Eglises d'Asie

Fermée depuis dix ans, l’ancienne bibliothèque des jésuites à Shanghai va rouvrir ses portes

Publié le 18/03/2010




Fondée en 1867 par des jésuites français, l’ancienne bibliothèque catholique de Xujiahui (1), à Shanghai, va rouvrir ses portes au public en mai prochain, après une fermeture de dix ans. Placée en 1956 sous la tutelle de la Bibliothèque de Shanghai, aujourd’hui la plus importante bibliothèque publique de Chine populaire et l’une des dix principales bibliothèques au monde, la Bibliothèque de Xujiahui rassemble des collections rares et précieuses en chinois et en langues étrangères, relatives, entre autres, à la présence chrétienne en Chine. Selon Li Tiangang, professeur de religion à l’université Fudan de Shanghai, les chercheurs attendent avec impatience la réouverture de cette bibliothèque, considérée comme la plus ancienne bibliothèque privée de l’histoire chinoise contemporaine, i.e. depuis la guerre de l’opium de 1839-1842 et l’ouverture forcée de la Chine aux puissances impérialistes occidentales.

Les actuels bibliothécaires de Xujiahui ont mis à profit la fermeture, décidée au début des années 1990 du fait des travaux menés dans le quartier pour la construction du métro, pour entreprendre l’indexation des centaines de milliers de livres et documents présents dans les rayonnages, recensés une première fois au début des années 1900. Le bâtiment de deux étages, édifié en 1867, a également été rénové durant ce long laps de temps. Fondée par les jésuites pour accueillir et aider leurs pairs venus étudier la société chinoise, la bibliothèque compte dans ses collections un exemplaire du dictionnaire français-latin-chinois compilé en 1813 sur ordre de l’empereur Napoléon par le sinologue français Joseph de Guignes. Parmi ses raretés, on trouve une carte indiquant l’emplacement des missions catholiques dans le Jiangsu entre 1840 et 1920. A côté des ouvrages relatifs au christianisme, présents en nombre, existe une importante collection d’ouvrages sur la culture chinoise, telle cette traduction en latin des Maximes de Confucius, traduction réalisée au XVIIe siècle par les jésuites Prospero Intorcetta et Ignacio da Costa.

Après avoir quitté Pékin à la suite de sa dissolution par le pape Clément XIV en 1773, la Compagnie de Jésus avait repris pied en Chine à la fin des années 1830, les jésuites s’installant à Xujiahui en 1849, sept ans après leur arrivée à Shanghai. A l’époque, Xujiahui était située en zone rurale, au sud-ouest de la ville. En 1953, le pouvoir communiste a confisqué les bâtiments comprenant la résidence des jésuites et la bibliothèque, avant, trois années plus tard, de placer les collections de celle-ci sous la responsabilité de la Bibliothèque de Shanghai. Selon Kwun Ping-hung, chercheur et spécialiste de l’Eglise catholique en Chine, natif de Shanghai mais basé aujourd’hui à Hongkong, le fait que la Bibliothèque de Xujiahui ait été placée sous la houlette de la Bibliothèque de Shanghai a permis de sauver ses collections de la furie destructrice des Gardes rouges lors de la Révolution culturelle (1966-1976). Aujourd’hui, cependant, Mgr Jin Luxian, évêque “officiel” de Shanghai, qualifie de “grande perte” le fait que l’Eglise n’a pas pu retrouver la propriété de cette institution. L’Eglise est bien parvenue à récupérer les bâtiments des églises mais pas ses anciennes écoles, hôpitaux et autres institutions, déplore-t-il.

Après la Révolution culturelle et la mise en place des réformes initiées par Deng Xiaoping, la Bibliothèque de Xujiahui n’était ouverte qu’à un petit nombre de fonctionnaires et à quelques chercheurs autorisés. Selon un porte-parole de la Bibliothèque de Shanghai, sa réouverture permettra un accès beaucoup plus large du public à ses collections, même si des règles strictes seront mises en place pour restreindre l’accès aux manuscrits et ouvrages anciens et fragiles. Le micro-filmage des collections se poursuit, a encore précisé le porte-parole, ajoutant que les collections chinoises seront déménagées à la Bibliothèque de Shanghai. Resteront sur place quelque 560 000 ouvrages publiés avant 1949 en une vingtaine de langues, dont 2 000 édités entre 1515 et 1800.