Eglises d'Asie

L’évêque catholique “officiel” de Pékin a critiqué l’action de son homologue de Hongkong, déclarant qu’il ne souhaitait pas que celle-ci complique les relations entre le Vatican et la Chine

Publié le 18/03/2010




Sans le nommer, l’évêque “officiel” du diocèse catholique de Pékin, Mgr Michael Fu Tieshan, a critiqué l’évêque de Hongkong, Mgr Joseph Zen Ze-kiun. Le 28 juillet dernier, recevant le cardinal Theodore McCarrick, archevêque de Washington, en visite privée en Chine (1), Mgr Michael Fu a en effet déclaré que quelqu’un dans l’Eglise de Hongkong s’était éloigné des “principes de comportement” de l’Eglise universelle, perturbant la stabilité de la société hongkongaise et entamant l’image de l’Eglise en Chine. L’évêque de Pékin a ajouté qu’en tant qu’évêque en Chine, il ne souhaitait pas voir des complications surgir dans les relations sino-vaticanes du fait “des paroles et des actes inappropriés de quelqu’un”. Les propos de l’évêque “officiel”, tenus dans le Grand hall du peuple à Pékin, ont été répercutés par l’agence de presse chinoise Xinhua News et, pour les médias de Hongkong comme pour les catholiques hongkongais, il était clair que les propos de Mgr Michael Fu visaient Mgr Joseph Zen, une des voix critiques les plus virulentes à l’égard de la politique menée dans la Région administrative spéciale par l’équipe dirigée par Tung Chee-hwa.

Trois jours auparavant, le 25 juillet, le China Daily, journal anglophone où s’exprime la ligne officielle du pouvoir à l’adresse des étrangers, avait imprimé un article titré : “Des responsables catholiques délaissent l’autel pour la scène politique accusant nommément Mgr Zen d’attiser les sentiments anti-gouvernementaux. Citant les prises de position de l’évêque de Hongkong sur les dossiers relatifs au regroupement familial (2) et à la législation sur la sécurité nationale (3), le quotidien chinois critiquait le prélat, lui reprochant de “se mêler de tout” dans la sphère politique.

Interrogé le 25 juillet à Hongkong au sujet de cet article, Mgr Joseph Zen a déclaré qu’il n’y avait là “rien de nouveau” et que ses prises de position sur la politique menée par les autorités gouvernementales hongkongaises étaient seulement motivées “par sa conscience et par le souci de défendre les droits de l’homme”. Selon Sour Beatrice Leung Kit-fun, professeur de sciences politiques et de sociologie à l’université Lingnan de Hongkong, les attaques dont Mgr Zen fait l’objet trahissent l’inquiétude des dirigeants chinois devant “l’autorité morale” de l’Eglise catholique et son rôle dans la mobilisation en faveur de la démocratie à Hongkong, moins d’un mois après la manifes-tation monstre qui a forcé l’exécutif hongkongais à retirer son projet de loi sur la sécurité nationale (4). Pékin souhaite que l’Eglise se tienne à l’écart du mouvement démocratique de façon à affaiblir ce dernier, a expliqué Sour Leung, rappelant qu’en mars dernier déjà, Mgr Michael Fu, interrogé sur les déclarations de Mgr Zen au sujet de la loi sur la sécurité nationale, avait déclaré que tout un chacun devait “rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu” (5).

Interrogé par l’agence Ucanews le 29 juillet, Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques de Chine, s’est refusé à commenter la position de Mgr Zen, qualifiée par lui d’“anti-communiste”. Il s’est contenté de déclarer que la grande majorité des non-catholiques en Chine n’est pas à même de distinguer si Mgr Zen s’exprime en son nom propre ou au nom de l’Eglise, nombreux étant ceux qui pensent qu’il parle avec l’aval du Vatican. Tout en affirmant que les relations entre l’Eglise de Hongkong et l’Eglise de Chine n’avaient jusqu’ici pas souffert des prises de position de Mgr Zen, il a ajouté que “les relations entre la Chine et le Vatican en seraient certainement affec-tées”. Pour Kwun Ping-hung, observateur hongkongais de l’Eglise en Chine, les prises de position de Mgr Zen n’auront pas nécessairement d’impact tangible sur les relations entre le Saint-Siège et Pékin mais pourront être mises en avant par les autorités chinoises pour expliquer leur stagnation.