Eglises d'Asie

L’Eglise catholique a demandé à ses prêtres de ne pas célébrer de funérailles catholiques pour les personnes connues de leur vivant pour avoir été des trafiquants de drogue

Publié le 18/03/2010




Lors de leur assemblée plénière de mars dernier, les évêques de l’Eglise catholique en Thaïlande ont décidé que les catholiques contre qui existent des preuves convaincantes indiquant qu’ils ont été de leur vivant impliqués dans le trafic de drogue ne devaient pas bénéficier de funérailles catholiques. Cette mesure, que le cardinal Michael Michai Kitbunchu, archevêque de Bangkok et président de la Conférence épiscopale, a commenté pour une centaine de ses prêtres lors d’une réunion tenue les 28, 29 et 30 avril derniers, s’inscrit dans le contexte plus large de la “guerre aux drogues” déclaré en février dernier par le populaire Premier ministre Thaksin Shinawatra et qui s’est achevée à la fin du mois d’avril. Selon le gouvernement, cette campagne a fait 2 582 morts, dont seulement 66 ont été abattus par la police, les autorités affirmant que les morts résultaient d’exécutions entre trafiquants. En outre, 58 000 personnes ont été arrêtées et l’équivalent de 1,2 milliards de baths (26 millions d’euros) en drogue et en biens matériels ont été confisqués.

Face à la popularité de la campagne, rares ont été les voix à dénoncer le caractère expéditif des méthodes employées par la police (1). Selon les responsables de l’Eglise, la gravité du problème posé par la consommation de drogues dans le pays, en particulier les métamphétamines produites en quantité en Birmanie et sur la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, a amené la Conférence épiscopale à soutenir la campagne gouvernementale. En mars dernier, des délégués de la Conférence se sont joints à des représentants des autres principales religions pour exprimer ce soutien au gouvernement. L’Eglise s’est engagée à demander “à tous ses pasteurs et à ses fidèles de faire des communautés, des églises et des écoles catholiques des lieux exempts de drogue”. Selon le cardinal Kitbunchu, les trafiquants de drogue “détruisent la société la vie des enfants et de la jeunesse en particulier. Faire commerce de ya ba (‘la drogue qui rend fou’), surnom local des amphétamines, constitue “un acte indirect de meurtre”.

S’appuyant sur l’article 1184 du Code de droit canon qui stipule que les funérailles catholiques peuvent être refusées à “un pécheur manifeste” dont les funérailles à l’église provoqueraient le scandale public des fidèles, le cardinal archevêque de Bangkok a déclaré que, “s’il est prouvé qu’un catholique a été un producteur ou un dealer de drogues illégales, une sanction de l’Eglise s’impose. Les prêtres ne doivent pas célébrer de messe de funérailles pour lui et ne pas autoriser de veillée funèbre à l’intérieur d’une église”.

Dans le diocèse de Chiang Mai, situé dans le “Triangle d’or l’évêque, Mgr Joseph Sangval Surasarang, a communiqué la directive de la Conférence épiscopale à ses prêtres. Il a toutefois précisé qu’il n’avait pas connaissance de catholiques impliqués dans le trafic de drogues. Les directives pastorales du diocèse stipulent que les membres de minorités ethniques, qui forment l’essentiel de la population de la région, qui souhaitent recevoir le baptême doivent promettre de ne pas consommer d’héroïne. Dans le diocèse de Ratchaburi, selon le vicaire général, Mgr Pradit Vongvari, les prêtres ne sont pas très “à l’aise” avec la directive de la Conférence épiscopale, la jugeant trop “sévère”. Au cas où la famille d’un catholique connu pour trafiquer demande des funérailles catholiques, le diocèse a pour politique de ne faire célébrer la messe que par un seul prêtre : “Les fidèles savent que c’est une sanction, étant donné qu’habituellement, plusieurs prêtres concélèbrent ces messes, en particulier s’il s’agit d’une personnalité connue.” Dans un bidonville de Bangkok, le P. Chatchaval Supalak, curé à Klong Toey, rapporte qu’il a déjà eu à refuser des funérailles catholiques à un trafiquant notoire. Il a présidé une simple veillée de prière, la famille se chargeant d’organiser par elle-même l’enterrement.