Eglises d'Asie – Chine
LETTRE DE L’EVEQUE CATHOLIQUE DE HONGKONG AU CONSEIL LEGISLATIF AU SUJET DU PROJET DE LOI SUR LA SECURITE NATIONALE
Publié le 18/03/2010
Je suis venu, avec une certaine hésitation et un très fort sentiment de frustration et d’indignation, pour évoquer la manière dont le processus législatif au sujet de l’article 23 de la Loi fondamentale est actuellement mené. Mes remarques aujourd’hui sont également adressées à tous les membres du Conseil législatif, à tous les membres du Conseil exécutif ainsi qu’au chef de l’exécutif de la Région administrative spéciale de Hongkong, M. Tung.
Je suis frustré car, ainsi que M. Andrew Lee l’a exprimé lors de l’inauguration de la présente Année du droit, il y a encore “des personnes qui considèrent que toute discussion sur ce sujet équivaut à une dispute entre le gouvernement et ceux qui sont opposés au projet de loi et qui conçoivent ce débat uniquement en termes de victoire ou de défaite, une attitude qui n’apporte que la division dans notre société”.
Il existe un sentiment de frustration largement partagé à l’encontre du gouvernement du fait du dédain manifesté par lui à l’attention des requêtes de nombre de nos citoyens et amis de l’étranger qui appelaient à la mise en place d’une consultation par la rédaction d’un Livre blanc. Malgré tout, le gouvernement avait promis d’utiliser le Livre bleu rédigé par ses soins pour recueillir les avis de la population et apporter ensuite les amendements nécessaires au projet de loi. Je trouve honteux que le gouvernement ait en fait choisi, avec l’aide de parlementaires qui lui sont favorables, de hâter le processus législatif et de ne montrer aucune réelle détermination à s’impliquer dans un vrai débat avec le public.
Les gens à Hongkong sont profondément inquiets face à l’épidémie de SRAS, laquelle n’est toujours pas sous contrôle. Un grand nombre de nos concitoyens ont été soudainement plongés dans des difficultés financières et économiques extrêmes. Et pourtant, ces derniers mois, des parlementaires pro-gouvernementaux ont fait voter un budget qui donne priorité au déficit tout en portant très peu d’attention au redémarrage de l’activité économique, comme si rien ne se passait par ailleurs. Les “provisions une fois pour toutes” qui en résultent ne peuvent être perçues que comme une pauvre consolation et caractérisées par un : “Trop peu, trop tard”. Nous ne pouvons que dire notre indignation face à cela.
De plus, le gouvernement profite du fait que l’attention des gens est distraite du train-train quotidien par la calamité que nous vivons en ce moment pour hâter le processus législatif relatif à l’article 23 (de la Loi fondamentale). Je vous pose la question : est-ce honnête ? Est-ce décent ? Est-ce cela “faire des soucis des gens la priorité du gouvernement” ?
Considérez la façon honteuse et révoltante dont le parti pro-gouvernemental manipule le processus. Parce qu’ils ont la majorité dans cette Commission, ils pensent que, dans le climat actuel, la victoire sera facile. Ils utilisent les sessions d’audition publique comme un spectacle politique. Nous savons à quoi nous en tenir, mais ce genre de cirque politique est en train de passer de mode même en d’autres lieux. Je trouve triste qu’ils estiment possible d’offenser l’intelligence des gens par un procédé si honteux.
Confronté à l’épidémie de SRAS, le gouvernement a droit à notre compréhension. Nous avons promis en conscience et nous nous sommes efforcés – avec succès – de ne pas le critiquer et de lui apporter toute notre aide. C’est ce que nous avons fait en différentes occasions, mettant à la disposition des autorités les ressources dont nous pouvions disposer. Les autorités pourraient utiliser les temps présents pour renforcer la cohésion de la communauté mais, apparemment, ce n’est pas leur priorité et nous avons d’ores et déjà été placé parmi les ennemis [du gouvernement]. Les soixante mille personnes qui sont descendues dans la rue en décembre dernier et les très nombreuses personnes qui les ont soutenues ont été ignorées (1). Tous ces gens continueront à se montrer de bons citoyens, mais, à la fin, ils ne pourront que se désolidariser d’un gouvernement auquel il sera impossible de faire confiance.
L’Eglise catholique existe ici et sur le continent. La proposition relative au “mécanisme pour proscrire une organisation” nous pose un sérieux problème. Au dernier moment, le gouvernement a même introduit une clause pour légitimer “une procédure en appel, la partie défendante étant absente”. Je trouve cela parfaitement étonnant et ce point a provoqué la stupeur des experts en droit de notre communauté. Nous nous ne pouvons pas ne pas nous demander si ceci n’a pas été conçu comme un nouveau piège destiné à divertir notre attention de l’objectif principal et n’a pas pour vocation à être abandonné, les autorités faisant alors passer l’abandon de cette absurdité introduite à la dernière minute pour un geste de bonne volonté et de conciliation.
Mais pourquoi donc le point central de ce “mécanisme” devrait-il être retenu ? L’article 23 de la Loi fondamentale ne l’exige pas, même si M. Yank Yuk Shing affirme qu’il peut être remplacé. L’appareil de sécurité ne dispose-t-il pas déjà des pouvoirs suffisants pour ouvrir une enquête et proscrire, comme “mettant en danger l’Etat” toute association présente à Hongkong ? Pourquoi avons-nous besoin d’un mécanisme qui ruine le principe “Un pays, deux systèmes” ? Le gouvernement a-t-il déjà en tête une association en particulier qu’il souhaite proscrire en recourant à ce mécanisme ? Dans le Wen Wai Pao, quelqu’un a affirmé que Pékin ne céderait pas sur ce mécanisme. Nous prions nos camarades du Bureau de liaison d’avoir l’obligeance de nous confirmer ou d’infirmer ce point afin que nous sachions enfin à qui adresser nos pétitions. Nous en appelons à la nouvelle équipe dirigeante à Pékin : s’il vous plaît, venez prendre du temps à Hongkong où des patriotes autoproclamés mettent gravement à mal le principe “Un pays, deux systèmes ce principe si important tant pour Hongkong que pour notre pays dans son entier.
(1)Voir EDA 366, 367