Eglises d'Asie

A Mannar, des fidèles de différentes religions s’associent pour lutter contre l’expansion du trafic de drogue

Publié le 18/03/2010




Face à ce qu’ils perçoivent comme l’incapacité des autorités locales à lutter efficacement contre le trafic de drogue, à Mannar, des fidèles de différentes religions, sous la houlette de catholiques, se sont associés pour tenter de combattre ce fléau. Selon le P. Sandiapillai Emilianuspillai, curé de la paroisse Saint Sébastien de Mannar, les personnes impliquées dans le trafic de drogue ne sont pas plus de 650 dans la ville de Mannar et dans une dizaine de villages environnants, mais elles suffisent à établir le trafic et à augmenter la consommation de drogues.

Dans cette région à majorité tamoule et à prédominance hindoue, des chrétiens, des musulmans et des hindous se sont réunis en janvier dernier pour former un “Comité des citoyens” afin, précise le P. Emilianuspillai, de sensibiliser la population au danger représenté par les trafiquants de drogue. Selon M. M. Saburdeen, musulman et membre du Comité, le problème va en s’aggravant et touche désormais les écoles, entraînant une hausse de la petite délinquance, les jeunes recourant au vol pour trouver l’argent dont ils ont besoin pour acheter des produits stupéfiants. Selon le P. Emilianuspillai, la police a conscience du problème et, selon les chiffres donnés par le responsable local de la police, 54 personnes ont été arrêtées sur l’île de Mannar au cours des trois derniers mois pour trafic de drogues. Cependant, les efforts menés par les responsables religieux contre ce trafic sont minés par le fait que les gens n’osent pas s’adresser à la police pour ces questions car ils estiment que les politiciens et les forces de sécurité locales trempent dans ces trafics. “Les gens ne portent pas plainte car ils ont peur et des policiers nous disent que s’ils interpellent des trafiquants, ils risquent de se faire muter ailleurs rapporte le prêtre catholique.

Le P. Emilianuspillai reconnaît que l’action du Comité des citoyens n’est pas très concluante. La consommation de drogue tend ainsi à devenir de plus en plus répandue parmi les jeunes et au sein des écoles. Cependant, une réaction commence à poindre. Le 20 juillet dernier, en présence de Mgr Rayappu Joseph, évêque du diocèse catholique de Mannar, une réunion a rassemblé des policiers, des fonctionnaires et les membres du Comité des citoyens à l’école Sainte Lucie, située dans le village de Pallaimunnai. Il a été décidé que les jeunes de ce village qui ont formé un comité de vigilance seront encadrés par la paroisse catholique du lieu et seront autorisés à renseigner la police sur les trafiquants qu’ils repèrent. Pour le P. Emilianuspillai, si cette initiative va dans le bon sens, la lutte contre le trafic de drogue n’est pas gagnée pour autant. Il cite le cas d’une femme arrêtée pour trafic et qui a été relâchée après avoir payé une amende de seulement 2 000 roupies (18 euros). Depuis le cessez-le-feu signé en février 2002 entre les Tigres tamouls et Colombo, le Palk Strait, le détroit séparant le Sri Lanka de l’Inde, n’est plus une zone de haute sécurité et la drogue en provenance d’Inde pénètre facilement dans la région. Localement, de nombreuses femmes, souvent des veuves qui ont perdu leur mari au cours des vingt années de combats qui ont opposé les forces gouvernementales aux troupes du LTTE, versent dans le trafic de drogues, faute d’autres moyens de subsistance.