Eglises d'Asie

Au sein des milieux religieux, des voix s’élèvent pour dénoncer la campagne, très meurtrière, du gouvernement contre les trafiquants de drogue

Publié le 18/03/2010




Huit semaines après le début de la “guerre aux drogues” lancée par les autorités contre les trafiquants de drogue, principalement d’amphétamines connues localement sous le nom de ya ba (‘la drogue qui rend fou’), des voix se sont élevées dans le pays pour dénoncer les méthodes employées par le gouvernement. Au total, plus de 1 500 personnes ont été tuées et 30 000 trafiquants ou consommateurs arrêtés, directement en lien avec cette campagne gouvernementale. Face à l’ampleur de ce chiffre et à la popularité de la campagne au sein de l’opinion, le P. Vichai Phokthavi, secrétaire de la Commission ‘Justice et paix’ de la Conférence des évêques catholiques de Thaïlande, a déclaré que l’Eglise avait le devoir de prendre la parole et d’expliquer aux Thaïlandais les principes moraux de ce problème complexe.

“La question de la drogue ne peut être réglée par la violence et en s’en prenant à la vie des personnes. Cette campagne ne doit pas être un ‘permis de tuer’ délivré à la police a affirmé le P. Vichai le 24 mars dernier, ajoutant que le nombre de morts ne doit pas être l’étalon auquel mesurer le succès de la campagne gouvernementale. Il s’est aussi interrogé sur le crédit que l’on pouvait donner aux propos des autorités selon lesquelles la majorité des morts seraient le fait des trafiquants eux-mêmes qui choisissent d’abattre tous ceux qui seraient susceptibles de tomber aux mains de la police et de devenir ses informateurs. Enfin, a-t-il ajouté, aucun “gros poisson ou appui des trafiquants” ne paraît avoir été pris ou tué, seuls de petits dealers étant éliminés. Pour le P. Vichai, “la question de la drogue relève d’un problème moral de la société thaïlandaise et s’enracine dans la pauvreté, l’attrait de l’argent et la naïveté des personnes”.

Lors d’un colloque organisé le 9 mars dernier par le département de sciences politiques de l’université Chulalongkorn et celui de l’université Thammasat, d’autres voix ont exprimé leurs doutes ou leur opposition à la campagne gouvernementale. Chaiwat Satha-Anand, musulman et directeur du Centre d’information sur la paix de l’université Thammasat, a déclaré que les autorités, en déclarant la guerre à la drogue, avaient déclenché une logique guerrière, ne laissant pas d’autre choix aux Thaïlandais que de se déclarer pour ou contre, jetant ainsi le soupçon sur ceux qui expriment leur opposition. “Intentionnellement ou non, l’Etat a rejeté la société thaïlandaise en arrière, à une époque où dominait la crainte a-t-il déclaré. Pour Ravi Phavilai, professeur de philosophie bouddhiste, tout être humain, aussi dealer ou consommateur de drogue qu’il soit, peut s’améliorer pour peu qu’il soit aidé. Surakit Kamolratna, chrétien protestant, a ajouté que l’usage de la force ne réglera pas le problème de la drogue : “Le recours à la drogue renvoie à un problème de comportement. Par conséquent, la religion et la morale ont leur mot à dire pour résoudre ce problème.”