Eglises d'Asie

Hongkong : devant le Legco, Mgr Joseph Zen Ze-kiun, évêque catholique de Hongkong, a haussé le ton pour dire son opposition résolue au projet de loi sur la Sécurité nationale

Publié le 18/03/2010




Le 3 mai dernier, le P. Louis Ha Ke-loon, directeur du Bureau des communications sociales du diocèse catholique de Hongkong, a lu devant la Commission des lois du Legco, le parlement de Hongkong, une lettre de Mgr Joseph Zen Ze-kiun, son évêque, en déplacement ce jour-là en Allemagne (1). Dans ce court texte adressé à tous les députés du Legco (Legislative Council) et au chef de l’exécutif de Hongkong, Tung Chee-hwa, Mgr Zen a, en des termes très fermes, accusé les autorités de Hongkong et leurs alliés politiques dans la Région administrative spéciale (RAS) de chercher à éviter tout débat public digne de ce nom au sujet du projet de loi sur la Sécurité nationale. Il a accusé les responsables politiques de Hongkong de profiter du fait que l’attention des Hongkongais est concentrée sur l’épidémie de pneumopathie atypique pour faire passer en catimini le texte de loi controversé.

On se souvient que, depuis plusieurs mois, le débat politique à Hongkong tourne autour de ce projet de loi. Aux termes de l’article 23 de la Loi fondamentale, le texte constitutionnel de la RAS, Hongkong doit se doter de lois pour interdire tout acte de trahison, de sécession, de sédition ou de subversion dirigé contre le gouvernement central de la Chine populaire et pour punir tout vol de secret d’Etat ou de trésor national. Les lois de Hongkong doivent également interdire à toute organisation politique étrangère de mener des activités politiques à Hongkong et empêcher qu’une organisation politique locale établisse des liens avec des organisations étrangères. Dès le moment où le texte du projet de loi rédigé par le gouvernement de Hongkong sur ces sujets a été connu, l’évêque de Hongkong a été parmi ses premiers et ses plus virulents opposants, le considérant comme potentiellement liberticide (2). Durant les trois mois de consultation publique, du 24 septembre au 24 décembre 2002, organisée par le Bureau de la Sécurité de Hongkong, Mgr Joseph Zen a fait connaître sa position dans les médias. Finalement, le 26 février dernier, le texte de la Loi sur la sécurité nationale a été introduit devant le Legco et adopté en première et deuxième lecture. Pour qu’il soit définitivement adopté, le texte doit passer une dernière fois devant les députés, le gouvernement espérant que cela se fera avant début juillet 2003, fin de l’actuelle session du Legco. Avant cela, et conformément à la procédure législative de Hongkong, la Commission des lois du Legco est tenue d’organiser des auditions publiques avant de proposer d’éventuels nouveaux amendements et de renvoyer le texte devant les députés pour un ultime vote.

C’est dans ce contexte que la lettre de Mgr Zen a été lue devant la Commission des lois. Le 3 mai dernier était organisée la dernière des trois sessions d’auditions publiques. Huit heures durant, différents groupes et personnalités se sont présentés devant la Commission pour dire, en cinq minutes chacun, leur sentiment sur le projet de loi. Dans sa lettre, Mgr Zen a dit son “indignation” face aux manouvres du gouvernement de Hongkong. Selon lui, non seulement les autorités montrent du “dédain” vis-à-vis des Hongkongais, mais profitent du désarroi créé par l’épidémie de pneumopathie atypique “pour hâter le processus législatif” aboutissant au vote de la loi sur la Sécurité nationale. Mgr Zen pose la question : “Est-ce honnête ? Est-ce décent ? Il juge “honteuse et révoltante” la manière dont manouvre le parti pro-gouvernemental au sein de la Commission des lois. Mgr Zen dénonce en particulier l’introduction à la dernière minute d’une clause particulièrement inacceptable qui, selon lui, n’a été placée dans le projet de loi que pour en être retirée au dernier moment par le gouvernement, dans un geste qui sera alors présenté par lui comme un geste de conciliation mais qui ne sera en fait qu’une manouvre destinée à faire passer la pilule.

Toujours dans sa lettre, Mgr Zen regrette l’attitude du gouvernement qu’il oppose à celle de l’Eglise. Selon lui, face à l’épidémie de pneumopathie atypique, l’Eglise a cessé de critiquer le gouvernement pour mieux se concentrer sur l’aide à apporter à la population, avec le souci de “renforcer la cohésion de la communauté”. Le gouvernement n’ayant pas choisi de faire de même et ayant préféré hâter le vote de la loi sur la Sécurité nationale, cela ne pourra qu’amener les Hongkongais “à se désolidariser d’un gouvernement auquel il sera impossible de faire confiance”. Une semaine plus tard, le 8 mai, on pouvait lire dans le South China Morning Post que Mgr Zen s’adressera ès qualités le 4 juin prochain à la foule lors de la veillée organisée chaque année à Hongkong en souvenir du massacre de Tienanmen. Jusqu’ici, l’évêque de Hongkong avait régulièrement pris part à cet événement mais de façon privée et sans prendre la parole. Cette fois-ci, selon le P. Louis Ha Ke-loon, la prise de position sera publique, le discours portant “sur l’article 23 et non sur le 4 juin”. L’évêque de Hongkong, a-t-il précisé au quotidien anglophone, “est très en colère sur la question de l’article 23 et il n’arrêtera pas son combat une fois que la loi sera votée. Il ne craint pas de voir la position de l’Eglise affaiblie par la loi mais a peur que la vie et les libertés des Hongkongais soient grandement affectées si rien n’est fait”. Le 13 mai, lors d’une conférence de presse, Mgr Zen a ajouté qu’il encourageait les catholiques à se rendre au parc public Victoria où, depuis le 4 juin 1989, les Hongkongais font mémoire des événements de Tienanmen.

Selon Sour Beatrice Leung Kit-fun, professeur de sciences politiques à l’université Lingnan, le fait que Mgr Zen s’affiche ouvertement aux côtés de l’Alliance de Hongkong pour le soutien du mouvement démocratique et patriotique en Chine, l’association qui organise les manifestations du 4 juin à Hongkong et qui est interdite sur le continent, ne va pas améliorer les relations entre l’Eglise et les autorités. “Cela signifie qu’il n’y a pas de retour en arrière possible pour l’Eglise. Ce rapprochement va rendre encore plus tendues les relations de l’Eglise aussi bien avec le gouvernement de Hongkong qu’avec Pékin a-t-elle estimé.