Eglises d'Asie

Responsables catholiques et protestants s’opposent d’une même voix à l’éventuelle réintroduction de la peine de mort dans le code pénal

Publié le 18/03/2010




Le 6 avril dernier, Mgr Oswald Gomis, président de la Conférence épiscopale catholique du Sri Lanka, a dénoncé les manouvres du gouvernement visant à réintroduire la peine de mort dans le code pénal. Trois jours auparavant, les évêques catholiques, réunis à Kandy en assemblée plénière, avaient rencontré les dirigeants du Conseil national chrétien et, avec eux, avaient décidé de prendre la parole publiquement pour s’opposer à la peine de mort. Selon les responsables chrétiens, pour faire face à la très forte hausse de la criminalité ces derniers temps dans la société sri-lankaise, il existe d’autres moyens que le recours à la peine capitale. Une meilleure application du droit est en particulier nécessaire, ont-ils souligné. Parmi les responsables protestants présents à la réunion ocuménique, se trouvaient l’évêque anglican de Colombo, Mgr Duleep de Chickera, le responsable de l’Eglise méthodiste, le révérend Noel Fernando, et le secrétaire général du Conseil national chrétien, le révérend W.P. Joseph Ebenezer.

Au Sri Lanka, la dernière exécution capitale, par pendaison, remonte à 1976. Après cette date, tous les condamnés à mort ont vu leur peine commuée en prison à vie, la peine de mort n’a jamais été formellement abolie mais a été suspendue, réintroduite puis à nouveau suspendue. Pour répondre au bond que la criminalité a fait ces derniers temps (on compte 2 000 meurtres par an), le parlement doit prochainement débattre d’un projet gouvernemental visant à réintroduire le châtiment suprême. Pour Mgr Oswald Gomis, les arguments avancés par les autorités en faveur de la peine de mort ne valent pas. D’une part, a-t-il souligné le 6 avril, “aucun pays ne peut affirmer avec certitude que son système judiciaire ne mènera jamais un innocent à la mort au nom de la justice”. D’autre part, si la hausse de la criminalité représente un vrai problème, la solution n’est pas l’administration de la mort au nom de la justice.

Selon le responsable catholique, “le crime est le révélateur d’un malaise social qui n’appelle pas seulement des mesures punitives avilissant le sens de l’estime de soi des agresseurs mais demande une action correctrice pour renouer, voire renouveler, les liens rompus de ces derniers avec la société et pour finalement restaurer leur dignité d’êtres humains”. Les groupes religieux doivent contribuer à cela en aidant les délinquants à réintégrer la société et en transformant celle-ci par la justice sociale pour que moins de crimes y soient commis. A l’heure où la société sri-lankaise est à un tournant de son histoire, les armes s’étant tues depuis plus d’un an dans la guerre qui a opposé l’armée gouvernementale et les Tigres du LTTE (1), la lutte contre le crime passe par la reconstruction du tissu social, a insisté Mgr Gomis. Pour cela, a proposé l’archevêque de Colombo, la société civile doit se reconnaître comme responsable des errements d’une fraction de ses membres et poser des actes en tant que communauté pour y remédier. De plus, l’Etat doit céder le pas devant la société civile afin que le système judiciaire soit plus équitable et impartial et ouvre dans le respect de la dignité de tous.

Selon les observateurs, dans un pays où la violence politique, la violence privée et la crise des repères culturels se manifestent par un bond de la criminalité, par la fréquence des suicides (5 000 par an) (2) et d’autres formes de violence (tels les avortements) (3), l’appel des Eglises chrétiennes à renoncer à la réintroduction de la peine capitale s’inscrit dans un contexte plus large de refondation de la société après dix-huit ans de guerre civile.