Eglises d'Asie

POURQUOI DES PRETRES CATHOLIQUES QUITTENT-ILS LEUR MINISTERE ?- Une nouvelle analyse –

Publié le 18/03/2010




Il y a plusieurs années, alors que j’étudiais encore la théologie au séminaire, j’ai écrit un article pour le magazine Tripod qui exposait ma compréhension de ce phénomène : pourquoi les prêtres catholiques quittent-ils leur ministère. Aujourd’hui, après mon ordination, en relisant cet article, j’aimerais approfondir cette question. Je suis très reconnaissant à Sour Betty Ann Maheu, rédactrice de Tripod pour m’avoir aimablement invité à reprendre la plume sur ce sujet.

J’ai divisé cet article en quatre parties : (1) Une Eglise indépendante sans autonomie ; (2) Une distinction déchi-rante : qui est loyal et qui est un traître ; (3) ‘Sur la lame du rasoir’ : comment jugent les catholiques ; (4) Vide inté-rieur : un engagement réduit à rien.

Une Eglise indépendante sans autonomie

Quand la Chine nouvelle a été créée en 1949, sur la base du concept de pleine souveraineté – il faut comprendre l’arrière-plan historique de cet événement -, le diocèse de Nankin a été le premier, du grand nombre des diocèses chinois, à proclamer “son indépendance et son autonomie dans la conduite de ses propres affaires”. Dans le tourbillon des événements qui secoua alors la Chine toute entière, la plupart des missionnaires étrangers avaient, à la fin de 1952, déjà quitté le pays. Les catholiques chinois s’attelèrent avec enthousiasme à l’édification de leur propre Eglise, dans le même temps où la jeune République populaire de Chine s’attachait à construire son propre territoire national.

En fait, la politique “d’indépendance et d’autonomie dans la conduite des affaires de l’Eglise” n’a pas été une invention des années 1950. Dès le début du XXe siècle, Ying Lianzhi et Ma Xiangbo, personnages éminents de l’Eglise catholique, avaient proposé que les Chinois soient responsables de leur propre Eglise. Malgré le “protectorat français” de l’époque, le nonce apostolique en Chine, Mgr Celso Constantini, fit cette déclaration : “Le clergé chinois doit être responsable de sa propre Eglise et des prêtres chinois doivent être ordonnés évêques.” En conséquence, en 1924 après la Première assemblée de l’Eglise en Chine, tenue à Shanghai, Mgr Constantini, avec le soutien du pape Pie XI, commença les préparatifs pour créer plusieurs diocèses chinois. En 1926, six prêtres chinois furent choisis pour aller à Rome, afin d’y être ordonnés évêques par le pape Pie XI, lui-même. Ils devaient prendre la responsabilité de six diocèses chinois. Ces évêques étaient : Mgr Cheng Hede, du diocèse de Puqi, Mgr Sun Dezhen, du diocèse d’Anguo, Mgr Zhu Kaimin, du diocèse de Haimen, Mgr Hu Ruoshan, du diocèse de Taizhou, Mgr Zhao Huaiyi, du diocèse de Xuanhua, et Mgr Chen Guodi, du diocèse de Fenyang. Simultanément, un appel fut lancé pour créer des grands séminaires afin de former des prêtres chinois dans toute la Chine. En peu de temps, les affaires de l’Eglise prospérèrent, malgré l’époque troublée que connaissait alors le pays, avec la guerre sino-japonaise. En 1946, le Saint-Siège mit en place une hiérarchie chinoise. Elle accéléra le processus d’indigénisation qui se déroulait alors dans l’Eglise chinoise.

Une fois la Chine nouvelle établie et complètement autonome et après le départ du pays des missionnaires étrangers, l’Eglise obtint sa pleine indépendance, malgré le fait que cette situation arrivait très soudainement et que beaucoup de ses membres n’y étaient pas préparés. Et cependant, l’Eglise de Chine commençait sa propre marche sur une nouvelle route et contrôlait elle-même ses affaires. Cela allait de pair avec l’énorme enthousiasme que montraient les citoyens chinois dans la construction de leur glorieuse patrie.

En 1962, l’Association patriotique des catholiques chinois a tenu son deuxième Congrès national à Pékin, mais il fut suspendu brutalement, alors qu’une période de crise aiguë s’ouvrait. Comme chacun sait, l’état d’esprit qui régnait alors, quant à la religion, se traduisait par une interférence excessive du gouvernement dans la conduite des affaires de l’Eglise. Des évêques, des prêtres, des religieuses et des laïcs furent accusés d’être des “contre-révolutionnaires”. Certains moururent de mort violente, d’autres furent emprisonnés. Ceci amena l’Eglise à faire l’amère expérience d’avoir à choisir la direction dans laquelle elle souhaitait s’engager. Dans ce choix se trouvait le piège qui allait conduire à la division de l’Eglise.

En 1978, après le Troisième Plénum du 11ème Comité central, ce qui restait de l’Eglise catholique, de même que des autres institutions religieuses, entreprit, une fois de plus, d’affirmer son existence. Après avoir vécu la grande catastrophe de la “Révolution culturelle” d’extrême gauche, la nouvelle génération du Parti et les dirigeants du gouvernement réexaminèrent la “question religieuse”. Plusieurs documents furent publiés. Il y eut le Document d’Etat 188, publié en 1980 et intitulé : “Le Conseil d’Etat approuve et confie au Bureau des Affaires religieuses, à la Commission d’Etat sur le Développement et à d’autres départements le rapport traitant de la propriété des biens religieux.” Ce fut la première étape permettant à l’Eglise catholique et aux autres communautés religieuses de se remettre en place.

Il y eut le Document 19 publié par le Comité central du Parti communiste en 1982, intitulé : “Quelques concepts de base sur les fondements de la politique sur la religion suivie par notre nation en cette période de socialisme”. Ce texte clarifiait la politique du Parti sur la religion durant la période du socialisme. Puis, en 1991, la “Conférence nationale sur le travail religieux” se tint à Pékin. Cette conférence traduisait un saut qualitatif du Parti dans sa compréhension de la religion.

Nous pensons réellement que le gouvernement communiste avait atteint alors un niveau de perception claire et très objective de la question religieuse. Cependant, cette perception objective n’était pas partagée par tous les cadres traitant des problèmes religieux dans le pays. Cela était dû au fait que la croyance religieuse, et spécifiquement, la croyance à la religion catholique, ne participait pas au grand courant de pensée de la société chinoise. Trop de cadres n’avaient pas une vision claire de la religion. Il existe un dicton qui décrit très bien la situation : “La politique peut être élaborée dans les hautes sphères, mais sur le terrain il y a des contre-politiques.” En dehors de ces difficultés, d’autres problèmes spécifiques existaient au niveau local. Des cadres ayant à traiter de la religion n’avaient pas une compréhension claire des documents comme le Document d’Etat 188 de 1980 et le Document 19 publié par le Comité central en 1982. Certains prétendaient même ne pas vouloir les comprendre. Trop de cadres vivaient encore dans les idées d’extrême gauche des années 1950 et 1960 et ne voyaient rien d’autre dans la religion que de la superstition, y compris dans le catholicisme. Certains ne faisaient aucun effort pour restituer les biens de l’Eglise, tandis que d’autres disaient ouvertement que la religion devait être éliminée aussi vite que possible. Delà venait que certains cadres allaient jusqu’à s’approprier les biens de l’Eglise, alors que d’autres, sous l’égide de “l’Association patriotique cherchaient à contrôler l’Eglise en utilisant quelques prêtres sans moralité et des laïcs sans foi pour parvenir à leurs fins.

Je me souviens d’un incident du début des années 1990. Un ami étranger avait envoyé un projecteur de diapositives au prêtre de notre paroisse. Le Bureau des Affaires religieuses eut vent de cet envoi et ordonna au prêtre de lui remettre l’appareil et les diapositives pour les contrôler. Les fonctionnaires du Bureau conservèrent l’appareil et les diapositives un an sans donner la moindre raison, ni la moindre idée de ce qu’était devenu le projecteur. Après plusieurs tentatives pour savoir ce qu’il en était, l’appareil fut rendu à la paroisse. A une autre occasion, le prêtre ayant voulu se rendre dans un autre lieu pour administrer le sacrement des malades à un paroissien, l’autorisation lui en fut refusée par le Bureau des Affaires religieuses. La raison donnée était que le pasteur ne pouvait sortir de son territoire. Le résultat fut très regrettable pour le malade, qui ne put recevoir les sacrements. Bien que le Congrès national sur le travail religieux ait déjà eu lieu, de tels incidents non seulement se renouvelaient, mais ils rendaient pratiquement la vie impossible à l’Eglise. Les prêtres devaient user de tous les artifices à leur disposition pour simplement accomplir leur ministère.

C’est parce que l’Eglise n’était pas libre que des prêtres ont quitté leur ministère à la fin des années 1990. Ils ont lutté pour que l’Eglise “soit libre et puisse poursuivre son chemin mais ils ont payé le prix fort pour cette lutte. Choisir d’abandonner la prêtrise montre, sans aucun doute, les limites imposées par l’époque, mais cela peut aussi traduire la croyance et l’espoir que les gens ont dans la providence divine. Parce que personne ne peut échapper à l’influence de son époque, le temps est un révélateur de la vraie valeur de chacun.

L’histoire montre que notre pays a fait des progrès dans sa connaissance de la religion. L’évolution est passée de l’extrémisme de gauche à l’interdiction, puis à l’ouverture et à l’apaisement et même, parfois, au respect de la religion. Nous pouvons voir dans tout ce processus le plan de la providence divine, bien qu’il ait occasionné beaucoup de souffrance aux prêtres qui l’ont vécu. Et, cependant, Dieu vient à nous dans ce processus. Il teste, discipline et choisit ses serviteurs fidèles.

Une distinction déchirante : Qui est loyal et qui est un traître

Dans les années 1980, une vision différente de la foi et l’expérience de la souffrance ont divisé l’Eglise en Chine en deux courants distincts. La loyauté ou la déloyauté envers le pape est devenue, à l’époque, le critère de distinction entre l’Eglise vraie et celle qui ne l’était pas. Ce que l’Eglise, en dehors de la Chine, appelait sans finesse “l’Eglise officielle ou l’Eglise ouverte” a aussi, assurément, connu quelque évolution évidente dans sa reconnaissance du Saint-Siège. Néanmoins, le “critère de loyauté” est apparu, de façon continue, comme un mode persistant de jugement pour l’Eglise en Chine. La génération des prêtres plus âgés a subi une épreuve sévère en même temps que la jeune République elle-même. Les années 1980 ont créé différentes situations pour ceux qui ont connu ces amères souffrances. Ils ont connu les nombreuses campagnes politiques de l’histoire, les souffrances morales, les disputes sans fin et les différences d’opinion sans pouvoir parvenir à une compréhension commune. Il y a, cependant, un point très important : l’Eglise a continué d’exister à travers toutes ces vicissitudes et les gens de foi ont dû apprendre que le salut arrive par la persévérance dans l’épreuve et par la confiance en Dieu. Durant toute cette époque troublée, le pape, tête de l’Eglise ici-bas, n’a jamais porté un jugement positif ou négatif sur l’Eglise en Chine. Dans ses nombreux appels, il a, sans cesse, plutôt insisté sur la nécessité pour l’Eglise de Chine de “dialoguer” de telle façon qu’unie en un seul corps, elle puisse proclamer la bonne nouvelle de l’amour de Dieu pour tous les hommes.

La position courageuse que l’Eglise non officielle prit pour dialoguer avec le gouvernement montre sa vraie force de façon claire et non équivoque. Pour cette raison, l’Eglise en dehors de Chine l’appela « l’Eglise loyale”. Mais qui garde présent à l’esprit les souffrances de l’Eglise officielle ? D’un côté, elle doit discerner ce que le gouvernement entend dire de la religion à un moment donné, et, d’un autre, elle doit affronter les multiples situations compliquées qui se présentent à l’intérieur de l’Eglise elle-même, où un instant d’inattention peut causer de grands torts. Cela demande bien évidemment beaucoup de soin et d’attention. De plus, si l’on doit subir des attaques verbales et factuelles de ses propres frères, ce n’est rien de moins qu’une réelle tragédie.

Je me souviens d’une occasion que j’ai eue de rencontrer un catholique de l’Eglise non officielle. Il me dit : “Vous comptez sur le gouvernement pour remplir votre tâche. De ce point de vue, nous pouvons nous rendre compte que l’opinion publique est tranquillement en train d’évoluer. Ce qu’on disait autrefois : ‘Vous ne reconnaissez pas le pape’ a maintenant également changé pour une autre formule.”

Pour parler en toute équité, personne n’a le droit de choisir son lieu de naissance. Il est impossible pour un prêtre, qui est seul, de choisir le milieu dans lequel il puise sa foi. Né dans le milieu de “l’Eglise non officielle il grandira naturellement pour devenir un prêtre de “l’Eglise loyale”. Réciproquement, ceux qui sont dans le milieu de “l’Eglise officielle” n’auront pas, selon toute probabilité, beaucoup d’occasions de grandir pour devenir prêtres de “l’Eglise non officielle”.

Aussi longtemps qu’on ne prendra pas en compte l’histoire mais seulement l’aspect superficiel des choses, vues sous un angle personnel, on pourra, sans passion mais avec force, affirmer être loyal, en oubliant complètement la réalité historique ou toutes les possibilités qu’offre le dialogue. Cette distinction entre loyauté et déloyauté ignore totalement l’histoire, ou plutôt, elle donne une vision parfaitement statique de l’histoire. Malheureusement, certains de ceux qui ont cette vision de l’histoire se prennent pour des prophètes parlant au nom de Dieu, alors que d’autres sont forcés de hausser les épaules et de se taire.

Sur le fil du rasoir : comment jugent les catholiques

Faire “du neuf avec du vieux” a été un problème majeur pour l’Eglise en Chine durant les années 1980. Par exemple, les prêtres de la vieille génération ont été remplacés par ceux de la jeune génération, les croyances de la vieille génération de catholiques par celles de la nouvelle génération, la liturgie en latin par celle en langue vernaculaire, etc. Ajoutée à cela, la venue de l’esprit de Vatican II, plein de nouvelles idées et de nouvelles pratiques pour l’annonce de l’Evangile, a été bien accueillie par beaucoup de catholiques, mais a, aussi, heurté la sensibilité religieuse de beaucoup d’autres.

Cette année, la cérémonie du Lavement des pieds, le soir du Jeudi Saint, s’est déroulée dans de nombreuses paroisses. Des catholiques ont été émus aux larmes, mais d’autres ont demandé aux prêtres si l’Eglise ne cherchait pas délibérément à compliquer les choses, parce que ce rite particulier n’avait jamais été pratiqué en Chine avant 1950.

Les catholiques ne sont pas prêts à abandonner leurs habitudes et les traditions qu’ils révèrent, parce que les leur ôter, alors qu’ils les ont chéries pendant toute une vie, les laisserait sans repère. Ils souffriraient d’un profond sentiment de vide et se sentiraient “vieux” et “inutiles”. C’est pourquoi ils se raccrochent fermement à une conception sauvegardant ces traditions, qui donnent confiance et signification à leur vie. Même s’ils reconnaissent dans le fond de leur cour la valeur du renouveau apporté par les jeunes prêtres, ils insisteront pour protéger leur territoire spirituel, plutôt que d’accepter toutes sortes de nouveautés. Si, dans ces conditions, les jeunes prêtres ignorent ou sous-évaluent ces sentiments profonds, “les positions se durcissent”, chacun s’en tenant à sa religion qui devient la pierre d’achoppement entre les deux générations. On pourrait mieux dire cela en parlant de tension entre l’Eglise qui encourage la tradition et l’Eglise qui introduit la modernité. Ceux qui sont les plus susceptibles d’être blessés dans cette affaire sont les jeunes prêtres, qui isolés et sans autorité, mais avec une grande ferveur pour le service de la communauté catholique, voient leurs ambitions contrecarrées et leurs idées impossibles à mettre en pratique. Cela en a conduit certains à envisager d’abandonner la prêtrise, tout en essayant de se raisonner sur ce problème.

Un autre mal dont souffrent les prêtres est le fractionnement de la communauté catholique en factions ennemies. Saint Paul lui-même eut à souffrir de ce problème. Ces factions se mettent en avant et insistent sur leurs recommandations pour l’Eglise, dont ils prétendent qu’elles relèvent de pratiques traditionnelles. Des catholiques préfèrent le Père A, alors que d’autres lui préfèrent le Père B. Certains prennent une part active et enthousiaste aux activités paroissiales, lorsque d’autres les voient d’un mauvais oil. On peut se faire des opinions différentes de l’Eglise, selon l’angle sous lequel on voit les choses. De nombreux petits groupes peuvent se faire leur propre idée de la foi, de l’Eglise, des prêtres et des valeurs morales, etc. Ils ont même leur façon à eux de juger les choses. Leur préoccupation pour l’Eglise et leur engagement dans ses activités dépendent de quel prêtre en est chargé à ce moment là et de leurs sentiments à son égard. Ceux qui en ont un goût inné ou de l’intérêt peuvent organiser et développer des projets, mais cela ne signifie pas que la foi soit le seul motif de leur démarche. Chacun pense qu’il ou elle accomplit la volonté de Dieu, mais, en fait, ils peuvent rendre la vie plus difficile aux jeunes prêtres. Pendant ce temps, le travail de la paroisse n’est pas fait. On s’occupe de certaines choses et on en néglige d’autres. On impute la faute aux autres, alors qu’en fin de compte beaucoup de choses sont oubliées. Un voile d’incertitude recouvre tout et personne n’en a la responsabilité. Ceux qui veulent poursuivre le travail de l’Eglise se rendent rapidement compte que les critiques aussi bien bonnes que malveillantes les usent à la longue. Lorsque les critiques prennent la place des affirmations, celui qui en est le plus affecté est, sans conteste, le jeune prêtre.

Le vide intérieur : un engagement réduit à rien

Le travail d’un prêtre est identique à celui de Jésus : il se résume en un seul mot : “donner”. Cependant, le préalable à ce don est d’abord de posséder quelque chose à donner. Si l’on s’attache aveuglément à son travail en négligeant la prière, le recours au Saint Sacrement, l’examen de conscience, etc., alors, tôt ou tard, la vie de foi devient une formalité vide de sens. On peut, peut-être, s’adonner au travail et en faire un prétexte pour un service loyal et sincère rendu à Dieu. Ou on peut aussi considérer tous les efforts consacrés au travail pastoral de l’annonce de l’Evangile comme l’unique but et le seul intérêt de la vie d’un prêtre. Mais, à la longue, on négligera le fondement de la foi et de l’engagement en se reposant sur soi pour justifier son rôle dans le monde.

J’ai ma propre idée sur la question. Chaque dimanche matin de bonne heure, l’église flamboie de lumière. Il y a autant de monde dans la cour de l’église qu’un jour de marché. Le prêtre et les fidèles rassemblés là ont beaucoup de choses à se raconter les uns aux autres. Cela dure toute la journée et le soir, l’inverse est aussi vrai. Dehors la lumière diminue mais il y a toujours autant d’agitation. A l’intérieur, le prêtre est assis seul dans une pièce vide, levant son verre à la lune ou tenant compagnie à la télévision.

En fait, pour qui vit à la limite de la solitude, il est possible de rencontrer Dieu. Si l’on veut entrer dans l’intimité de Dieu, on doit d’abord s’emplir du silence pour entendre Sa parole. Si l’on peut allumer une bougie et s’agenouiller devant une petite statue dans sa chambre, alors on entrera dans la profondeur de la tranquillité. Dans le silence et avec une profonde sincérité, on peut sonder les profondeurs de la réalité. Dans sa totalité, la création silencieuse peut le conduire au vide final du néant. Ainsi, en étant seul dans sa petite chambre, on peut finalement atteindre un état de calme et de contentement.

Et puis, le jour suivant, le prêtre peut affronter les tâches complexes de la paroisse et les aspirations des fidèles avec un esprit “ressuscité”. Il sera finalement capable de “donner”, de ne pas être vide de sens, d’attendre humblement le Seigneur et de devenir, en toute sincérité, un soutien pour les autres. En un mot, nous dirions que la tâche du prêtre est de suivre la Voie et de ne pas simplement remplir une tâche.

Le vide intérieur ne peut, donc, être abordé qu’en découvrant à l’intérieur de soi-même le sens final de la vie. Dieu est dans la solitude la plus intime de notre cour et c’est là que nous le trouverons. Un prêtre qui néglige ses prières montre une préférence pour le monde extérieur afin de fuir la solitude de son cour. Ce vide intérieur ajouté à la recherche d’un apaisement dans le monde extérieur conduit un prêtre à une vie qui, nécessairement, sera vide et désolée. Soit il quittera son poste, soit il affrontera une lutte inévitable. C’est le type de prêtre qui doit toujours déployer une intense activité dans tout ce qu’il fait.

Conclusion : le besoin de prêtres dans la force de leur maturité pour une Eglise en constant besoin de purification

Concernant le phénomène des prêtres qui quittent leur ministère, je viens d’étudier les quatre aspects du défi qui se présentent dans un ministère et j’ai essayé de les comprendre avec ma propre expérience de plus d’un an de ministère. En simplifiant, on peut diviser ces quatre aspects en deux parties : la première concerne les défis extérieurs qui comprennent les trois premiers aspects, à savoir, 1.) Une Eglise indépendante sans pouvoir, 2.) Une distinction déchirante : qui est loyal et qui est déloyal et 3.) Sur le fil du rasoir : comment jugent les catholiques. La deuxième partie a trait au défi intérieur, qui est 4.) Le vide intérieur, un engagement réduit à rien. En fait, peu importe d’où viennent ces quatre sources qui privent quelqu’un de sa liberté, elles nous sont un défi pour prendre une décision : s’en remettre à Dieu ou à soi pour résoudre les problèmes du ministère d’un prêtre.

Dans le Livre des Juges de l’Ancien Testament, la façon dont les Israélites parviennent à la maturité dans leur relation avec Dieu se déroule ainsi : confiance en Dieu ( rébellion contre Dieu ( désastre y faisant suite ( appel à Dieu ( confiance en Dieu. Dans la situation d’aujourd’hui, nous aussi devons de la même façon, constamment, “faire appel à Dieu” pour qu’il vienne nous sauver “de nos peurs intérieures” des difficultés que nous affrontons, aussi bien que “de nos propres désirs, sur lesquels nous nous reposons”. Les historiens nous apprennent “que toute période de l’histoire est aussi notre propre histoire Le peuple de Dieu affronte sa propre histoire à chaque époque. Les problèmes de chaque époque ont leurs ressemblances, bien qu’ils soient, à chaque fois, uniques dans leur genre. Actuellement, des prêtres choisissent de quitter leur ministère pour afficher “leur rébellion” contre Dieu. Cependant, comme nous l’avons justement fait remarquer dans nos “Réflexions sur le phénomène de l’abandon par les prêtres de leur ministère en Chine continentale nous devrions réfléchir davantage à ce phénomène et tenir en haute estime ces prêtres qui possèdent la qualité particulière de l’intériorité. L’Eglise doit discerner “les signes des temps ce qui signifie qu’elle doit sans cesse se purifier. Dans cette affaire, les prêtres, en tant que personnalités importantes à l’intérieur de l’Eglise, ont une responsabilité qu’ils ne peuvent éluder. Dieu s’appuiera sur les prêtres qui Lui resteront fidèles, maintenant comme dans le passé, pour renouveler l’Eglise dans sa croissante et toujours présente vitalité.