Eglises d'Asie – Pakistan
Province de la frontière du Nord-Ouest : les chrétiens s’inquiètent de l’adoption d’un projet visant à appliquer la loi islamique
Publié le 18/03/2010
Le projet qui avait été introduit à l’assemblée législative le 27 mai avait été adopté par elle en moins d’une semaine, sans le moindre débat avec l’opposition. Parmi les dispositions nouvelles ainsi approuvées, une d’entre elles est passablement troublante et menaçante pour la démocratie et les droits de l’homme. Elle prévoit en effet un système de justice parallèle qui, selon les porte-parole de l’opposition, violera les droits fondamentaux de la population. Parmi les diverses mesures qui seront imposées aux habitants de la province, on compte d’ores et déjà l’interdiction totale de musique dans les transports publics, la disparition des magasins de certains disques et cassettes audiovisuelles, la destruction des publicités sur lesquelles des femmes sont représentées.
Dans un communiqué de presse publié le 27 juin, la Commission ‘Justice et paix’ de la Conférence des supérieurs majeurs a fait part de son appréhension devant cette tentative de la coalition au pouvoir pour imiter l’ancien régime des Talibans ayant sévi sur l’Afghanistan. Le renforcement de la charia dans la province ne manquera pas, dit le communiqué, d’affecter profondément les droits des minorités religieuses de la province. Selon la Commission ‘Justice et paix’, les nouvelles mesures auront pour effet d’augmenter les craintes et le sentiment d’insécurité des non-musulmans de la province. La situation est d’autant plus alarmante que la MMA qui détient le pouvoir dans la Province de la frontière du Nord-Ouest est membre de la coalition qui gouverne le Béloutchistan, autre province frontalière de l’Afghanistan.
La Commission catholique demande aux responsables politiques de la province que soit maintenue une claire distinction entre la religion et l’Etat et que les droits de chaque citoyen soient respectés sans tenir compte des appartenances religieuses. Selon les auteurs du communiqué, l’imposition de la loi islamique aux citoyens est en opposition avec l’esprit du père fondateur du pays, Mohammad Ali Jinnah, qui avait affirmé que la religion faisait partie du domaine personnel et que l’Etat n’avait rien à voir avec la croyance.
Par contre, la loi nouvellement votée est en accord avec l’état d’esprit d’un grand nombre de militants politiques d’inspiration islamique. Maulana Fazlur Rehman, responsable du Jamaiat-e-Ulema, parti politique auquel appartient le chef de province, a déclaré aux médias de la capitale provinciale, Peshawar : “Nous voulons créer un climat où chaque musulman se sente régi par les lois de l’islam, permettre ainsi la naissance d’un vrai Etat musulman, le premier établi sur la frontière, mais qui s’étendra peu à peu dans tout le pays.” Les militants islamiques se défendent de vouloir imiter la politique des Talibans qui fouettaient les femmes ne portant pas de voile et les hommes ne se laissant pas pousser la barbe. Ces déclarations ne dissipent pourtant pas les craintes que certains incidents récents ont fait naître. A Multan, à la mi-juin, plus de cent militants ont détruit à coups de pierres et de barres de fer des panneaux d’affichage publicitaire comportant des images de femmes. Quelque temps avant, des extrémistes avaient attaqué et brûlé un cirque à Gujranwala, dans la province du Pendjab, faisant une centaine de blessés parmi les spectateurs.