Eglises d'Asie – Birmanie
Pour le secrétaire général du Conseil ocuménique mondial, la situation des chrétiens en Birmanie est difficile mais incite à un relatif optimisme
Publié le 18/03/2010
L’entretien des deux responsables du COE avec le numéro trois de la junte a eu lieu le 5 mars à Rangoun. Selon le pasteur Kaiser, ce qui ne devait être qu’une entrevue formelle s’est révélé être un entretien franc et intéressant. Le responsable chrétien a fait part des soucis des Eglises chrétiennes dans le monde, à la lecture de rapports mentionnant que des communautés chrétiennes faisaient les frais des combats opposant les troupes gouvernementales à différents mouvements de lutte armée des minorités ethniques des pourtours du pays (1). Konrad Kaiser a, entre autres, cité les cas d’églises et de presbytères incendiés ainsi que de chrétiens battus et contraints à se convertir au bouddhisme. En réponse, Khin Nyung a reconnu l’existence de tels rapports et en a même mentionné d’autres, relatifs à des chrétiennes violées par des soldats, mais il a ajouté que les enquêtes diligentées par les autorités avaient conclu que les accusations portées contre le régime étaient « sans fondement ». Le responsable militaire a toutefois « admis qu’étant donné les conflits avec les groupes ethniques, des chrétiens pouvaient se faire prendre dans de telles situations » mais que son gouvernement « avait tout intérêt à trouver une solution à ces conflits ».
Selon Mathews Chunakara, « Khin Nyunt a au moins montré qu’il était très direct et franc dans son approche » de la situation des chrétiens en Birmanie. La rencontre du secrétaire du COE avec le responsable gouvernemental a fait l’objet d’un reportage aux actualités télévisées nationales ainsi que de la ‘Une’ du quotidien officiel La lumière nouvelle du Myanmar. Pour le révérend Kaiser, le fait même que la rencontre ait eu lieu et qu’elle ait été ainsi répercutée dans les médias indique une ouverture grandissante du gouvernement à la présence chrétienne dans le pays. Il y a quelques années, rien de tout cela n’aurait été possible, a encore souligné Konrad Kaiser. Cette ouverture serait, selon lui, motivée par le souci de la junte de faire évoluer l’image du gouvernement sur la scène internationale. La veille de la rencontre avec Khin Nyunt, Colin Powell, secrétaire d’Etat des Etats-Unis, avait déclaré que la Birmanie était l’un des six pays que le gouvernement américain observait de près pour les graves violations à la liberté religieuse qui y sont commises. Les cinq autres pays cités étaient la Chine, l’Iran, l’Irak, la Corée du Nord et le Soudan.
Concernant les Eglises chrétiennes de Birmanie (2), et tout en reconnaissant n’avoir pu se rendre dans les campagnes au cour d’une visite de trois jours, le révérend Kaiser a déclaré qu’« à en juger par ses responsables, la communauté chrétienne est vivante, active et plutôt confiante ajoutant qu’il avait été surpris par la relative force des chrétiens qui représentent environ 6 % de la population, « ce qui est une présence conséquente en comparaison de la moyenne asiatique ». A l’appui de son propos, il a cité la vigueur du mouvement ocuménique – y compris entre l’Eglise catholique et les Eglises protestantes -, remarquable pour un pays coupé du monde extérieur des années 1960 au début des années 1990. Il a également souligné qu’en dépit de la nationalisation des écoles en 1962 par le général Ne Win et de l’éviction consécutive des institutions chrétiennes du domaine éducatif, le gouvernement considère toujours les Eglises comme « un facteur potentiellement positif ». Il a toutefois indiqué que l’action de certains missionnaires venus d’Inde, de Corée du Sud et des Etats-Unis créait des difficultés aux communautés chrétiennes locales, les autorités considérant cette action comme une ingérence étrangère dans les affaires du pays.
A propos des relations des chrétiens avec les autres religions, Mathews Chunakara a pour sa part souligné qu’il était urgent de développer un dialogue interreligieux. « En Birmanie, a-t-il déclaré, on peut constater l’existence d’un mouvement missionnaire agressif de la part de moines bouddhistes, qui devient de plus en plus fort et qui reçoit un large soutien du gouvernement. » (3). Par exemple, a-t-il souligné, les moines étudiant à l’Université missionnaire bouddhiste Theravada de Rangoun doivent prendre part à un travail missionnaire d’une durée de deux ans, « condition nécessaire pour obtenir leur diplôme ». Si certains moines vont pour cela en Inde ou au Népal, la plupart se rendent dans les régions frontalières du pays où vivent les minorités ethniques, le plus souvent non bouddhistes. « Les autorités les contraignent à aller là-bas, à la manière d’un service militaire obligatoire. » Dans ce contexte, poursuit le responsable Asie du COE, « les responsables chrétiens doivent prendre très au sérieux les liens qu’ils ont avec la communauté bouddhique ».