Eglises d'Asie – Malaisie
Le PAS, parti d’opposition, d’obédience musulmane, précise sa conception d’un Etat islamique pour la Fédération de Malaisie
Publié le 18/03/2010
Au pouvoir au Terrengganu et au Kelantan, deux des treize Etats de la Fédération de Malaisie, le PAS n’avait pas encore, malgré les demandes répétées du Premier ministre, précisé sa doctrine au cas où il parviendrait au pouvoir à Kuala Lumpur. C’est désormais chose faite et, à en croire le texte récemment mis au point, le PAS pour la première fois indique clairement que, dans le cadre d’un Etat islamique de Malaisie, tous les musulmans de Malaisie seront soumis au hudud. Le code pénal actuel ne s’appliquera donc plus aux musulmans et sera remplacé par le hudud, le droit musulman qui précise les dispositions prévues par la charia, la loi musulmane. S’agissant des non-musulmans, qui représentent un peu moins de la moitié de la population de la Malaisie, Etat multiracial et plurireligieux, le code pénal actuel continuera de s’appliquer.
Ce point précisé, le PAS affirme sa différence avec le Premier ministre concernant ce que doit être la Fédération de Malaisie, Etat où l’islam est religion officielle. Le parti d’opposition affirme en effet que, la charia étant la Loi suprême, elle doit être placée au-dessus de la Constitution fédérale. Selon le PAS, en effet, même si une nation n’est pas peuplée à 100 % de musulmans, un Etat ne peut être considéré comme un Etat islamique si la charia n’est pas la référence juridique suprême. Par ailleurs, dans le futur Etat islamique de Malaisie, les non-musulmans seront certes des citoyens à part entière mais seront considérés comme des dhimmis. Dans l’acception musulmane traditionnelle, les dhimmis désignent les non-musulmans vivant dans une société dirigée selon la loi musulmane. Ils jouissent d’une autonomie limitée et doivent s’acquitter d’impôts spécifiques, plus élevés que ceux exigés des musulmans. Selon le PAS, dans un Etat islamique de Malaisie, être dhimmi ne distinguera que le fait de ne pas être musulman mais n’aura pas de conséquence en matière de droits et dans le domaine fiscal ; les dhimmis ne paieront pas de dîme spécifique et s’acquitteront normalement de l’impôt sur le revenu.
Au sujet de la politique de discrimination positive, mise en place en 1971 avec la Nouvelle politique économique pour favoriser l’essor économique et social des Malais, le PAS se prononce pour son maintien mais précise qu’elle ne se fera plus seulement selon des critères raciaux.
Selon le Straits Times de Singapour, tant que le texte mis au point par le PAS ne sera pas accessible, il est difficile de préciser la portée exacte des changements proposés. Ces dernières années, le Premier ministre Mahathir a, à de nombreuses reprises, mis le PAS au défi de préciser sa doctrine, affirmant que les promesses faites par le parti d’obédience musulmane aux musulmans malais étaient très différentes de celles formulées dans le discours tenu aux électeurs non-musulmans, chinois en particulier. Le Premier ministre s’est également souvent interrogé sur le maintien de la démocratie dans une Malaisie contrôlée par le PAS, chaque décision du gouvernement devant être préalablement approuvée par le Conseil des oulémas. Selon le Straits Times, le texte du PAS n’offre pas de précision claire sur ce point.
Toujours selon le Straits Times qui cite des sources internes au PAS, le texte mis au point est le fruit d’un équilibre complexe entre les partisans d’un Etat islamique total et ceux qui souhaitent ménager l’importante fraction non musulmane de la population (1). A de nombreuses reprises ces dernières années, le PAS a tenu à se présenter aux électeurs malaisiens comme un parti de gouvernement dont les non-musulmans n’auraient rien à craindre (2).