant l’augmentation de leur salaire mensuel à 100 dollars. Le 6 janvier, l’Association de l’Education internationale, basée en Belgique, reconnaît l’Association indépendante des Enseignants cambodgiens comme un de ses membres. Cette association représente 25 millions d’enseignants de 159 pays différents. Son secrétaire écrit à Hun Sen pour demander la réintégration des six instituteurs sanctionnés.

Le 17 janvier, un syndicaliste de l’usine INSM, licencié le 22 octobre, a été attaché pendant trois heures par les gardiens de l’usine parce qu’il refusait de retirer sa plainte contre la direction en échange d’un dédommagement financier.

Le 20 janvier, l’usine textile Golfame Enterprise International Knitters, réembauche deux syndicalistes licenciés en décembre 2001 et avril 2002, sur pression du ministère des Affaires sociales, et surtout, sur pression d’un acheteur britannique qui a menacé de s’adresser à une autre entreprise pour son approvisionnement.

Le 22 janvier, plusieurs centaines d’ouvriers de l’usine textile Splendid Chance manifestent devant l’Assemblée nationale pour demander la réintégration de trois responsables syndicaux licenciés.

Le 17 février, plus de 45 ouvrières de l’usine Flying Dragon s’évanouissent et doivent être conduites à l’hôpital. La mauvaise ventilation et l’usage de produits chimiques seraient à l’origine de ces malaises en série.

Spoliations

Les 27 et 28 décembre, dix-sept familles de Trapéang Kralanh (province de Kompong Speu) se rassemblent pour s’opposer à l’unité de chars d’assaut, à qui le tribunal provincial a donné raison pour la possession de 43 hectares de terres, où ces familles habitent depuis 1979.

Sur la plupart des routes en réfection (Préah Vihéar, Mondolkiri), et avant le cadastrage des terrains dans le cadre d’un projet de la BAD, les militaires et hautes personnalités du gouvernement ou hommes d’affaires (Mong Rethy) s’attribuent des terrains, en en chassant leurs éventuels occupants.

DIVERS

L’ACDS (Alliance cambodgienne des droits de l’homme et de la santé) suspend deux programmes destinés à contrôler la santé des prisonniers et défendre leurs droits, faute d’argent. Cette association, fondée en 1995, était financée par Foundation.

Les 1 100 organisations non gouvernementales ont six mois pour se faire enregistrer auprès du ministère de l’Intérieur. Le Premier ministre demande aux ONG de rester neutres dans la politique cambodgienne.

La Sokimex investit un million de dollars dans un projet d’aérostat pouvant emmener dix touristes contempler Angkor d’en haut.

Le journal intime de Piseth Pilica, assassinée le 6 juillet 1999, probablement par des sbires de l’épouse du Premier ministre, composé de vingt pages, sort en kiosque à 30 000 exemplaires. Des hommes en civil saisissent les copies, sans que l’on sache exactement aux ordres de qui ils agissent. Cependant, un certain nombre d’exemplaires courent sous le manteau. Le porte-parole du gouvernement voit dans la date de parution de cet opuscule une opération politicienne à mettre en rapport avec les élections générales.

Un champignon, le « brontispa », grignote un à un les cocotiers de Mondolkiri.

Plusieurs étrangers sont condamnés pour pédophilie. Un Australien, accusé du viol de huit jeunes filles, est remis en liberté provisoire, mais les autorités judiciaires lui retirent son passeport. Il réussit à s’en procurer un nouveau à l’ambassade d’Australie à Phnom Penh, à la fureur du ministre australien des Affaires étrangères. Il sera extradé pour purger sa peine au Cambodge.

Le 26 février, 1 032 cassettes vidéo, 660 VCD et 350 magazines pornographiques sont détruits par la municipalité de Phnom Penh. Hun Sen redemande la fermeture des karaokés de la capitale.