Eglises d'Asie

Des catholiques s’inquiètent de la pauvreté des campagnes et de l’écart grandissant des revenus entre citadins et ruraux

Publié le 18/03/2010




Devant l’Assemblée nationale populaire, réunie en session du 5 au 18 mars derniers, le Premier ministre sortant, Zhu Rongji, a exprimé des regrets face au peu de progrès réalisés dans l’élévation du niveau de vie des paysans pauvres durant les cinq années où il a dirigé le gouvernement chinois. Il a exprimé le souhait que la nouvelle équipe aux affaires mette tout en ouvre pour éliminer la pauvreté des zones rurales d’ici à 2020. En écho aux propos des hauts dirigeants chinois et interrogés par l’agence d’information catholique Ucanews, des catholiques de différentes régions de Chine ont décrit les conditions de vie d’une grande partie des 800 millions de Chinois qui vivent en zone rurale (1).

Dans la province du Shanxi, le P. Niu Guangxing, du diocèse de Xinjiang (Yuncheng), a ainsi précisé que les paysans dans sa paroisse avaient de quoi se nourrir mais ne pouvaient dégager de surplus pour assurer les dépenses d’éducation de leurs enfants ou d’autres dépenses, telles que les frais de santé. Selon le P. Niu, un mu de terres (soit 667 m ) donne, bon an mal an, 800 livres de blé, soit 400 yuans (environ 45 euros), et 200 livres de fèves, soit 200 à 300 yuans. En comparaison, une employée d’un jardin d’enfants en ville gagne 500 yuans par mois. Dans sa paroisse, le P. Niu ajoute que la terre ne suffit plus à nourrir une famille, les catholiques ayant une moyenne de 4,5 enfants par couple. Aux dépenses normales, s’ajoutent pour ces familles les “amendes” que la législation sur l’enfant unique impose aux parents qui ont plus de deux enfants (2). De plus, les enfants “en surnombre” n’ont pas droit aux écoles publiques et à un certain nombre d’avantages sociaux. Pour survivre, les paysans sont donc nombreux à s’employer dans des usines ou des fabriques. Selon le P. Niu, les méthodes de régulation naturelle des naissances sont enseignées mais un certain nombre de couples ne les maîtrisent pas et ne veulent pas pour autant utiliser des méthodes artificielles.

Dans la province du Hebei, un catholique âgé de 70 ans, Lao Zhao, paysan dans le diocèse de Handan, explique qu’il tire 1 000 yuans chaque année des deux parcelles qu’il cultive à temps perdu. De ce montant, il doit retirer environ 100 yuans en taxes et impôts divers, dont les taux sont fixés par les autorités locales. Selon lui, ce sont ces taxes qui entraînent la plupart des paysans à s’endetter. Pour rembourser, quasiment tous les foyers ont envoyé un homme travailler en ville afin d’améliorer le niveau de vie. L’objectif officiel d’assurer un niveau de vie décent à tous d’ici quinze ou vingt ans lui paraît irréaliste. Face aux conditions de vie qui sont les leurs, les paysans, assure Lao Zhao, rechignent à diminuer le nombre de leurs enfants car leur progéniture constitue leur seule “assurance-vieillesse contrairement aux citadins qui jouissent de systèmes de retraite et de protection sociale, certes modestes, mais réels.

Dans la province du Qinghai, Niu Heping, catholique, a été licencié d’une entreprise d’Etat et perçoit une indemnité de 700 yuans par mois. Il s’estime heureux de son sort en comparaison de celui des paysans à qui il rend visite dans son village natal de Ledu, situé dans une région montagneuse. Afin d’améliorer leurs revenus, les paysans de Ledu ont abandonné l’agriculture de subsistance, délaissant les cultures vivrières pour se lancer dans des cultures qui leur rapportent tout juste quelques centaines de yuans par an. En cas de mauvaises récoltes, “ils n’ont même pas assez à manger”. Lors de sa dernière visite dans la région, il a constaté que de nombreux enfants avaient quitté l’école et sur-veillaient le bétail tandis que leurs parents travaillaient aux champs. Fixés à la terre par le système du hukou, sorte de passeport intérieur, les paysans ne parviennent pas à améliorer leurs conditions de vie.

Selon le rapport du Premier ministre Zhu Rongji à l’Assemblée nationale populaire, non seulement les revenus des ruraux sont très loin derrière ceux des citadins (le revenu par tête des citadins est ainsi passé de 5 160 yuans en 1997 à 7 703 yuans en 2002 quand, durant la même période, celui des ruraux est passé de 2 090 yuans à 2 476 yuans), mais la modeste croissance des revenus des ruraux a été pour l’essentiel due aux revenus non agricoles des paysans.