Eglises d'Asie – Chine
Selon les observateurs, les documents relatifs à la gestion de l’Eglise catholique en Chine récemment publiés par les autorités témoignent de la situation ambiguë de l’Eglise en Chine
Publié le 18/03/2010
Pour le P. Jean Charbonnier, responsable du service ‘Chine’ aux Missions Etrangères de Paris, la référence dans ces documents à une « gestion démocratique » de l’Eglise qui évite toute référence à l’autorité du Saint-Siège ne doit pas apparaître comme étant un élément nouveau. Pour « déroutante » que soit cette mention, elle ne renvoie qu’à ce que le pouvoir communiste chinois a tenté de faire depuis 1949 afin de couper l’Eglise catholique de Chine de tout lien « officiel » avec l’Eglise universelle. De la part du pouvoir chinois, la codification de la participation de dirigeants laïcs au gouvernement de l’Eglise participe de la même démarche. De fait, certains règlements précisés dans ces textes peuvent prêter à des confusions entre le pouvoir canonique et le pouvoir civil, mais, précise le P. Charbonnier, cette intervention du pouvoir civil dans les affaires de l’Eglise doit être replacée dans la tradition chinoise, laquelle « ne peut concevoir l’exercice d’une religion sans codifier son intégration à la vie politique du pays » (2).
Selon un prêtre chinois, spécialiste de droit canonique poursuivant des études en Europe, la question de la « légitimité » de ces textes se pose. « Au nom de qui, par qui, et pour quelle Eglise ces lois sont-elles établies ? s’interroge-t-il. En référence à la partie « clandestine » de l’Eglise en Chine, ce prêtre prévoit que « la moitié des catholiques chinois » ne vont pas être d’accord parce que ces textes ont été élaborés sans leur participation et sans l’assentiment de Rome. Citant Les entretiens de Confucius, au Livre XIII, « Des sages rois » : « Si les noms sont incorrects, on ne peut tenir de discours cohérent. Si le langage est incohérent, les affaires de l’Etat ne peuvent se régler il estime que les « clandestins » ne peuvent accepter la validité de ces trois documents. Même si les évêques, du côté « officiel », sont choisis par l’Association patriotique, il faut cependant rappeler qu’aujourd’hui, la grande majorité des évêques « officiels » ont été reconnus en tant que tel par Rome (3).
Pour autant, tant le P. Charbonnier que ce prêtre chinois ne nient pas toute valeur aux nouveaux documents. Dans le « Système de gestion des diocèses de l’Eglise catholique en Chine les évêques chinois ont certainement introduit les fruits de leur expérience pastorale. Les soixante-dix-sept articles des douze chapitres de ce document suivent généralement le Code de Droit canon de 1983, même s’ils introduisent des spécificités propres à la Chine, remarque le P. Charbonnier. Toute référence au Siège apostolique de Rome est ainsi exclue, pour des raisons politiques d’indépendance nationale ; mais les évêques ont eu soin de marquer de façon indirecte leur fidélité au pape en introduisant « un enrichissement inattendu » à leur profession de foi : « Tenir fermement la foi en l’Eglise une, sainte, catholique et transmise des apôtres ayant Pierre pour chef ainsi que l’unicité et l’intégralité des vérités à croire est-il en effet écrit au chapitre II de ce texte, à propos des devoirs pastoraux de l’évêque. En outre, les dispositions relatives aux devoirs et aux droits des prêtres et des évêques sont bienvenues car, estime le prêtre chinois cité ci-dessus, « beaucoup de prêtres, voire des évêques, ne savent pas clairement ce qu’ils doivent faire et ce qu’ils ne doivent pas faire » et rencontrent de ce fait des problèmes en matière d’ordination, de pouvoir et de finances. A l’heure où, en Chine, de nombreux jeunes prêtres sans expérience pastorale suffisante sont appelés à prendre de lourdes responsabilités, estime le P. Charbonnier, ces textes, aussi imparfaits soient-ils, peuvent représenter une aide réelle.
Les deux autres documents, qui concernent l’Association patriotique et la Conférence conjointe des présidents de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale, sont plus inquiétants, estime le P. Angelo S. Lazzarotto, prêtre des PIME et observateur de longue date de l’Eglise catholique de Chine. Ces documents « confirment les limites préoccupantes de l’autorité de l’évêque, qui est toujours conditionnée par l’Association patriotique ». Dans le contexte de la lutte anti-Falungong (4), les autorités politiques ont multiplié ces dernières années les appels à un contrôle ferme de toutes les activités religieuses. Dès lors, la gestion « démocratique » de l’Eglise sous l’égide de l’Association patriotique n’est formalisée que pour mieux ancrer le contrôle du pouvoir politique sur l’Eglise, estime le P. Lazzarotto. Selon le P. Charbonnier, les évêques, ne pouvant empêcher cela, ont tout de même réussi à faire inscrire, à l’intention du personnel de l’Association patriotique, la nécessité « d’avoir une foi ferme et un amour fervent du Seigneur ».