Eglises d'Asie

L’ACTIVITE DE LA SOCIETE DES MISSIONS ETRANGERES DE PARIS EN CHINE DE 1840 A 1911

Publié le 18/03/2010




Le champ d’action et la mission des MEP

Fondées par des prêtres français et des laïcs en 1660 et approuvées par le Saint-Siège en 1664, les Missions Etrangères de Paris (MEP) sont un “Institut de vie apostolique” formé de prêtres qui consacrent leur vie entière à assister la croissance des Eglises locales, principalement en Asie. Elles ont commencé en tant que “Séminaire des Missions Etrangères”. Paris a été ajouté lorsque d’autres sociétés du même type ont été crées en Europe et en Amérique.

François Pallu et Pierre Lambert de la Motte, les deux principaux fondateurs, ont été nommés “vicaires apostoliques” (évêques envoyés en mission par le pape) en juillet 1658. Ils sont partis en Extrême-Orient dans les années qui ont suivi avec quelques compagnons. Ils se sont d’abord établis au Siam (Thaïlande), au Tonkin et en Cochinchine (Nord et Sud-Vietnam). Pallu a été le premier à atteindre la Chine en 1684. Il est mort quelques mois après à Muyang, dans la province du Fujian.

Leur entreprise répondait aux trois objectifs principaux suivants :

– Les prêtres et les laïcs zélés de France ne voulaient pas laisser aux seules sociétés religieuses le soin de prêcher l’Evangile à l’autre bout du monde.

– La nouvelle Congrégation pour la Propagation de la Foi, fondée à Rome en 1662, souhaitait prendre en direct l’évangélisation pour échapper au “patronage” des puissances temporelles de l’Espagne et du Portugal.

– Le jésuite portugais Alexandre de Rhodes, qui avait exercé son ministère au Vietnam et y avait été persécuté, s’était fait l’avocat de la nécessité de nommer des prêtres et des évêques locaux pour assurer la survie et le développement de l’Eglise en Asie.

Avant de quitter l’Europe, les vicaires apostoliques avaient reçu des “instructions précises” de la Congrégation pour la Propagation de la Foi à Rome à l’effet de créer un clergé local, aussi nombreux et formé que possible, de s’adapter aux traditions locales tout en évitant d’être mêlé aux affaires politiques, de référer à Rome pour toutes les questions importantes et notamment la consécration d’évêques.

François Pallu soutint avec force la nomination comme premier évêque chinois de Grégoire Luo Wenzao. Ses compagnons avaient crée un séminaire au Siam à Ayudhya, près de Bangkok. De nombreux prêtres du Sud-Est asiatique et plus tard de Chine y furent formés. Un des plus connus fut André Lee qui devint le célèbre apôtre de la province de Sichuan au XVIIIe siècle en Chine.

Le Synode de Sichuan, convoqué à Chongqingzhou, près de Chengdu, par Mgr Dufresse en 1803, réunit deux missionnaires et quinze prêtres chinois. Y furent définies les grandes lignes de la pastorale en Chine. Décapité à Chengdu en 1815, Mgr Dufresse fut canonisé à Rome le 1er octobre 2000.

Les réalisations des missionnaires des MEP dans les provinces du Sichuan, du Guizhou et du Yunnan amenèrent la Congrégation pour la Propagation de la Foi à leur confier davantage de territoires de mission. En 1838, il leur fut demandé de prendre en charge la mission de Mandchourie. Les directeurs des MEP acceptèrent cette nouvelle tâche en dépit de leur manque de personnel qualifié car ils avaient besoin d’une base en Chine pour soutenir leur nouvelle mission en Corée.

Dans les années qui suivirent, le nombre des missionnaires augmenta de façon significative. Francis Albrand, ancien supérieur du grand séminaire de Penang et délégué de la mission du Siam à l’assemblée de Paris de 1839, favorisa l’entrée de séminaristes dans la Société. Il était impressionné par la vie de Saint Alphonse de Liguori et par la croissance rapide des rédemptoristes grâce à l’acceptation de séminaristes. Le Séminaire des Missions Etrangères de Paris n’avait enrôlé jusqu’alors que des prêtres, à une ou deux exceptions près. La question fut discutée avec M. Langlois (1) et les directeurs de Paris. L’entrée de séminaristes permit une croissance rapide. Le nombre des prêtres envoyés en Extrême-Orient augmenta rapidement : de six en 1840 et six en 1841, ils passèrent à dix en 1844, douze en 1845, dix-huit en 1846 et vingt-quatre en 1847 (2).

Les provinces du Guangdong, du Guangxi et l’île de Hainan furent confiées aux Missions Etrangères par le pape Pie IX le 11 mai 1848. Mais elles restaient encore sous la juridiction de l’évêque de Macao (3). Cette situation était source de conflits avec les prêtres portugais.

La protection donnée par les puissances étrangères provoqua un afflux de missionnaires en Chine, encore plus grand que par le passé. De plus, en Europe et en Amérique, l’expansion coloniale s’accompagnait d’une plus grande prise de conscience missionnaire de la part des chrétiens. L’Europe connaissait alors l’essor des progrès scientifiques, techniques et industriels. Elle avait foi dans les valeurs de sa civilisation et dans la supériorité de l’homme blanc. Un certain héroïsme romantique se combinait avec l’enthousiasme existant pour pousser des hommes et des femmes à des actes héroïques de générosité, si bien que des chrétiens zélés étaient prêts à affronter le martyre pour apporter le salut et les bienfaits de la civilisation aux contrées les plus reculées du monde. En 1822, Pauline Jaricot à Lyon forma le projet d’une Association pour la Propagation de la Foi. En 1848, Charles de Forbin-Janson, évêque de Nancy, convoqua à Paris la première réunion d’hommes d’Eglise pour former “la Société de la Sainte Enfance les enfants de France étant appelés à utiliser les pièces de monnaie de leur tirelire pour sauver les vies et les âmes des “petits Chinois”.

L’arrivée en Chine de cette nouvelle vague de missionnaires a sans aucun doute été la cause de l’augmentation du nombre et des activités des missions, mais les structures de l’Eglise catholique en Chine, qui avaient été établies au prix de tant d’efforts au cours des deux siècles précédents, semblent avoir été quelque peu dépassées par cet élan impétueux.

En 1862, les MEP avaient la charge de vingt-deux missions, huit d’entre elles en Chine (Tibet compris) : Sichuan Ouest, Sichuan Est, Sichuan Sud, Yunnan, Guizhou, Guangdong-Guangxi, Mandchourie, Tibet.

On y comptait neuf évêques (dont deux au Yunnan), 72 missionnaires, 74 prêtres chinois et 92 000 chrétiens : 92 000. En 1861, 2 164 adultes furent baptisés et ainsi que 164 697 bébés nés de parents païens. Les séminaires étaient au nombre de huit (dont trois au Sichuan) et abritaient 173 étudiants (4).

Les services positifs offerts au peuple chinois

D’un point de vue spirituel, sur le plan de la civilisation, le plus précieux service offert aux Chinois a été de leur apporter le message de l’Evangile avec ses valeurs spécifiques. Un nombre significatif de personnes ont été instruites dans la foi chrétienne. Elles y ont gagné une libération intérieure de peurs superstitieuses et ont appris la responsabilité qui étaient la leur dans la vie morale. Cela comprenait l’honnêteté et l’accomplissement des devoirs de base envers la famille et la société. Il ne fait aucun doute qu’il existait déjà une riche tradition morale en Chine, mais les normes morales et les standards moraux ne concernaient que les seuls lettrés. Les gens du peuple s’en remettaient à la bienveillance et au bon exemple de la classe supérieure. Les illettrés étaient méprisés et souvent laissés à leur misère matérielle et morale. Avec le don de la Foi, les missionnaires apportèrent le progrès social en ouvrant des écoles, en donnant des soins, en construisant des routes et des ponts et en introduisant de nouveaux produits dans l’agriculture.

Ils luttèrent activement contre les fléaux sociaux, comme l’élimination des filles à la naissance. Des orphelinats furent créés ainsi que des écoles pour filles. Les convertis chinois soutinrent activement ces services. Les catéchistes et les dirigeants des communautés avaient été formés au XVIIIe siècle. Leur nombre augmenta avec l’afflux des missionnaires étrangers qui auraient été impuissants sans eux. Pour l’éducation des filles et des femmes, l’Institution des Vierges avait été fondée auparavant par Mgr de Martiliat, le P. Martin Moye et d’autres missionnaires des MEP. Les Vierges jouèrent un rôle encore plus grand au XIXe siècle. Dans la province du Guizhou, deux Vierges remarquables sont mortes martyres : Agatha Lin Zhao (1851) et Lucy Yi (1862). Elles ont été canonisées par le pape Jean-Paul II le 1er octobre 2000. Bien que Han, Agatha a converti à la foi un village de Miao. Martyrisé avec elle, Saint Jérôme Lu, un Miao instruit, a également prêché dans des ethnies du Guizhou et du Guangxi.

Des services culturels étaient offerts aux minorités ethniques. Dans les provinces du Sud, les missionnaires MEP avaient souvent à faire à des minorités ethniques n’appartenant pas à l’ethnie majoritaire Han : Zhuangzu, Yizu, Miaozu, Tibétains etc. Ils faisaient de gros efforts pour apprendre leur langue et leur écriture. Ainsi, le P. Paul Vial (1855-1917) contribua grandement à la connaissance du peuple miao et de sa culture. Sa grammaire miao fut publiée en 1908. Les ethnologues contemporains utilisent toujours les travaux qu’il a laissés. Auguste Desgodins (1862-1913) contribua à la connaissance du Tibet en envoyant ses travaux à la Société de Géographie de Paris. Son dictionnaire tibétain-latin-français fut imprimé à Hongkong sur les presses des MEP en 1899 (XII-1 087 p.) (5).

Les Missions Etrangères de Paris installèrent une imprimerie sur l’île de Shangchuan, le lieu où est mort Saint François Xavier en 1552. Cet endroit était protégé du banditisme du continent, mais les attaques des pirates nécessitèrent un déménagement à Macao où les Portugais se révélèrent gênants. La presse fut une nouvelle fois déménagée, à Hongkong cette fois. La presse de Nazareth fut installée là, près de la maison de retraite des prêtres de Béthanie, de telle façon que ces prêtres puissent collaborer, à l’occasion, au travail d’impression. Les textes publiés par les Missions Etrangères de Paris à Hongkong pour des lecteurs chinois consistaient principalement en livres de prières, en catéchismes, en apologies et en vies de saints. Il y avait aussi des livres de textes latins pour les séminaristes comme ce fut le cas pour les lazaristes et les jésuites et beaucoup de livres en français, en linguistique, en ethnographie, en botanique et en histoire naturelle. Les études qui étaient publiées de la sorte étaient envoyées dans des provinces lointaines : Guizhou, Guangxi, Yunnan et même Tibet. Elles constituaient une contribution nouvelle aux études scientifiques chinoises, bien que cette contribution ait été indirecte, puisque écrite en français et que, par ailleurs, tous les spécimens étudiés, ainsi que les publications aient été envoyées aux musées parisiens.

Un exemple de ce travail est donné par le P. Jean-Marie Delavay, originaire de Savoie, qui travailla dans la province du Yunnan, et devint un botaniste distingué. Il envoya à Paris 3 200 spécimens de plantes, dont un millier n’avaient pas encore été identifiées et décrites en Chine même (6). Le P. François Gore dressa la géographie du Tibet et fut connu pour ses articles et son étude exhaustive : Trente ans aux portes du Tibet interdit 1908-1938. D’autres prêtres des Missions Etrangères, qui travaillaient dans les provinces du Nord-Est de la Chine, contribuèrent également à faire connaître cette région ; le P. Henri Lamasse, originaire d’Alsace, publia son Nouveau manuel de langue écrite chinoise en 1920 ; en 1934, le P. Lucien Gibert publia le grand Dictionnaire historique et géographique de la Mandchourie, qui comprenait 1 040 pages avec illustrations et cartes.

Les missionnaires des MEP au Sichuan ont soutenu le travail d’un autre missionnaire, dont le travail scientifique mérite une mention spéciale : le P. Armand David, CM (1826-1900), qui fut le premier occidental à décrire le panda géant. Le P. David était un lazariste originaire d’Espelette, qui se trouve dans la partie du pays basque, maintenant rattachée à la République française. Il entreprit, en voyageant souvent seul, deux expéditions longues et dangereuses en Chine (1862-1870 et 1872-1874), au cours desquelles il collecta un grand nombre de spécimens et fit de nombreuses observations, qui accrurent grandement la connaissance de la flore et de la faune chinoises. En 1869, il séjournait au Collège de l’Annonciation, fondé par les Missions Etrangères de Paris pour la formation des prêtres chinois à Muping dans la région de Ya’an, partie lointaine du Sichuan, entourée de hautes montagnes. C’est là qu’il identifia le panda géant, cet ours noir et blanc, qui est devenu le symbole de l’amitié entre la Chine et les grands pays du monde. En 1983, les autorités du district Baoxing, au Sichuan, près de la réserve des pandas géants de Fengtongzhai, ont inauguré une plaque en mémoire du P. Armand David sur le mur de l’Eglise qui jouxte l’ancien collège des Missions Etrangères de Paris, un magnifique bâtiment en bois aujourd’hui encore debout.

La collusion entre quelques missionnaires et les intérêts français durant la période coloniale

Pendant la période coloniale, les Français étaient en concurrence avec les Britanniques pour s’assurer de nouveaux marchés et des routes commerciales. Bien que le but essentiel de cette concurrence était l’expansion économique et la lutte d’influence que se livraient les nations occidentales, les Français usaient souvent d’arguments humanitaires pour justifier leur entreprise. L’idée d’étendre la civilisation et la morale pouvait s’appuyer sur les principes séculiers du développement de la science et du progrès, dans un esprit rationnel et athée. Plus fréquemment cependant, il y avait parmi les catholiques français un sens de la mission qui englobait le spirituel et le matériel : sauver des âmes et contribuer au développement des hommes.

En 1844, la France envoya à Canton M. Théodore de Lagrené et, le 24 octobre de la même année, un traité entre la France et la Chine fut signé à Whampoa, sur la corvette Archimède. Les Etats-Unis et d’autres puissances occidentales ratifièrent des conventions similaires, qui concédaient aux étrangers les avantages suivants :

– Cinq ports étaient ouverts au commerce extérieur, où les étrangers étaient autorisés à résider : Canton, Amoy (Xiamen), Fuzhou, Ningbo et Shanghai.

– Les étrangers bénéficiaient d’un statut privilégié d’extraterritorialité. Ils seraient jugés par leurs propres tribunaux et, s’ils déposaient une plainte, leurs consuls pourraient demander réparation aux tribunaux chinois.

– Tout étranger arrêté en dehors des limites desdits ports devait être remis à son consulat. L’article 23 du Traité de Whampoa portait cette clause : “Il est formellement interdit à tout individu quelconque de blesser ou de maltraiter en aucune manière les Français ainsi arrêtés” (7).

M. de Lagrené, un catholique pratiquant, prit sur lui de négocier avec le gouverneur Qi Ying un édit de tolérance vis-à-vis des chrétiens. Cette initiative était dans l’esprit de la politique du roi Louis Philippe et de son Premier ministre François Guizot, qui considéraient que l’influence morale des missionnaires Français pouvait contrebalancer la domination commerciale des Britanniques. Lagrené écrivait confidentiellement à Guizot :

“.sous le rapport commercial, les Anglais et les Américains ne nous avaient rien laissé à faire. Il m’a paru digne de la France et de son gouvernement de prendre date à notre tour et de signaler notre action au point de vue moral et civilisateur» (8)

Qi Ying accepta de rédiger un mémorandum à l’empereur, dans lequel il expliquait :

“.Quand on examine le passé, on constate que la religion du Seigneur du Ciel (catholicisme) est celle que professent les nations de l’Occident, que l’objet de cette religion est de faire le bien et d’éviter le mal. Cela étant, la demande de l’ambassadeur français M. de Lagrené, que les Chinois de bonnes moeurs qui pratiquent cette religion soient exempts de toute culpabilité, semble juste. J’implore donc la faveur impériale à cet effet : que désormais tout indigène ou étranger qui étudiera ou pratiquera la religion du Seigneur du Ciel, qui se conduira bien de par ailleurs et qui n’excitera aucun trouble, soit tenu pour exempt de toute faute et culpabilité.” (9)

La pétition de Qi Lying fut approuvée par l’empereur Dao Guang le 28 décembre 1844 et confirmée par un décret du 20 février 1846. En fait, il ne fut jamais publié et resta lettre morte, mais il marque le début de l’intervention française dans les affaires religieuses de la Chine.

En 1856, la guerre éclata de nouveau à la suite de l’incident qui impliquait , un lorcha (10) appartenant à un Chinois de Hongkong et battant pavillon britannique. La police chinoise qui recherchait un pirate monta à bord, arrêta douze marins chinois et amena le pavillon britannique. Les autorités britanniques se sentirent outragées et, en représailles, bombardèrent les fortifications de Canton. La France se joignit à l’Angleterre, mais pour une raison différente. Le P. Chapedelaine avait été mis à mort dans la province du Guangxi avec sa catéchiste, Ste Agnès Caokui. Mgr Guillemin, préfet apostolique du Guangxi, dénonça ce meurtre auprès de M. de Courcy, le chargé d’affaires, comme une violation de l’article 23 du Traité de Whampoa de 1844 entre la France et la Chine. Les catholiques français furent horrifiés à la lecture du compte-rendu des tortures infligées à leur compatriote. Les hostilités cessèrent en 1858. Le Traité français de Tianjin, négocié par le baron Gros, comportait une clause garantissant la protection des chrétiens. L’article 13 stipulait que les chrétiens de toute dénomination pouvaient pratiquer leur religion en toute sécurité et que les missionnaires, en possession d’un sauf conduit en règle, pouvaient circuler librement sur le territoire chinois.

Trois missionnaires MEP furent impliqués dans la seconde guerre de l’opium en tant qu’interprètes. Dominique Deluc exerça son premier ministère dans la péninsule de Leizhou. En 1859, il devait rejoindre sa nouvelle assignation dans le Sichuan, après l’accord qu’il avait reçu de Mgr Desflèches. Passant par Hongkong, il fut invité par M. Libois à servir d’interprète à l’amiral Français Rigault de Genouilly. Etait-ce une expression de gratitude de la part de cet officier ? Il offrit aux Missions Etrangères une cloche bouddhiste qu’il avait trouvée dans une pagode à Canton, où il avait établi son quartier général. La cloche datait de 1723 et elle était dédiée à Guan Yin. Elle fut envoyée à Paris où on peut encore la voir dans les jardins du séminaire des MEP. Plus tard, M. Deluc fut appelé au service du général en chef Cousin-Montauban. Sur la route de Pékin, il tomba dans une embuscade près de Baliqiao et fut massacré avec sa troupe de 37 soldats français et anglais. Une indemnité fut payée à sa famille. On rapporte que le général Chen Bao l’a tué de ses propres mains. En 1863, l’empereur ordonna au général Chen Bao de se suicider.

Pierre Marie Le Turdu, d’abord destiné à se rendre au Japon, dut retourner à Hongkong en 1848, après trois ans passés sans succès dans les îles Riu-kiu (liu zhou). Envoyé dans la province du Guangdong en 1850, il fut arrêté une première fois et renvoyé à Canton pour avoir converti la fille d’un magistrat. Etant retourné à Jiaying peu après, il fut arrêté une seconde fois, en 1856, à la suite de dénoncia-tions de fidèles des prêtres portugais. Libéré rapidement, il continua d’assurer son ministère dans la région de Chaozhou et fut nommé pro-préfet en 1858. Il fut alors invité à tenir le rôle de chapelain à bord d’un navire qui servait d’hôpital aux soldats britanniques durant l’expédition contre Canton. Il mourut à Canton le 15 juillet 1861.

Un autre missionnaire français, Louis-Charles Delamarre, servit d’interprète au baron Gros dans ses négociations. Ayant rejoint, depuis le diocèse de Rouen, les Missions Etrangères comme diacre en juin 1833, il fut ordonné prêtre en décembre 1834 et quitta la Chine en 1835. Il rejoignit sa mission du Sichuan en 1837. Il fut supérieur du séminaire de Muping de 1839 à 1847 et prit ensuite en charge le district de Suifu, le futur diocèse de Yibin. Il était expert en chinois, avait traduit des Ming et composé un dictionnaire français-latin-chinois. S’étant rendu à Hongkong pour faire imprimer son dictionnaire, il fut invité à servir d’interprète au baron Gros. Quand la convention additionnelle au Traité de Tianjin fut terminée le 25 octobre 1860, il avait réussi à introduire dans l’article 6 plus de précision dans le texte chinois qu’il n’y en avait dans le texte français. Cet article devait permettre aux missionnaires de “louer et acheter des terres pour y construire des maisons, comme ils le trouveront bon” (11).

Deux semaines plus tard, les hostilités reprirent lorsque les envoyés chargés de négocier la ratification du Traité à Pékin furent massacrés. Cette fois, l’expédition franco-anglaise prit Pékin le 13 octobre 1860 et mit à sac le Palais d’été. La Convention de Pékin garantit la reconnaissance officielle du christianisme. L’article 6 stipulait que les propriétés de l’Eglise confisquées durant le temps des persécutions leur seraient rendues par l’intermédiaire de l’ambassadeur de France. Des légations permanentes furent alors crées à Pékin. Pour la première fois dans l’histoire de l’empire chinois, elles ne représentaient pas des pays vassaux, mais les gouvernements d’Etats souverains indépendants. Pour sa part, le gouvernement chinois créait un ministère spécial des Affaires étrangères, le Zongli Yamen, pour traiter avec ces légations.

La légation française, créée de cette façon à Pékin, exerça un quasi-monopole sur la protection des chrétiens. Le consul de France délivrait des saufs conduits ou “passeports” pour les missionnaires de toute nationalité. M. Delamarre quitta Pékin à la fin de 1860 avec un passeport signé du frère de l’empereur et emmenait avec lui 27 passeports pour ses collègues missionnaires. Même les ressortissants chinois qui étaient chrétiens pouvaient faire appel à la légation française contre la loi chinoise. De nombreux criminels commencèrent à faire usage de cette facilité, ressentant soudainement le besoin de se convertir au christianisme. La protection étrangère rendit possible la construction d’écoles, d’églises et d’orphelinats par les chrétiens. Dans les provinces, toutefois, ces facilités conduisirent au ressentiment des mandarins locaux et donnèrent lieu à de nouvelles persécutions. La population pouvait être, en effet, aisément soulevée par les sinistres rumeurs répandues sur la conduite perverse des chrétiens. Partout des chrétiens étaient molestés et leurs bâtiments détruits, le plus souvent sans aucune sanction (12).

Le gouvernement mandchou tenta de laisser la responsabilité de ces problèmes aux autorités locales. Sa politique religieuse était guidée par deux préoccupations : il souhaitait éviter la pénétration des étrangers à l’intérieur de la Chine et également, éviter que des criminels n’opèrent sous le couvert de la religion chrétienne pour échapper à la loi du pays. L’achat de terrains et de biens par les Eglises chrétiennes était souvent l’objet de litiges. En fait, le principe de la liberté religieuse était la cause d’une pénétration étrangère encore plus importante en Chine. Un autre grief tenait aux interventions fréquentes des missionnaires dans des démêlés juridiques impliquant des Chinois chrétiens et pouvaient paraître porter atteinte à la souveraineté chinoise.

A partir de 1880, le gouvernement mandchou tenta d’établir des relations avec le Saint-Siège de façon à avoir un meilleur contrôle des problèmes religieux à l’intérieur de son propre pays et à diminuer le monopole de la France sur les questions relevant des problèmes des missionnaires. Cette tentative devint encore plus urgente lorsqu’un conflit armé éclata entre la France et la Chine à propos de l’Annam entre 1882 et 1885. L’amiral Courbet détruisit malencontreusement l’arsenal de Fuzhou qui avait été construit par la France. La haine du peuple envers les Français enfla et se traduisit par le massacre de missionnaires isolés, comme Matthieu Bertholet de Lyon en 1898. La Chine dut payer réparation pour ce meurtre. L’indemnité servit en partie à construire l’Ecole Bertholet à Nanning (13).

Après cette guerre, le Saint-Siège essaya d’établir des relations diplomatiques directement avec la Chine. Le grand politicien réformateur Li Hongzhang proposa la nomination d’un représentant chinois auprès du Saint-Siège, pour dissocier les missions des puissances coloniales. Xu Jincheng fut nommé en tant qu’envoyé chinois au Vatican et, en 1886, le pape Léon XIII nomma Mgr Antonio Agliardi nonce apostolique auprès de la Cour impériale de Chine. Mais l’opposition de la France bloqua cette manouvre. Le Premier ministre de la Troisième République, Charles de Freycinet, menaça de rappeler l’ambassadeur de France près le Saint-Siège et fit savoir au pape que la France ne tolèrerait que l’envoi en Chine d’un délégué apostolique sans statut diplomatique. Mais, même cette solution se révéla impraticable. Mgr François Taglibue, CM, vicaire apostolique à Pékin, s’éleva vigoureusement contre cette mesure et les relations entre la papauté et la République française arrivèrent alors à un point critique. La loi anti-cléricale sur l’éducation du précédent Premier ministre Jules Ferry (1885) avait exclu l’Eglise catholique de l’instruction publique. Afin de ne pas empirer les problèmes de l’Eglise de France, Léon XIII n’eut d’autre alternative que de s’incliner. Il qualifia plus tard ce recul comme “le plus grand regret de son pontificat” (14). La France fut ainsi capable de maintenir son protectorat virtuel sur les missions en Chine. Cependant, quelques-unes des missions d’autres pays européens passèrent plus tard sous le contrôle de leur propre gouvernement ; les missions allemandes en 1891 et les missions italiennes en 1902.

Les violences exercées par la population chinoise et les magistrats locaux contre les chrétiens

Du point de vue chinois, les différents traités garantissant la liberté commerciale dans certaines zones et un certain nom-bre de droits dont pouvaient jouir les puissances étrangères en Chine étaient considérés comme “inégaux car ils avaient été imposés par la force. De ce fait, l’empereur et les plus hautes autorités fermaient souvent les yeux sur la violation de ces traités par des responsables locaux, et même plus, sur les meurtres et les destructions des missions chrétiennes perpétrés par le peuple. Les sanctions et les lourdes indemnités réclamées par les puissances étrangères forcèrent le gouvernement chinois à coopérer dans une certaine mesure et à demander quelque retenue et quelque discipline de la part des autorités des provinces. Mais les punitions tombaient souvent sur des agents locaux connus pour leur corruption et épargnaient les véritables coupables. En fait, le peuple chinois dans son ensemble était hostile aux Occidentaux. Bien sur, quelques Chinois coopéraient avec des entreprises étrangères dans l’intérêt de la modernisation de la Chine. Mais les relations amicales restaient ambiguës et n’excluaient pas un mépris caché. En fait, les missionnaires étaient souvent les seuls étrangers à être respectés et aimés des gens avec lesquels ils étaient proches par les services qu’ils leur rendaient. Mais pour cette même raison, les communautés chrétiennes étaient en but à l’hostilité de la majorité de la population. Avant de porter un jugement moral sur la violence chinoise de l’époque, il faut garder présent à l’esprit les quelques actions violentes retentissantes menées par les étrangers et qui ne pouvaient pas ne pas provoquer des réactions chinoises.

Les puissances occidentales portent une lourde responsabilité pour avoir recouru à la force en 1840 afin d’obtenir l’ouverture de la Chine au commerce extérieur et développer le très profitable commerce de l’opium. En 1839, un fonctionnaire consciencieux appelé Lin Xexu avait été envoyé à Canton et, compte tenu de l’interdiction de l’importation de l’opium en Chine, il avait saisi 20 000 caisses d’opium dans le port et expulsé les Britanniques de la ville. Ceux-ci ripostèrent en bombardant les ports le long de la côte chinoise. Le gouvernement fut contraint d’ouvrir des négociations en 1842 et de signer le Traité de Nankin. Le comportement arrogant des négociants occidentaux blessait profondément les Chinois cultivés. Les Occidentaux étaient considérés comme des barbares, “des diables aux cheveux blonds Le sentiment xénophobe remontait aux premières agressions des marchands portugais et espagnols dans le sud. Au milieu du XIXe siècle, les empiètements étrangers s’accompagnaient de l’orgueil occidental et du mépris de la population chinoise considérée comme rétrograde, sale et traîtresse.

La pire humiliation infligée à la nation chinoise eut lieu en 1860 lorsque les alliés français et britanniques pillèrent et incendièrent le Palais d’Eté à Pékin. Ce palais était le symbole du céleste empire, un résumé magnifique des réalisations culturelles chinoises. En de meilleures circonstances, un siècle auparavant, les jésuites avaient contribué à sa beauté avec des constructions et des jeux d’eau dans le style versaillais. Les missionnaires étrangers, malheureusement, ne désapprouvèrent pas cette action. Le 29 octobre 1860, Mgr Mouly, CM, présida un service solennel en mémoire des victimes de la campagne qui avait permis aux Français et aux Anglais de conquérir Pékin. L’église Saint Sauveur (Beitang), nouvellement restaurée, était décorée de drapeaux tricolores français et résonnait des accents de la musique du 101ème Régiment de Ligne de l’armée française, dont les soldats venaient de piller le Palais d’Eté. Un témoin écrivit :

“L’émotion fut générale lorsque Mgr Mouly entonna le Te Deum célébrant la réouverture de l’église et ensuite, finalement, le Domine salvum fac Imperatorem nostrum Napoleonem appelant les bénédictions du ciel sur notre illustre Empereur. La croix qui venait de reprendre sa place témoignait du pouvoir de la France, dont l’armée pouvait désormais repartir.” (15)

L’année suivante, les dévotions à Marie durant le mois de mai furent introduites à Pékin, ensuite les processions en l’honneur du Saint Sacrement lors de la fête du Corpus Christi ; les membres de la légation française portaient le dais au dessus du prêtre tenant l’ostensoir.

Dix ans plus tard, la vengeance populaire chinoise trouva un exutoire dans les massacres de Tianjin.

Les Français avaient établi une concession territoriale à leur profit dans la ville de Tianjin, comprenant à l’intérieur une église construite en 1773, Wanghailou, qui fut restaurée en 1869 et rebaptisée Notre Dame des Victoires. Cependant, ce cri de victoire se révéla plutôt prématuré au vu de ce qui se passa à Tianjin l’année suivante. Le sentiment anti-français s’était formé avec le stationnement des troupes à Tianjin de 1858 à 1865 et avec la réquisition de la villa impériale par les Français en 1860 pour y abriter le consulat. Les Filles de la Charité avaient ouvert un orphelinat à Tianjin, mais, imprudemment, elles offraient une récompense pour chaque enfant qui y était déposé, ce qui donnait aux malfaiteurs l’occasion de kidnapper des enfants pour toucher la récompense. Elles furent ainsi connues comme des “trafiquants d’enfants Il semble aussi que la xénophobie se soit développée parmi les mandarins et les citadins après la mort du fils d’un général chinois à la bataille de Palikiao (Baliqiao), qui devait ouvrir aux troupes étrangères la route de Pékin en 1860.

Il était su que les sours baptisaient les enfants malades et mourants, et lorsque trente-quatre orphelins moururent au cours d’une épidémie, les rumeurs les plus folles circulèrent : les nonnes ensorcelaient les enfants, les mutilaient, leur enlevaient le cour et les yeux pour la médecine. En juin 1870, le couvent fut inspecté par un officiel local qui ne trouva aucun fondement à ces allégations ; néanmoins, la foule se rassembla et menaça les sours. Après que le magistrat local ait échoué dans sa tentative de disperser la foule, le consul de France sortit un pistolet et tira. Le coup manqua le magistrat mais tua son assistant. La foule en furie s’en prit au consul et à son chancelier qu’elle mit en pièces, puis massacra dix religieuses et deux prêtres, le P. Chevrier et le P. Wu. Trois négociants russes et quelques autres civils, français et chinois, furent également tués. L’église fut incendiée, le couvent et l’orphelinat détruits, ainsi que quatre églises protestantes américaines et anglaises récemment ouvertes. Après cet incident sanglant, de lourdes indemnités furent réclamées au gouvernement chinois, et non aux autorités locales qui furent épargnées. 250 000 taëls furent versés au vicaire apostolique, qui les utilisa pour reconstruire l’église et les autres bâtiments. Une vingtaine d’émeutiers furent jugés et exécutés. Les Missions Etrangères de Paris ne furent pas impliquées dans les événements de Tianjin. La mission de Tianjin était aux mains des lazaristes. Mais ces événements montrent la tension dramatique qui s’était créée entre la population chinoise et les missionnaires français, de quelque congrégation qu’ils soient.

A la fin du XIXe siècle, le déclin économique de la Chine s’accentuait ; la concurrence des importations étrangères, qui arrivaient par la diplomatie des canonnières, causait la ruine de nombreux commerces locaux et l’accroissement du chômage. Il était naturel de faire porter la faute de la banqueroute qui menaçait le pays aux étrangers et de ressentir vivement l’humiliation de la Chine dans ses défaites militaires. L’aristocratie était influente dans les provinces et se posait en défenseur des valeurs confucéennes. Elle était particulièrement irritée par l’incursion du christianisme et la disparition de traditions, comme les prosternations faites aux images et la participation aux fêtes locales. Il était facile de blâmer ces abandons des traditions du passé par les conditions déplorables du présent.

L’animosité qui s’était progressivement accumulée éclata en 1900 lors de la rébellion des Boxers, qui reçut le soutien de hauts dignitaires chinois et de l’impératrice douairière Cixi en personne. Des milliers de Chinois chrétiens et de nombreux missionnaires étrangers furent massacrés, principalement dans les provinces du Hebei et du Shanxi. Les MEP subirent les actes les plus atroces des Boxers à la cathédrale de Moukden, en Mandchourie, le 2 juillet 1900. Mgr Laurent Guillon, consacré à Moukden le 25 mai 1890, avait brillamment réussi dans son vicariat. De 1894 à 1898, dix mille Chinois s’étaient convertis au christianisme. En mai 1898, il obtint de Rome la division de son vicariat entre la Mandchourie du Nord et la Mandchourie du Sud. Il resta lui-même dans le Sud. Son vicariat comptait alors vingt-trois missionnaires, huit prêtres locaux, 115 catéchistes et 20 500 catholiques. Le 2 juillet 1900, il fut assiégé dans sa cathédrale par une foule furieuse décidée à tuer. Il était accompagné du P. Emonet, un missionnaire français, et du P. Jean Li, un prêtre chinois, ainsi que de deux religieuses de la Providence et d’un grand nombre de fidèles. Il fut abattu sur les marches de l’autel, la croix à la main. Les prêtres, les sours et les chrétiens furent massacrés et les assaillants mirent le feu à la cathédrale.

Le 13 juin 1900, avec l’approbation de la cour, d’importants groupes de Boxers parcoururent Pékin aux cris de “bao guo mie yang” (‘Défendez le pays, éliminez ). Sur l’ordre de la cour, les troupes régulières se joignirent aux Boxers et le massacre des missionnaires catholiques et orthodoxes commença. Les églises furent brûlées et les villages chrétiens mis à sac. Les troupes étrangères réagirent en s’emparant du fort de Dagu qui contrôlait les routes menant à Tianjin ; sur quoi, l’impératrice douairière déclara la guerre aux puissances étrangères le 21 juin et fit paraître trois jours plus tard un décret ordonnant l’exécution des étrangers dans tout l’empire.

Malgré leur fanatisme superstitieux et leur hostilité à toute modernisation, les Boxers furent mis à l’honneur plus tard par Mao Zedong et les historiens marxistes comme les précurseurs patriotiques de la lutte de la Chine contre l’impérialisme étranger et comme les héros de l’indépendance chinoise.

Le cas particulier d’Auguste Chapedelaine

Auguste Chapedelaine est connu sous le nom de “Malai ainsi qu’un grand nombre de Chinois l’a appris à l’école. Les livres d’histoire sont composés selon les grandes lignes des interprétations marxiste et patriotique. Le missionnaire français y est présenté comme l’exemple type de l’impérialisme étranger. Dans leur livre Zhongguo jiao’an shi (‘Histoire des incidents religieux en Chine’), les historiens Zhang Li et Liu Jiangtang rapportent ainsi le cas Chapedelaine :

“Les incidents religieux de Xilin sont aussi appelés ‘le cas Chapedelaine’. En 1853, le Père Malai des Missions Etrangères françaises, en violation des clauses des Traités, a quitté Canton pour s’introduire illégalement dans le district de Xilin au Guangxi. Sous le couvert d’activités religieuses, avec la complicité du magistrat du conté et celle d’autres officiels, il a opprimé le peuple, molesté des femmes, accumulé les méfaits. Il a encouragé des catholiques à se livrer à des activités criminelles dans les villages, à piller et à molester des femmes, en causant toutes sortes de troubles. La colère du peuple étant à son comble, il a été remis aux autorités locales. En 1856, le nouveau magistrat du district de Xilin, Zhang Mingfeng, ayant mené une enquête sur les faits rapportés par les villageois, arrêta Malai et le condamna à mort. Napoléon III et son gouvernement utilisèrent ce prétexte pour déclarer la Seconde Guerre de l’Opium. Finalement, le Traité de Tianjin stipulait que la Chine devait payer une amende de deux millions de taëls.” (16)

Ayant à l’esprit cette image du missionnaire français, les communistes chinois ne pouvaient être que profondément heurtés en apprenant que le pape Jean-Paul II canoniserait cet infâme Malai le 1er octobre, le jour même où la Chine célébrait l’anniversaire de sa libération.

Naturellement, le Saint-Siège avait une autre vision du P. Chapedelaine. Une enquête approfondie avait été menée avant qu’il ne fut béatifié le 27 mai 1900. La personnalité de cet homme ne pouvait permettre le doute quant à sa sainteté et à sa moralité. Les accusations chinoises avaient été accumulées contre lui pour des raisons politiques, notamment faire naître la haine et le dégoût envers ce représentant du christianisme occidental et accroître le patriotisme du peuple chinois. Les calomnies ne peuvent, cependant, être acceptées telles quelles et il nous faut détailler ces accusations pour comprendre les faits qui ont pu amener les autorités chinoises à centrer leur hostilité sur ce missionnaire en particulier.

En fait, le tort du P. Chapedelaine et de ses supérieurs fut de se rendre dans un endroit reculé de la province du Guangxi, quand le Traité de Whampoa stipulait clairement que les étrangers n’étaient pas autorisés à pénétrer à l’intérieur du pays. Du point de vue de l’Eglise, la province du Guangxi était sous l’autorité de l’évêque de Macao depuis 1575. Mais aucun prêtre n’y avait jamais été envoyé. Cependant, la direction de Rome est fidèle à la mission qui a été confiée par le Christ lui-même à son Eglise d’annoncer l’Evangile au monde entier. Le séminaire des MEP fut alors invité par la Congrégation pour la Propagation de la Foi à s’intéresser à la province du Guangxi. C’était une démarche osée que de s’y rendre car la province avait été le point de départ de la rébellion Taiping. Les bandits y étaient très actifs il y avait de fréquents soulèvements des minorités ethniques et musulmanes. Le procurateur des MEP à Macao, M. Libois, fut consulté. Il y avait quelques avantages à développer une mission au Guangxi : la province était située sur la route empruntée par quelques missionnaires allant au Sichuan et au Yunnan ; les missionnaires qui fuyaient la persécution au Tonkin pourraient trouver refuge au Guangxi. Finalement, la Congrégation pour la Propagation de la Foi fit paraître le décret suivant le 11 mai 1848 :

“Les Provinces du Kouang-tong, du Kouang-si et de l’île de Hainan soumises au diocèse de Macao constitueront une mission dont sera chargé le Séminaire des Missions Etrangères, de telle façon, cependant, que pour le moment ces pays ne soient pas censés disjoints de leur diocèse.” (17)

Le procurateur des Missions Etrangères qui s’était installé de Macao à Hongkong, M. Libois, fut nommé supérieur de la mission, avec la tâche délicate de négocier les choses avec l’évêque de Macao, Mgr De Matta, qui devait donner pouvoir aux nouveaux missionnaires. L’évêque opposa, en fait, son refus au nom du protectorat portugais. La Congrégation augmenta, alors, l’autorité de M. Libois en le nommant préfet apostolique du Guangdong et du Guangxi.

Après que l’armée Taiping se fut déplacée vers le nord, sur le fleuve Yangzi, il devint possible de tenter une mission au Guangxi. M. Libois avait, à l’époque, déménagé de Macao à Hongkong depuis 1847. Auguste Chapedelaine arriva à Hongkong en 1852 et passa dix mois dans cette colonie acquise par les Anglais depuis dix ans. M. Libois eut ainsi la possibilité de faire la connaissance du nouvel arrivant. Né en Normandie en 1814, Chapedelaine fut ordonné prêtre en juin 1843. Avant de rejoindre les Missions Etrangères, il exerça son ministère pendant sept ans dans le diocèse de Coutances. Il entra au séminaire des Missions Etrangères en mars 1851 et fut envoyé en Chine du Sud en avril 1852. Après avoir envisagé de l’envoyer dans la péninsule de Leizhou, Libois décida finalement de lui confier la mission du Guangxi.

M. Libois avait entretenu des relations amicales avec le consul de France, M. de Lagrené, et soutenu les disposi-tions du Traité signé le 24 septembre 1844. Il avait la réputation d’un homme sage et prudent. Quelques missionnaires regrettaient sa position en retrait et auraient souhaiter le voir intervenir plus activement. Pourquoi envoyait-il un missionnaire en plein cour de la Chine, en violations des dispositions du Traité ?

Sa lettre aux directeurs parisiens définit la mission de Chapedelaine en ces mots :

“M. Chapedelaine essayera d’atteindre le Guangxi par le Guizhou. Les rebelles (Taiping) se sont déplacés vers le nord et il ne reste plus rien au Guangxi, sinon les dangers habituels. De plus, M. Chapedelaine restera avec M. Lyons à la frontière jusqu’à ce qu’il connaisse la langue et trouve un endroit pour se loger au Guangxi. La persécution à Hainan m’empêche de l’envoyer à Leizhou, comme je prévoyais de le faire. M. Chapedelaine qui est un homme solide, prudent et avisé conviendra parfaitement au poste isolé qui lui sera attribué .” (18)

Libois l’envoya d’abord à Guiyang où il put apprendre la langue et se familiariser avec le travail missionnaire dans la région. Chapedelaine quitta Hongkong en novembre 1853 et atteignit Guiyang après un pénible voyage de trois mois. Entre temps, M. Libois avait transmis sa charge de préfet apostolique à M. Guillemin, qui fut officiellement nommé préfet apostolique par Rome le 16 novembre 1853. En juillet 1854, les missionnaires français à Guiyang reçurent la visite d’un nouveau converti d’origine Miao, Jérôme Lu Tingmei. Jérôme rendit compte de la croissance du christianisme dans sa propre ville de Maokou et dans la région environnante de la province du Guangxi, où étaient venus s’installer quelques personnes de son ethnie. D’août à novembre, Chapedelaine exerça son ministère dans des villages de la province du Guizhou, près de la frontière du Guangxi. En décembre, une délégation de nouveaux convertis envoyés par Jérôme Lu vint le chercher là et l’accompagna dans la communauté chrétienne des villages du Guangxi. Il y fut reçu chaleureusement. Il commença immédiatement à rendre visite aux familles chrétiennes, en particulier, dans le village de Yaoshan, du district de Xilin. Selon Launay, les gens étaient impressionnés par l’intégrité et la gentillesse de cet homme :

“Dès le début, les néophytes furent frappés de l’air grave de l’apôtre, de sa vie austère, de l’affabilité de sa parole et de la prudence de sa conduite. Debout avant l’aurore, il célébrait la messe de très bonne heure, se livrait avec ardeur à l’étude de la langue indigène, qu’il devait apprendre concurremment avec la langue chinoise. Il ne terminait aucun entretien sans parler de Dieu, sans répéter quelques unes des vérités de l’Evangile, afin de les faire pénétrer plus profondément dans l’esprit et dans l’âme de ses interlocuteurs.” (19)

A Yaoshan, il fut heureux de célébrer sa première messe dans le Guangxi le 8 décembre 1854. Ces jours heureux ne durèrent pas longtemps. Environ une semaine plus tard, il fut dénoncé aux autorités de Xilin par un homme nommé Bai san, qui avait pris part au banquet de bienvenue. Une enquête approfondie devrait être faite sur les motivations de cet homme. Il avait connu un différend avec quelques-uns des convertis et avec leur père Lu Zhenbao, un ancien adepte d’une société de jeûne, qui venait de recevoir l’enseignement chrétien de Jérôme Lu.

Une enquête plus approfondie devrait aussi être faite sur les accusations concoctées par Bai san. Le nom chinois de Chapedelaine était “Ma un nom fréquent parmi les musulmans, puisqu’il correspond à la transcription chinoise de la première syllabe de Mahomet. Bai san imagina un lien entre le missionnaire et deux rebelles musulmans nommés Ma Yun et Ma Kang, qui avaient provoqué un soulèvement populaire dans la province du Guangdong et étaient soupçonnés de provoquer des désordres dans la province du Guangxi. Une autre accusation portée par Bai san est révélatrice de son esprit faible, aisément superstitieux et imaginatif : le missionnaire étranger, disait-il, enseigne à ses convertis de voler dans les airs comme les oiseaux. Lui avait-on montré des images pieuses des anges ? Ou interprétait-il d’une façon physique la promesse d’aller aux Cieux ?

Tao, le magistrat de Xilin, était de toutes façons plus intelligent et réalisa rapidement que Chapedelaine était innocent. Il profita même de cette occasion pour en apprendre davantage sur le christianisme du missionnaire et de son catéchiste Lu Tingyi. Selon l’article 23 du Traité de 1844, il aurait du renvoyer l’étranger sous escorte à Canton. Mais ces dispositions n’avaient pas encore été publiées officiellement. Il voulut envoyer le prisonnier à son supérieur de la province, mais la route était bloquée par les bandits. Il demanda, donc, au missionnaire de rester dans la ville pour sa sécurité et de retourner au Guizhou.

Chapedelaine retourna au Guizhou, mais en avril seulement. Entre temps, il passa trois mois dans les communautés de villages, où il baptisa neuf personnes le 19 mars 1855. En décembre de la même année, il revint au Guangxi. Sa seconde visite ne dura que deux mois et dix jours, du 17 décembre 1855 au 28 février 1856.

Il y avait un nouveau préfet à Xilin, Zhang Mingfeng, qui était très hostile aux chrétiens. L’homme qui avait dénoncé le missionnaire, un an auparavant, prit avantage de cette situation et renouvela ses accusations. Il était d’autant plus désireux de prendre sa revanche que se trouvaient mêlées à cette affaire ses problèmes personnels. Sa fille s’était mariée à un chrétien, Lu Zhenjiang. Quand le père de son gendre mourut, Bai san tenta de séduire sa veuve. Cette femme fut prise de honte à l’idée de cette relation, rompît avec lui et demanda le baptême. Bai san en fit porter la responsabilité au catéchiste Jérôme Lu qu’il soupçonnait d’autres intentions. Jérôme Lu étant alors absent, sa colère se dirigea contre le missionnaire. Il était soutenu dans ces sentiments par sa fille qui était en conflit avec son mari, Lu Zhenjiang. On la soupçonnait de ne pas lui être fidèle. Le prêtre tenta-t-il de rétablir la paix dans le couple ? De toutes façons, elle le prit mal. Ayant vu quelques femmes se confesser au prêtre, selon le rituel du sacrement catholique de pénitence, elle commença à faire courir des bruits sur leurs relations immorales. Son mari lui ayant demandé de cesser ses calomnies, elle retourna chez son père. Bai san tenta d’obtenir quelques explications de son gendre et lui demanda de lui offrir un repas en signe d’excuse. C’était le temps du Carême et Lu Zhenjiang lui répondit qu’un dîner n’était pas possible pendant ce temps de jeûne. Perdant la face, Bai san, furieux, décida de faire des ennuis à tous les nouveaux chrétiens. Avec la promesse d’une grosse récompense en argent, il s’assura le soutien de deux employés au tribunal, Huang Cai et Wang Pen. Ensemble, ils imaginèrent une série d’accusations contre le missionnaire et ses aides : le missionnaire prêchait un culte maléfique permettant toute sorte de crimes, brisant la paix des familles et provoquant la subversion contre les autorités.

On peut retrouver dans ce cas particulier nombre de malentendus qui amenèrent le christianisme à être condamné comme un culte maléfique, depuis son introduction, deux siècles auparavant, dans la province du Fujian : la discipline chrétienne du mariage, la pratique de la confession, la participation des femmes au culte, etc.

Le magistrat Zhang Mingfeng était lui-même convaincu du caractère maléfique du christianisme et il traitait les prisonniers avec une extrême sévérité en les soumettant à de nombreuses tortures. Le missionnaire étranger, la catéchiste Agnès Cao et un nouveau converti Bai Man furent torturés à mort. Aux yeux de l’Eglise, ils rejoignirent le Christ lui-même dans sa mort sur la croix pour le salut des hommes. Partageant sa sainteté, ils méritaient d’être canonisés comme des saints. Il n’y avait là aucune implication politique, mais seulement l’amour confronté à la haine.

Mais il nous faut voir aussi l’usage politique malencontreux qui a été fait de cet incident.

D’abord, le préfet Zhang Mingfeng fut puni à la demande du consul de France, M. de Courcy. Le préfet apostolique de Canton, Zéphirin Guillemin, l’avait, en effet, vivement incité à agir. Dans une lettre à M. de Courcy, datée du 13 juillet 1856, Mgr Guillemin rendit compte de la mort horrible de Chapedelaine. Très désireux d’assurer la sécurité des missionnaires, il dénonçait l’exécution du P. Chapedelaine comme une violation de l’article 23 du traité de 1844. Passant l’été de 1856 en France, Mgr Guillemin fut reçu par Napoléon III et l’impératrice Eugénie. Il leur exposa la situation dangereuse dans laquelle vivaient les missionnaires isolés dans les provinces chinoises.

En fait, le gouvernement français se préparait à intervenir en Chine. Ayant été retardé par la guerre de Crimée, les Français étaient impatients de rejoindre les Anglais dans la course aux avantages commerciaux en Chine. Les Britanniques avaient été blessés par une opération de police chinoise menée sur un bateau battant leur pavillon. Ils voulaient une action militaire qui effaça l’affront fait à leur orgueil national. Napoléon trouva un autre prétexte pour se joindre au combat : “Nous irons en Chine, déclara-t-il, et nous vengerons le sang de nos missionnaires.”

Ce contexte politique explique pourquoi Auguste Chapedelaine pouvait facilement être utilisé comme le bouc émissaire portant le poids de toutes les humiliations infligées à la Chine par les puissances étrangères. Son annonce de la foi était sincère et sa vie était sans faute, mais il est mort au mauvais endroit et au mauvais moment. Le Guangxi était infesté de bandits, de rebelles et parcouru de tensions ethniques. Les autorités civiles, loin du gouvernement central, étaient souvent laissées à leur propre jugement, tolérant ou rigide, suivant les intérêts locaux. Les supérieurs d’Eglise étaient trop audacieux et trop indifférents aux interdits chinois. En réalité, après la libération de 1949, les dirigeants de la nouvelle Chine indépendante condamneront aussi cette période de l’histoire chinoise en la qualifiant de société semi-féodale sans liberté religieuse.

Les missionnaires ne pouvaient être intimidés par un pouvoir aussi oppressif. Mais ils ne réussirent pas à comprendre combien la société chinoise était profondément marquée par l’orgueil de sa culture et sa conscience nationale.

Conclusion

Durant cette période de l’histoire, la Chine a eu à connaître le choc de l’expansion occidentale de la même façon que d’autres pays dans le monde. Le progrès technique et la concurrence économique étaient les forces dominantes de la violence occidentale. Objectivement, c’était la phase initiale de la mondialisation. La Chine, prenant conscience de sa faiblesse, en fut aiguillonnée pour entreprendre une longue marche vers la modernisation et l’indépendance. La Chine est maintenant capable de prendre la place qui lui revient dans le concert des puissances mondiales.

La grande souffrance de la Chine dans ce processus fut l’humiliation morale qu’elle ressentit, de la part d’étrangers orgueilleux qui ignoraient son héritage de sagesse et prétendaient détenir seuls la vérité et la justice. Le profond ressentiment à l’encontre des missionnaires étrangers trouve sa source dans cette incompréhension première. L’aide qu’apportèrent les missionnaires aux puissances étrangères comme interprètes ou comme guides est secondaire par rapport à ce manque de respect mutuel.

Les Missions Etrangères de Paris furent associées aux intérêts français à travers leurs procures à Hongkong et à Shanghai. Ils cherchèrent également protection pour assurer la sécurité de leurs différentes institutions, particulièrement dans les régions reculées, où ils étaient sous la menace de bandits locaux et d’autorités hostiles. Dans ce contexte, quelques-uns de leurs membres commirent des injustices envers le peuple chinois en recommandant l’usage de la force.

D’un autre côté, la grande majorité de ces missionnaires suivirent la tradition de leurs membres qui étaient venus en Chine longtemps avant l’ère coloniale. Ils vivaient au mi-lieu des paysans pauvres des provinces dans un esprit de service et d’amour, partageant leurs difficultés et essayant d’améliorer leur vie. Ils ne peuvent être tenus responsables pour les torts infligés au peuple chinois à cette époque. En dépit des difficultés, ils poursuivaient aussi la tâche de former des prêtres chinois, préparant ainsi le jour où l’Eglise de Chine serait capable de prendre toutes ses responsabilités.

Notes

(1)M. Langlois : M. est correspond à ‘Monsieur’, titre plus communément employé que ‘Rév. Père’

(2)Launay, Adrien : Histoire générale de la Société des Missions Etrangères, Paris, Téqui, 1894, 645 p. (tome 3, p. 104)

(3)Archives des Missions Etrangères, vol. 64, p. 78

(4)Launay, op. cit., pp. 445-446

(5)Au sujet des contributions linguistiques des missionnaires des MEP, voir Missions Etrangères et Langues orientales, Contribution de la Société des Missions Etrangères à la connaissance de soixante langues d’Asie, Bibliographie de 1680 jusqu’en 1996, Paris, L’Harmattan, 1997, 210 p.

(6)Bareigts, André, Travaux intellectuels des prêtres M.E.P. en Chine (texte polycopié d’une conférence donnée à Hualien, Taiwan, le 4 juillet 1989)

(7)in Thomas A. Histoire de la Mission de Pékin, vol. 2 : Depuis l’arrivée des Lazaristes jusqu’à la révolte des Boxers, Paris, Louis-Michaud, 1925, p. 272

(8)Ibid., p. 272

(9)Ibid., p. 273

(10)Un lorcha est un navire de commerce dont la coque est de forme européenne et le gréement de type chinois.

(11)Mémorial MEP, p. 182

(12)La pénétration des missionnaires dans l’intérieur des terres a provoqué des réactions xénophobes de la part des mandarins et de la population. Cf. Cohen Paul A., China and Christianity: The Missionary Movement and the Growth of Chinese Antiforeignism 1860-1870, Cambridge-Massachusetts, Harvard University Press, 1963

(13)Mémorial MEP, p. 42

(14)Cf. Louis Wei Tsing-Sing, Le Saint-Siège et la Chine de Pie XI à nos jours, Paris, Editions A. Allais, 1968, p. 83

(15)Mutrecy (de), Charles, Journal de la Campagne de Chine, cité in Thomas A., Histoire de la Mission de Pékin, vol. 2 : Depuis l’arrivée des Lazaristes jusqu’à la révolte des Boxers, Paris, Louis-Michaud, 1925, p. 399

(16)Zhang Li, Liu Jiantang, Zhongguo jiaoan shi, (‘Histoire des incidents religieux en Chine’), Académie des Sciences sociales du Sichuan, Chengdu, avril 1987, p. 341

(17)Launay, Adrien, Histoire du Kouang-si, ibid., p. 22

(18)Archives des Missions Etrangères, vol. 314, n° 1245, lettre de Libois aux directeurs datée du 10 novembre 1853

(19)Launay,Adrien, ibid., p.53