Eglises d'Asie

Dans la province de Svay Rieng, un temple protestant a été mis à sac par des villageois bouddhistes

Publié le 18/03/2010




Dans la province de Svay Rieng, située à proximité de la frontière du Vietnam, une foule de 100 à 200 villageois bouddhistes ont mis à sac un temple protestant. L’incident s’est produit le 13 juillet dernier dans le village de Svay Prouhuot et, selon certains observateurs, traduit l’exaspération qu’une partie des Cambodgiens, très majoritairement bouddhistes, ressent envers certaines dénominations protestantes, présentes depuis peu dans le pays et qui, recourant à des méthodes d’évangélisation parfois agressives, se montrent peu respectueuses de la culture khmère et de la religion bouddhique.

Selon Sour Marie-Alain, responsable d’une communauté catholique de la province de Svay Rieng située à proximité du village de Svay Prouhuot, le temple protestant – en fait une bâtisse en béton semblable à une villa – a été édifiée il y a trois ans. Depuis cette date, la région souffre d’une importante sécheresse. Quelques jours avant l’attaque du 13 juillet, les responsables du village sont allés consulter un “acha équivalent d’un devin, à la pagode bouddhiste toute proche. Celui-ci aurait mis la sécheresse sur le compte de la présence du temple protestant dans le village. Armés de marteaux et de barres de fer, la foule est passée à l’action le 13 juillet, détruisant fenêtres, meubles et ventilateurs et jetant dans un étang voisin les Bibles trouvées sur place. L’incident n’a pas fait de blessé et la police n’a procédé à aucune arrestation. Le pasteur du temple saccagé, le Rév. Chet Tra – une femme -, a déclaré que la communauté protestante de Svay Prouhuot a désormais “assez peur 

Selon les autorités de la province, c’est la première fois qu’un incident oppose ainsi les chrétiens et les bouddhistes à Svay Rieng, une province où l’on compte trente églises chrétiennes. Sorth Nordy, chef de la police dans la province, a déclaré que les villageois qui ont pris part à l’attaque reprochent aux chrétiens leur dénigrement de la pratique quasi-quotidienne des offrandes portées par les bouddhistes aux moines des pagodes. “Les chrétiens expliquent que si vous devenez bouddhiste, vous donnez du riz, de la nourriture et de l’argent aux moines, a expliqué Sorth Nordy. Ils disent aussi que si vous devenez chrétien, vous n’avez pas à contribuer ainsi [à l’entretien des moines]. Au contraire, vous recevez des dons de l’Eglise.”

Pour les observateurs, l’incident de Svay Prouhuot, pour isolé qu’il soit, s’inscrit dans un contexte plus large. En octobre dernier, plusieurs centaines de villageois ont pris part à des manifestations anti-chrétiennes dans la province de Prey Veng, voisine de celle de Svay Rieng, et ont distribué des tracts comparant les chrétiens à Pol Pot et affirmant que les chrétiens critiquaient les bouddhistes (1). Un groupe, autoproclamé “Le comité des vingt pagodes fit même circuler à cette date des lettres évoquant la possibilité d’une “guerre de religions” dans la province de Prey Veng. Quelques mois plus tard, en janvier 2003, le ministère des Cultes et des Affaires religieuses a publié un ensemble de directives prohibant le prosélytisme et la diffusion de littérature religieuse au sein de la population (2). L’objectif affiché de ces mesures, présentées comme préventives, était d’empêcher d’éventuels conflits religieux, entre bouddhistes et chrétiens. Plus précisément, le gouvernement souhaitait mettre un frein aux activités de groupes chrétiens actifs dans le pays, l’action de prédication de ces groupes envers la population khmère étant jugée excessive.

Parce qu’au Cambodge l’épidémie du sida fait chaque jour une centaine de nouvelles victimes, Beatriz Millena, une missionnaire laïque venue des Philippines, s’est consacrée corps et âme aux soins des futures mamans contaminées et de leurs bébés. Beatriz Millena, 29 ans, est sage-femme de profession. Originaire de Davao del Sur, province du sud des Philippines, laïque consacrée, elle fait partie d’un groupe missionnaire philippin associé à la Société des Missions Etrangères du Québec, partenaire au Cambodge des Pères de Maryknoll, américains. Elle travaille dans le cadre de Maryknoll, une ONG légalement reconnue. Depuis près de huit ans, l’association participe à la lutte contre le sida, particulièrement au sein des milieux les plus démunis de la population. L’an dernier, elle a mis sur pied à Phnom Penh une maison d’accueil pour les enfants immunodéficitaires dans le cadre d’un projet pilote proposé par le gouvernement pour fournir les traitements nécessaires aux bébés nés de mamans séropositives.

On estime aujourd’hui à 170 000 le nombre des porteurs du virus du sida au Cambodge, pays de 12,77 millions d’habitants où, chaque année, naissent 3 500 bébés séropositifs. Selon Milena, “la situation est terrible parce que les enfants que nous avons sont soit abandonnés soit orphelins de parents morts du sida. Personne ne s’occupe d’eux. Ils ont besoin d’être aimés et câlinés, une expérience essentielle pour des bébés”. Elle poursuit, précisant que la méthode de prévention contre la transmission du virus de la mère à l’enfant consiste à fournir un simple cachet de Nevirapine à la maman au moment de l’accouchement et l’administration de 2 milligrammes de cette même Nevirapine au nouveau-né moins de 72 heures après sa naissance. “L’année dernière nous avons eu de bons résultats. De juin 2002 jusqu’à aujourd’hui, nous avons eu 46 naissances. En juillet 2003, nous suivons 13 futures accouchées explique-t-elle, ajoutant que, le plus souvent, elle accompagne les futures mères à l’hôpital pour une prise de sang et un examen prénatal : “Si l’accouchement est proche, nous les aidons à accoucher à l’hôpital. Nous leur fournissons les médicaments et réglons les frais d’hospitalisation.” Le bébé est alimenté avec le lait fourni par l’association parce que le virus peut être transmis par le lait maternel. “Après la naissance, je fais une visite de contrôle à domicile. En bavardant avec ces femmes, j’essaie de partager leurs difficultés de mères et de femmes contaminées ajoute-t-elle. Elle décrit leur vie : seules, dans des pièces exiguës, veuves pour beaucoup parce que le mari est déjà mort du sida ou abandonnées parce les maris ont découvert qu’elles étaient sidéennes. “Elles sont aussi tenues à l’écart par leur famille, leur parenté et leurs voisines. Elles se sentent abandonnées, sans espoir. J’essaie de rester près d’elles le plus longtemps possible. Elles ont un besoin tragique d’être réconfortées tant leur situation est difficile à assumer et les rend misérables confie encore Millena qui reconnaît l’importance pour elle-même d’une telle expérience, “même si c’est difficile à assumer et que cela exige un grand effort physique et émotionnel. Comme missionnaire, c’est ma façon de partager les souffrances du Christ, une expérience qui donne du sens à ma vie et l’inspire”.

L’agence onusienne UNAids rapporte que, bien que le Cambodge soit le pays d’Asie à la plus forte proportion d’adultes contaminés par le virus du sida, le pourcentage de femmes enceintes contaminées en milieu urbain est tombé de 3,2 % en 1996 à 2,8 % en 2002. D’après les comptes-rendus de cette même UNAids publiés en 2002, au Cambodge, à la fin de l’année 2001, le nombre des personnes atteintes du virus du sida et d’infections sexuellement transmissibles était de 74 000 femmes et de 12 000 enfants. On estime à 12 000 le nombre d’adultes et d’enfants morts du sida cette année là. On estime également qu’à la fin de cette même année, 55 000 jeunes Cambodgiens de moins de 15 ans étaient orphelins d’un ou de leur deux parents.