Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er juillet au 30 août 2003
Publié le 18/03/2010
Période électorale
Malgré des déficiences encore sérieuses dans le processus électoral, on peut constater un réel progrès durant la période électorale par rapport aux élections précédentes. Ce progrès est constaté par l’ensemble des observateurs nationaux et internationaux. On peut noter, notamment, une légère amélioration dans l’accès des partis aux médias, qui restent encore, dans leur quasi-totalité, entre les mains du PPC (Parti du Peuple Cambodgien).
Le ministère de l’Information somme Radio Abeille, du courageux Môm Sonando, de cesser la rediffusion des émissions de Free Asia et de la Voix de l’Amérique. Cependant, fort d’appuis nationaux et internationaux, celui-ci obtient gain de cause et continue les rediffusions. Le matériel nécessaire pour augmenter son rayon d’émission reste néanmoins bloqué à la douane. Il ne sera disponible que deux jours avant le scrutin. Sa radio vient au deuxième rang d’écoute à Phnom Penh. La radio recevra à nouveau l’ordre de cesser toute rediffusion des radios américaines après la période électorale.
Sam Rainsy se plaint que, lors d’une émission télévisée, les images le concernant aient été moins bonnes que celles du PPC et menace de bouder les prochaines émissions. Suite aux explications concernant des déficiences d’ordre technique, il accepte de poursuivre sa participation.
Le ministère de l’Information voudrait fermer la radio Ta Prom, qui ne diffuse que de la propagande pro-Funcinpec. Son directeur se défend en affirmant que les autres partis refusent de lui acheter des espaces pour diffuser leurs programmes et que, d’autre part, c’est ce parti qui le paie.
Après le scrutin, COMFREL, association de surveillance du processus électoral, saluera les « améliorations en particulier le « programme d’équité » mis en place en collaboration avec le PNUD, mais dénoncera la situation, encore « loin d’être satisfaisante
Malgré les menaces du ministère de l’Information, le CNE (Comité National Electoral) a tenu à maintenir aux radios une certaine autonomie.
Les hommes politiques ne sont pas habitués à la critique et aux invectives, parfois virulentes, de leurs opposants durant la campagne électorale où les accusations, les médisances et les calomnies sont monnaie courante.
Le PSR (Parti Sam Rainsy) et le FUNCINPEC (Front Uni National pour un Cambodge Indépendant Neutre, Prospère et Coopératif) se déchirent, le FUNCINPEC attaquant violemment le PPC, son allié dans le gouvernement de coalition. On apprend que leurs deux présidents sont responsables du contrat, pour le moins discutable, de rénovation du Stade olympique de Phnom Penh. Quelques jours avant le scrutin, la princesse Vachéara, membre du FUNCINPEC, accuse publiquement des responsables de son parti de corruption.
Marie Ranariddh, épouse du président du FUNCINPEC, est accusée d’avoir détourné 300 000 dollars appartenant à la Croix-Rouge cambodgienne (CRC) durant sa présidence. On accuse également Bun Rany, épouse de Hun Sen et actuelle présidente de la CRC, d’un détournement de la même somme depuis 1998.
Le comble du ridicule est sans doute la candidature de Norodom Rattana Devi, fille de Ranariddh, comme candidate du FUNCINPEC à Kratié : élevée en France, la princesse ne parle pas khmer et visiblement n’est pas armée pour mener un tel combat politique.
Cinq forums publics avec discussion entre représentants des partis sont organisés en province par le Centre pour le Développement Social (CDS). Le PPC refuse d’y participer, sa culture politique restant très marquée par le communisme où l’on a peur de la discussion libre.
La question des ressortissants vietnamiens, en principe résolue par la loi, continue à être un argument de propagande au service des partis. En dépit de l’accusation de racisme par certains journalistes occidentaux, Sam Rainsy est sans doute le politicien le plus sérieux sur la question, et propose de régler le problème de l’immigration par la loi (l’une de ses 100 propositions). Ranariddh propose purement et simplement l’expulsion des Vietnamiens. Le PPC minimise excessivement la présence vietnamienne, et favorise un racisme latent par son laissez-faire en matière d’immigration et l’utilisation des résidents vietnamiens pour régler les conflits. Sak Kheng, vice-ministre de l’Intérieur, estime le nombre des ressortissants vietnamiens à 100 000, Sam Rainsy à 1 million. Une estimation raisonnable tournerait autour de 400 000, mais l’influence vietnamienne sur la vie politique et économique du pays est un fait indéniable. Un certain nombre de ressortissants vietnamiens sont nés au Cambodge et peuvent donc être considérés comme Cambodgiens. La majorité, cependant, est arrivée durant les dernières années, clandestinement, les fonctionnaires corrompus leur accordant de fausses identités.
Irrégularités et intimidations politiques
On dénombre une infinité de petites irrégularités durant la campagne électorale, allant de la suppression des insignes des partis opposés au pouvoir à la pollution d’un puits avec des pesticides, à l’obligation faite aux villageois de boire de l’eau du serment en présence de moines avec obligation morale de voter en faveur du PPC (le 21 juillet, Sam Rainsy procède à une cérémonie de désacralisation, libérant ceux qui ont émis un tel vou), à l’obligation faite aux villageois d’apposer leurs empreintes digitales sur un certain nombre de documents, au ramassage des cartes d’électeurs par le PPC, au relevé des numéros de cartes (ce qui permettra de faire voter des non-inscrits), à de nombreux cas d’intimidation par menaces verbales, voire physiques, dons, achats de votes, ingérence des chefs de villages, etc.
Dans la province de Mondolkiri, le riz est plus important que les élections, les gens votent pour le parti qui les nourrit. Le gouverneur lui-même avertit que les fonctionnaires qui ne voteraient pas en faveur du PPC risquaient de « perdre leur poste ou avoir un accident Des artistes loués par le FUNCINPEC pour jouer des sketches anti-PPC sont renvoyés de la télévision.
De nombreuses mesures démagogiques sont prises par le pouvoir en place : le 14 juillet, Hun Sen autorise 10 000 squatters de la cité sportive à s’y installer définitivement, alors qu’un projet prévoyait de les déplacer hors de la ville. D’autres autorisations de construction sont accordées en dépit du bon sens : « Ils veulent acheter des voix, dix jours avant les élections dit à juste titre un observateur.
A Phnom Penh, une personne très active et distribuant de nombreuses aides venant de l’étranger a la surprise de voir son nom figurer dans le comité de quartier du PPC. On lui propose ensuite 25 dollars pour qu’elle laisse son nom. A Païlin, on promet de donner 500 baths (environ 12 dollars) aux gens qui voteront PPC. Ailleurs, c’est 3 000 riels (0,75 dollars)… Mais les promesses électorales ne seront pas tenues, engendrant la colère de ceux qui se sont laissés acheter…
Le PSR promet d’accorder aux dénonciateurs de tricheries électo-rales le double de ce qu’on leur propose : « Si l’on a proposé aux agents électoraux 100 dollars pour tenter de les soudoyer, nous en donnerons 200. Un électeur affirmant qu’on a tenté d’acheter sa voix touchera 25 dollars. Tout membre du PPC qui fournira l’évidence de falsification de votes recevra 10 000 dollars
Certains membres du PSR acceptent de prendre contact avec le PPC en vue de la formation d’un prochain gouvernement, mais Sam Rainsy affirme qu’il coopérera avec le PPC, à la condition expresse qu’Hun Sen ne soit pas désigné comme Premier ministre.
Il est à noter que ces pratiques ne sont pas propres au Cambodge actuel, mais qu’elles sont habituelles en Thaïlande, aux Philippines ou ailleurs. Même du temps mythique du prince Sihanouk, la pratique n’était guère différente.
Plusieurs groupes d’observateurs, dont ceux de l’Union européenne, demandent avec insistance que les responsables locaux, notamment les chefs de villages, presque tous PPC, cessent de profiter de leur position pour faire de la propagande pour leur parti. Le 22 juillet, le ministre de l’Intérieur ordonne aux chefs de villages et à leurs adjoints de cesser de se comporter en agents du PPC.
Le PSR dépose 58 plaintes et le FUNCINPEC 200 auprès des autorités électorales mais, de l’aveu du porte-parole du PSR, « la plupart des plaintes ont été résolues de manière favorable par le CNE Le 23 juillet, par contre, le CNE juge « irrecevables » trois plaintes émanant du PSR et du FUNCINPEC à qui l’on avait interdit l’entrée dans les marchés de Phnom Penh pour y faire de la propagande. Le parti « Chakrapong de l’âme khmère » a pour sa part, déposé vingt plaintes, mais n’a obtenu aucune réponse.
Le 15 juillet, le NIFEC, une association locale de surveillance des élections, porte plainte devant le CNE après avoir découvert que 700 personnes ont été enregistrées sur les listes électorales de Battambang et de Koh Kong sans y être domiciliées. Ces personnes auraient déménagé sans avertir les autorités qui n’ont procédé à aucune vérification.
Narak Ratanak Vathero, président d’un petit parti, « Inpat Borey » est honoré par ses supporters comme étant Naradipo, fils de Sihanouk, décédé sous le régime des Khmers rouges. Le roi se doit de faire une mise au point.
Bien que la violence ait diminué par rapport aux élections de 1998, le COMFREL dénombre 31 assassinats d’hommes politiques durant les huit mois qui ont précédé les élections : 11 étaient membres du PPC, 11 du PSR, 9 du FUNCINPEC. L’association déplore également « 23 cas de menaces sérieuses et d’intimidations Aussi les deux principales associations cambodgiennes de surveillance du processus électoral se refusent de qualifier les élections de « justes et équitables Selon le gouvernement, ces assassinats sont des crimes crapuleux ou des vengeances familiales. Peu d’enquêtes ont été menées, peu de fauteurs arrêtés.
Après le scrutin, on dénombrera 44 cas de violence liés au contexte politique, allant jusqu’à l’assassinat de conjoint d’un parti différent.
Chéa Vichéa, secrétaire du SIORC (Syndicat Indépendant des Ouvriers du Royaume du Cambodge), appelle imprudemment les ouvriers à voter pour Sam Rainsy. Il reçoit des menaces de mort et doit se cacher pendant une quinzaine de jours.
Le roi Sihanouk, rentré de Pékin le 14 juillet, où il était en traitement médical de routine depuis le 3 mai, se met à la disposition des dirigeants politiques pour « prévenir tout désastre « prêt à jouer un rôle au cas où on le lui demanderait Il invite les responsables politiques à une « soirée » au palais royal, le 24 juillet, où l’on parlera de tout, sauf de politique.
Tant Sam Rainsy que Ranariddh affirment, avant le scrutin, en rejeter les résultats. Un important dispositif, dont trente chiens policiers, est donc mis en place par le gouvernement pour éviter la tenue de manifestations lors de la proclamation des résultats officiels. Deux millions de dollars sont affectés à la sécurité.
Les élections
Le 27 juillet, les élections se sont globalement bien passées. Le taux de participation est de 83 %, soit 10 % de moins qu’en 1998. Une grenade explose devant le siège du FUNCINPEC à Phnom Penh, sans faire de victimes, deux autres sont lancées, visiblement par des gens inexpérimentés, devant le palais royal, mais n’explosent pas. Au sud de Phnom Penh, à Kieng Svay, des Cambodgiens empêchent 146 Vietnamiens de voter. La police anti-émeute intervient sans toutefois arrêter qui que ce soit. Quelques bureaux de vote ont dû être déplacés précipitamment en raison d’inondations, ce qui a empêché certains électeurs de voter.
L’équipe européenne se déclare « légèrement inquiète » de la procédure de vote, en certains endroits, les chefs de village se tenant près des bureaux de vote, contrairement à la législation. COMFREL et NIFEC se disent satisfaites de la tenue des élections, même si elles relèvent un certain nombre d’irrégularités : longues files d’attente, difficulté pour les électeurs de trouver leur nom sur les listes, déplacements impromptus des bureaux de vote, certains chefs d’entreprises n’ont pas donné le congé nécessaire pour le déplacement des ouvriers électeurs, certains chefs de pagode ont empêché les moines de voter, etc.
Les délégations étrangères portent également un avis favorable sur le déroulement du scrutin, même si elles relèvent la plupart des irrégularités notées plus haut. Même le Département d’Etat américain se déclare satisfait.
Dès le 28 juillet, le PPC annonce sa victoire avec 53,31 % en 196 communes, ce qui lui donnerait 73 sièges à l’Assemblée nationale, suivi du FUNCINPEC avec 19,67 % et du PSR avec 17,57 %. Les deux autres principaux partis s’insurgent et proclament leurs propres résultats. Ils accusent le PPC de diffuser ces résultats – qui lui sont favorables – pour démobiliser la surveillance.
Une bataille de chiffres s’engage jusqu’à la proclamation officielle des résultats, le 7 août : le PPC récolte 47,35 % des suffrages exprimés, le PSR 21,87 %, le FUNCINPEC 20,75 %. 10 % des suffrages se sont éparpillés entre les vingt autres petits partis, « pauvres petits partis politiques khmers s’exclame le roi Sihanouk. Pour éviter toute contestation, le nombre des députés de chaque parti sera fixé officiellement le 6 septembre, après l’examen des plaintes par le CNE et le Conseil constitutionnel. Dès la proclamation de ces résultats, on peut estimer le nombre de députés PPC à 73, sur les 123 que comprend la chambre, ceux du FUNCINPEC à 26, et ceux du PSR à 24.
Le FUNCINPEC paie ses dix années de coalition avec le PPC. « C’est un parti sans idéal, qui ne fait que suivre le PPC commente le président de COMFREL. Le PSR est vainqueur à Phnom Penh et dans les villes, là où les gens sont assurés du minimum vital et où ils ont bénéficié d’une certaine éducation civile et politique. Le PPC est le grand vainqueur des zones paysannes, dont il a acheté les électeurs par ses dons, et qu’il maintient sciemment dans l’ignorance.
Le 6 août, à la veille de la déclaration officielle des résultats des élections par le CNE, les deux partis de l’opposition rejettent officiellement les résultats du scrutin. Tous deux invitent la population au calme, du moins pour le moment, avant l’examen des plaintes.
Un climat de peur s’installe à Phnom Penh. La population craint des troubles semblables à ceux qui ont suivi les élections de 1998. Les ouvriers des usines textiles demandent à toucher leur salaire pour fuir chez eux en cas de crise. Le PPC aurait recruté des gros bras venant de la campagne, dont un certain nombre de Vietnamiens, pour venir rétablir l’ordre en cas de troubles. Des « contrôles » nombreux sont installés sur les routes par l’armée et la police, en principe pour empêcher la population des campagnes de converger vers Phnom Penh. C’est une bonne affaire pour les militaires et policiers pour arrondir leurs fins de mois. Deux associations de défense des droits de l’homme au Cambodge révèlent des violations dans le droit fondamental de se déplacer.
Bataille pour la formation d’un gouvernement
Selon la Constitution concoctée par l’APRONUC en 1993, le roi nomme le Premier ministre et le Conseil des ministres ; la nouvelle Assemblée nationale doit se réunir dans les soixante jours qui suivent le scrutin pour approuver le nouveau gouvernement, par 75 % des 123 députés. Le PPC dispose de 73 voix. Il en a besoin de 82 et doit donc négocier le soutien des deux autres partis.
Cet article de la Constitution visait à obliger les différents partis à collaborer, après la longue période de dictatures successives. Il semble actuellement bloquer tout processus démocratique. Certains membres du PPC envisagent de le modifier.
Le 29 juillet, les chefs du PSR et du FUNCINPEC tiennent une conférence de presse dans laquelle ils déclarent leur volonté de former « un front uni » pour mieux contester les résultats des élections.
Le 30 juillet, les membres du FUNCINPEC ministres du gouvernement de coalition auraient décidé de quitter leurs postes. Hun Sen menace de leur retirer leur salaire et tous les avantages en nature dont ils bénéficient, et de les remplacer par leurs secrétaires d’Etat, membres du PPC. Hun Sen fait prendre secrètement contact avec eux, et essaye de les acheter. Ranaridhh se plaint de ces tractations qui se passent à son insu, et estime que les ministres devraient démissionner. Hun Sen estime que le refus du FUNCINPEC de collaborer avec lui équivaudrait à un suicide.
Ranariddh lance un appel à la radio pour inviter ses sympathisants à ne pas céder aux appels à la violence, même si le FUNCINPEC a été victime « d’injustices Le 30 juillet, Hun Sen affirme qu’il restera Premier ministre, en dépit de l’opposition des deux autres partis.
– Le même jour, Sam Rainsy, propose la formation d’un gouvernement de coalition entre les trois partis vainqueurs : Chéa Sim, secrétaire général du PPC, deviendrait Premier ministre ; Hun Sen, président de l’Assemblée nationale ; Ranariddh, président du Sénat, et donc chef de l’Etat en l’absence du roi Sihanouk ; il s’attribue à lui-même la place de Vice-Premier ministre. Heng Samrin, président honoraire du PPC, réagit à une telle proposition et soutient la candidature de Hun Sen : « Sam Rainsy n’est pas en position de pouvoir marchander, nous sommes le parti vainqueur, c’est à nous de choisir le Premier ministre ! dit-il non sans raison. Hun Sen refuse également cette coalition à trois.
– Le 4 août, le FUNCINPEC propose un gouvernement de coalition dans laquelle le Premier ministre ne serait pas issu des partis. Sam Rainsy se rallie à cette proposition.
– Le 8 août, le roi Sihanouk, dans un message écrit, évoque une solution pour éviter une crise. Il n’exprime que « l’humble opinion d’un citoyen khmer » : ébahi par la « naïveté » des présidents des deux partis vaincus qui veulent évincer Hun Sen, il propose Hun Sen comme Premier ministre, Chéa Sim comme président du Sénat, Heng Samrin, président de l’Assemblée nationale, et éventuellement Sam Rainsy ou Sirivuddh comme Vice-Premier ministre. « De même que l’on ne peut pas faire disparaître le soleil et la lune dans le ciel ,… on ne peut pas ne pas reconnaître le rôle dominant de Samdech Hun Sen (notre soleil) et celui du PPC (notre lune) écrit le roi.
Le 5 août, Ranariddh déclare qu’il ne tient pas à demeurer président de l’Assemblée nationale et qu’il ne brigue aucun poste gouvernemental. Il se contentera de son siège de député pour faire connaître ses idées. Il reste président du FUNCINPEC, mais transfère tous ses pouvoirs sur les ministres de son parti à Sirivuddh, son oncle.
Le roi analyse les raisons de « la déconfiture humiliante et honteuse du FUNCINPEC, soi-disant royaliste »… « ce Waterloo du FUNCINPEC qui avait connu son Austerlitz en 1993 et son Trafalgar en 1998″… « L’Austerlitz » de 1993 était dû à « la fidélité affectueuse à Norodom Sihanouk La défaite de « Trafalgar » s’explique par la déception de beaucoup qui avaient attendu en vain « le retour de leur bien-aimé Samdech Papa ». « La défaite mortelle de Waterloo » est due au fait que le FUNCINPEC s’est comporté en « valet » docile du PPC, aux virulentes attaques contre Hun Sen, et aux promesses ultra-démagogiques du président du parti. Les « ex-supporters » n’aiment pas qu’on les « prenne pour des idiots Il affirme d’autre part que « le FUNCINPEC, leaders et cadres, est très corrompu Il traite Norodom Vachéara de « Robespierre elle qui, deux jours avant le scrutin, avait affirmé que « la plupart des ministres et cadres du FUNCINPEC sont archi-corrompus, et le président du parti un incapable Il pense qu’« après Sihanouk il n’y aura plus de monarchie au Cambodge.
Quelques jours plus tard, le roi présente ses « humbles excuses » à son fils, en français : « Papa est impardonnable. Avec mon âge et mon expérience des choses de la vie, je n’aurais jamais dû écrire de tels textes écrit le monarque. Ranariddh le remercie.
Le 11 août, le « Conseil de surveillance du Cambodge regroupant cinq associations et syndicats proches de l’opposition, considère que les élections n’ont été ni justes ni équitables. Il refuse les résultats du scrutin et appelle au remplacement de Hun Sen par Chéa Sim. Le conseil appellera à descendre dans la rue pour contester les résultats des élections. Il a tout prévu : des masques à gaz pour se protéger des gaz lacrymogènes, du poivre pour repousser les chiens… De leur côté, « les Enfants de la pagode groupe de type fasciste au service du PPC, menace de se lancer dans une contre-manifestation.
Le 15 août, se tient la première réunion du Conseil des ministres depuis les élections. Les ministres FUNCINPEC sont absents, mais se font remplacer par leur vice-ministre PPC. Malgré ses menaces, Hun Sen, bon prince, se déclare satisfait de la solution trouvée, la Constitution étant sauve.
Le 23 août, le FUNCINPEC et le PSR signent la chartre en dix points, de « l’alliance des démocrates » qui pourraient se résumer par le devoir de consultation mutuelle avant toute décision. Ils s’engagent à entrer ensemble dans le gouvernement, ou à rester ensemble dans l’opposition. Ranariddh en est le président, Sam Rainsy premier vice-président, Sirivuddh, second vice-président. Ou Bunlong secrétaire général, assisté de Ly Thuch et de Saumura Thioulong. Quatre bureaux sont déjà établis : relations publiques, information, ressources humaines, défense de la démocratie, coopération entre les deux partis. L’alliance considère qu’elle dispose d’un pouvoir de négociation plus fort, et campe dans son refus de la candidature de Hun Sen comme Premier ministre.
La formation de cette alliance suscite l’ironie du PPC, qui considère les deux partis comme « l’eau et l’huile « Le FUNCINPEC risque d’y perdre son identité et le PSR sa dignité… Le PSR finira par avaler le FUNCINPEC dit Om Yentieng, conseiller de Hun Sen. Ce dernier refuse de négocier avec l’alliance, qui ne figurait pas sur les bulletins de vote. Il n’existe donc aucune raison légale ni politique de négocier avec elle. Il réitère son opposition au gouvernement de coalition à trois, exclut toute coopération avec le PSR mais n’exclut pas une coalition avec le FUNCINPEC, si ce parti « ne nous prend pas en otage en posant des conditions trop élevées dit le Premier ministre.
Sam Rainsy et Ranariddh envisagent de se rendre ensemble en Europe et aux Etats-Unis au début du mois de septembre pour y solliciter des soutiens à leur nouvelle alliance : « Nous voulons montrer que les démocrates cambodgiens se réunissent pour faire barrage aux dangers qui guettent le pays. » Ils arguent du fait que le PPC n’a recueilli que 47 % des suffrages et donc que 53 % de la population a montré une volonté de changement en ne votant pas pour lui. Son Chhay, ténor du PSR, déplore que « les politiciens khmers cherchent toujours des soutiens à l’étranger sans essayer de résoudre seuls leurs problèmes Thung Saray, président de ADHOC et de COMFREL, fait la même réflexion. Om Yentieng, conseiller de Hun Sen, voit dans ces démarches une « atteinte à la démocratie
Le 12 août, Sam Rainsy se rend à Singapour, puis en Thaïlande. Mais le 13, les autorités thaïlandaises lui interdisent l’entrée sur leur sol, de peur d’« endommager les relations bilatérales entre le Cambodge et la Thaïlande L’interdiction semble émaner directement du Premier ministre thaïlandais.
Selon le porte-parole du FUNCINPEC, les ambassadeurs japonais et américain expriment leur souhait que les trois partis vainqueurs trouvent un terrain d’entente pour former le prochain gouvernement. Ranariddh, toujours aussi diplomate, leur lance des piques virulentes. Son Chhay, député du PSR, demande à des diplomates européens, d’intervenir auprès de Sihanouk pour dénouer la situation. Le roi répond qu’il n’interviendra qu’à la demande écrite des trois partis qui devront, pour cela, signer une lettre commune. Le 27 août, Sam Rainsy propose des négociations avec le PPC en vue de la formation du nouveau gouvernement avant la convocation des députés afin de trouver un compromis. Hun Sen, pour sa part, déclare que les tractations commenceront une fois l’Assemblée réunie.
Plaintes
Le 6 août, Ranariddh annonce qu’il va déposer une plainte devant le Conseil constitutionnel (CC) contre le CNE auquel il reproche sa partialité. Le Conseil constitutionnel doit rendre son avis dans les vingt jours. Le 25 août, le CC se déclare incompétent pour juger la plainte du FUNCINPEC contre la CNE. Les six avocats du FUNCINPEC quittent la salle au bout de quelques minutes, prétextant que le CC n’a pas observé les procédures normales.
Avant même le verdict du CC, quarante-cinq députés de la nouvelle « alliance démocrate » soumettent une pétition au président de l’Assemblée nationale (dont le mandat prend fin officiellement le 24 septembre), lui demandant de convoquer une session extraordinaire pour y entendre les représentants du CNE accusés de partialité.
Le 15 août, dans un communiqué, le NIFEC recense de nombreux cas de menaces et de litiges dans sept provinces, avec un « niveau tou-jours alarmant d’intimidation Plusieurs militants du PSR ou du FUNCINPEC sont menacés de représailles. L’association recense 21 bureaux de vote où les résultats sont contestés. Le FUNCINPEC dénonce plusieurs cas de fonctionnaires licenciés à la suite des élections. Le 19 août, des observateurs indépendants indiquent que des agents locaux du PPC ont entrepris de recueillir des empreintes digitales de villageois dans certaines provinces, et d’en dresser la liste, afin d’affirmer la victoire du PPC et leur soutien populaire à Hun Sen. ADHOC confirme le fait. Cette pétition, sans intitulé, est présentée comme une demande de construction de routes, de puits. Une pression est également exercée sur les enseignants : distribution de T-shirts siglés PPC, invitation à soutenir le PPC, interdiction de manifester pour les partis oppposés, obligation de signer des pétitions pro-PPC, etc. Selon Rong Chum, président de l’AlEC (Association Libre des Enseignants du Cambodge), les pressions ont commencé « dès le surlendemain du scrutin Des syndicalistes affirment avoir été contactés pour ne pas s’associer aux manifestations prévues par le Conseil de surveillance. On aurait promis 100 dollars aux syndicalistes, 4 à 7 dollars aux ouvriers.
Les professeurs pro-PPC sont choisis pour corriger les épreuves du baccalauréat et bénéficient de 50 dollars. Le ministère de l’Education nie et accuse d’autre part le FUNCINPEC d’avoir la mainmise sur le choix des athlètes pour les compétitions sportives.
Hon Sun Huot, ministre de la Santé (FUNCINPEC), et Nuth Sokhom, vice-président de l’Autorité nationale de lutte contre le sida (ANS), sont démis de leurs fonctions dans l’ANS et remplacés par des membres du PPC.
Le PSR demande un recomptage des voix dans la capitale et dans trois provinces où de légères différences apparaissent entre les comptages officiels et ceux du PSR. Selon ses comptes, il pourrait gagner quatre sièges supplémentaires à l’Assemblée nationale. Le 1er août, Sam Rainsy menace de monter « des manifestations plus importantes qu’en 1998 » si ses plaintes sont rejetées.
Il n’a manqué que 475 voix au PSR pour remporter un siège à Kompong Thom, environ un millier à Bantéay Méan Chey et une centaine à Svay Rieng. « Dans tous les pays démocratiques du monde, lorsqu’il y a une si faible différence, on exige un recomptage argumente Sam Rainsy. Il n’y a rien dans la loi qui exige un nouveau décompte, répond le CC.
Le 4 août, le CNE déboute les plaintes du PSR concernant la commune de Poïpet, où le taux de participation ne s’est élevé qu’à 45,3 %, et qui ont donné 7 220 voix au PPC et 6 670 au PSR.
Le 5 août, le CNE reconnaît quelques erreurs dans le comptage des voix de 14 communes dans la province de Svay Rieng, mais juge inutile un nouveau dépouillement. Six plaintes déposées par le PSR concernant la province de Siemréap sont également rejetées. Le FUNCINPEC et le PSR crient à « la parodie de justice
Le 27 août, le CNE donne son bilan en matière de résolution des litiges : de l’enregistrement des électeurs à la publication des résultats, il a traité 2 293 plaintes, dont 1 238 déposées par le PSR, 189 par le FUNCINPEC, 88 par le PPC. Il lui reste 27 plaintes à examiner.
SAGA DU TRIBUNAL DEVANT JUGER LES EX-DIRIGEANTS KHMERS ROUGES
Les députés étant trop occupés par la campagne électorale, l’adoption des accords passés entre le gouvernement cambodgien et l’ONU concernant l’établissement d’un tribunal « à caractère international » pour juger les ex-responsables Khmers rouges devra attendre la prochaine législature.
Le 23 juillet, le roi Sihanouk annonce dans un communiqué qu’il « ne s’abaissera pas » à aller témoigner devant les chambres extra-ordinaires créées par l’ONU et le gouvernement de Phnom Penh. Il met en doute la crédibilité de l’ONU et du gouvernement à mettre en place un tel tribunal, qu’il qualifie « d’abjecte comédie Il reproche aux Etats-Unis d’avoir soutenu Pol Pot après 1979. Il propose qu’une justice plus crédible le juge à La Haye. Selon le roi, un chercheur a l’intention de publier le journal de la reine sur le voyage effectué en 1973 dans les zones khmères rouges. A ce moment-là, « nous n’avions absolument aucune connaissance des horreurs du régime de Pol Pot écrit le roi. Il voit dans cette parution une tentative des Etats-Unis pour le discréditer devant l’Histoire. Le roi accorde toutefois 2 000 dollars au Centre de documentation du Cambodge (CDC).
Le CDC a déjà réuni 600 000 pages d’archives et de témoignages, progressivement traduits en anglais. Ces documents peuvent être consultés de l’étranger par Internet.
Le 16 juillet, le roi annonce qu’il veut se retirer de la présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) en vertu du principe que le roi règne mais ne gouverne pas. En réalité, il ne veut pas être tenu pour responsable des faiblesses du système judiciaire cambodgien et du tribunal devant juger les ex-dirigeants Khmers rouges.
Khieu Ponnary, première épouse de Pol Pot, décède le 1er juillet, à l’âge de 83 ans, à Païlin. Tous les dignitaires de l’ex-régime du Kampuchéa Démocratique lui rendent hommage lors de funérailles publiques à Païlin. On la décrit volontiers comme une « idéologue pure et dure qui dirigea à partir de 1973, aux côtés de Ké Pauk, tueur avéré, la région de Kompong Thom (région 31). Elle avait perdu la raison depuis plusieurs années. Sihanouk s’en souvient comme d’une amie d’enfance, avec laquelle il avait lié des « relations fraternelles
Le 4 août, le roi Sihanouk réitère en termes cinglants ses doutes concernant le tribunal devant juger les ex-responsables Khmers rouges, reprenant point par point les arguments International et de Human Rights Watch. Il dénonce le système « archi-corrompu, incompétent » du système judiciaire cambodgien qui symbolise l’injustice et qui n’est pas indépendant du gouvernement.
Le projet de budget national pour 2004 prévoit 7 millions de dollars pour le tribunal. Selon l’ONU, ce jugement pourrait durer trois ans et coûter 19 millions de dollars. Le Japon, l’Inde, la France, la Grande-Bretagne, la Russie et les Etats-Unis ont déjà fait part de leur intention de participer à ce financement.
ECONOMIE
A la demande du ministère du Commerce, et dans la perspective de l’entrée du Cambodge dans l’OMC, la Banque mondiale établit un rapport sur l’économie du Cambodge : « Vers une stratégie de croissance dominée par le secteur privé au Cambodge Cette enquête, réalisée auprès de 502 entreprises, souligne les espoirs et les difficultés de l’économie cambodgienne minée par la corruption ainsi que par le coût et la mauvaise qualité des infrastructures.
Agriculture
Officiellement, l’agriculture constitue 36 % du PNB et l’industrie textile seulement 12,7 %. Le riz couvre 90 % des surfaces cultivées. En 2001, 60 000 tonnes de riz ont été enregistrées à l’exportation, esti-mée à 450 000 par la BM. Le coût de la production de riz est 40 % plus cher qu’en Thaïlande. Les frais portuaires d’exportation sont 24 fois plus élevés que ceux pratiqués en Birmanie. Les paysans cambodgiens continuent à utiliser des pesticides interdits depuis 1998.
Dans les provinces de Païlin, Pursat et Kompong Speu, les pluies sont particulièrement faibles. Ailleurs, on signale des conditions climatiques normales. Le niveau du Mékong est à 1,5 à 3 m. au-dessous de son niveau habituel, ce qui compromet la reproduction du poisson et la culture du riz flottant. Selon le responsable de la Commission du Mékong, la différence de niveaux entre la saison sèche et la saison des pluies tend à se réduire, à cause de la multiplication de petits barrages d’irrigation construits le long du fleuve.
Le prix du poivre cambodgien a baissé de 4 dollars les années passées à 1,5 dollars cette année. Le Cambodge en produit 8 000 tonnes par an (dont 80 % sont exportées au Vietnam et 20 % consommées localement).
Bois
Le 10 juillet, à l’occasion de la journée nationale du reboisement, Hun Sen se pose en champion de la lutte contre la déforestation : si le gouvernement de Ranariddh, de 1993 à 1997, a procédé à une déforestation massive, son propre gouvernement a reboisé le Cambodge, les forêts passant de 58 à 61 % du territoire. Il a annulé quinze concessions, couvrant trois millions d’hectares. Le chef du département des forêts affirme que depuis 1985, 12 000 hectares de forêts ont été replantés à l’aide de 22 millions de plants distribués à la population.
Or les faits affirment l’inverse :
– En juin, un expert du département des forêts, mandaté par le gouvernement, fait état d’une diminution de 5 à 6 % de la superficie couverte de forêts depuis 1997.
– La Licadho, association de défense des droits de l’homme, fait remarquer que, dans les concessions fermées, ils n’avaient absolument plus rien à couper.
– Le 8 juillet, Peter Leuprech, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’observation des droits de l’homme au Cambodge, fait état d’une « déforestation massive » dans le secteur de Tum Ring (province de Kompong Thom), sous prétexte d’extension de plantations d’hévéas. Comme pour le cas des concessions agricoles, il ne s’agit plus, selon lui, « d’une politique de réduction, mais de promotion de la pauvreté
– Global Witness, même déchargée de sa mission par le gouvernement, entend continuer son travail de surveillance des forêts cambodgiennes. Selon l’association, les délits sont devenus plus discrets et donc plus difficiles à détecter. Fin juillet, l’ONG signale l’installation de scieries clandestines dans les provinces de Kratié, Mondolkiri et Kompong Cham, photographies aériennes et relevés satellites à l’appui. A Snoul, l’ONG signale des grumes près d’un poste de police. A Mondolkiri, les coupes se poursuivent à « grande échelle En juin, l’ONG avait signalé des coupes illégales dans les provinces de Siemréap, Kompong Speu, Pursat, Battambang et près de la frontière laotienne.
Textile
Selon le rapport de la Banque mondiale, l’industrie textile représente 77 % des exportations (1,11 milliard de dollars). Quinze des 196 entreprises produisent plus de la moitié des exportations. Cette industrie est cependant « hautement instable » et vulnérable en raison des variations du marché. Le transport et l’exportation coûtent 4,4 fois plus qu’à Hongkong, 2,8 fois plus qu’en Malaisie, 2,2 fois plus qu’au Sri Lanka. Les frais « officieux » pour l’importation d’un container sont de 245 dollars payés à différents « guichets » de Phnom Penh (douanes, finances), 49,33 à l’organisme de certification, 261,5 à Sihanoukville, principalement pour le ministère des Transports. Délesté de ces charges occultes qui représentent entre 54 et 64 % du coût total des importations, le Cambodge serait compétitif par rapport aux autres concurrents asiatiques.
Les exportations vers les Etats-Unis ont augmenté d’une manière significative durant les derniers mois, en raison du boycott des produits birmans décidé après l’incarcération de Aung Sang Suu Kyi et au flottement constaté au Vietnam depuis le 1er mai, date à laquelle ce pays a perdu son statut de « nation la plus favorisée » pour un système des quotas. Or la Birmanie a exporté vers les Etats-Unis pour 150,4 millions de dollars au 1er semestre 2003 et le Vietnam pour 163 millions durant le premier semestre 2002. Si sept usines ont fermé leurs portes durant l’année écoulée, principalement pour mauvaise gestion, treize nouvelles se sont créées, mais sans création de nouveaux emplois, qui plafonnent à 205 000. Selon le président de l’Association des Industriels de la confection, « le surcroît d’activité a été absorbé par des gains de productivité
Tourisme
Le tourisme a chuté de 10 % entre janvier et avril, suite aux événements du 29 janvier, puis de 6,7 % à cause du SRAS (dont aucun cas n’a été signalé au Cambodge), soit une baisse de 16,89 % durant l’ensemble du premier semestre, représentant un manque à gagner de 32 millions de dollars.
Nagacorp, société qui gère le casino flottant Naga, va devenir la première société cambodgienne cotée en bourse à Singapour. L’an dernier, Nagacorp a généré un chiffre d’affaires de 61,7 millions de dollars pour un profit de 29,9 millions.
INVESTISSEMENTS ET AIDES
En septembre s’ouvrira une usine de production de lait de soja, très riche en protéines, qui fera passer la production actuelle de 300 litres à 12 000 litres par jour, conditionnée sous enveloppe UHT. L’ONG Hagar et Finance Corporation (IFC) financent cette production pour une somme de 450 000 dollars. Hagar, dont la vocation est le secours aux mères abandonnées, envisage de prendre part aux programmes de nourriture scolaire et aux programmes visant notamment à scolariser les filles. L’IFC, qui est la branche financière de Hagar, finance également des projets de développement des petites et moyennes entreprises, notamment des ateliers de soie.
Selon un rapport de la Banque mondiale (BM), près de trois millions de boîtes de lait pasteurisé et 1,3 millions de boîtes de lait concentré seraient vendues chaque mois à Phnom Penh. Cependant, Nestlé a fermé son usine de Phnom Penh pour se contenter de commercialiser ses produits fabriqués en Thaïlande. Si le voyage Bangkok-Poïpet prend six heures, il faut trois jours pour couvrir une distance semblable entre Poïpet et Phnom Penh, avec 8 % de perte pour marchandises endommagées. En outre, cinq à six camions de lait venus de Thaïlande et deux ou trois venant des Philippines et de Malaisie entrent illégalement chaque jour au Cambodge, faisant perdre 500 000 dollars par mois à la société, et en faisant gagner environ 7 000 à chacun des militaires haut gradés qui tiennent les filières de la contrebande. Le manque à gagner du PIB serait de trente millions, l’Etat cambodgien y perdrait trois millions de dollars chaque année.
Selon un rapport de la BM, 20 000 motos neuves et 100 000 d’occasion sont vendues chaque année au Cambodge. Deux unités d’assemblages appartenant aux Japonais Honda et Suzuki sont implantées au Cambodge, où les opérations reviennent à 1,3 et 1,5 fois moins cher qu’au Vietnam. Mais la contrebande « régulière et systématique encouragée par les taxes d’importation exorbitantes, demeurent un frein pour les investisseurs.
Le 4 juillet, la BM décide de réduire son aide dans le programme de démobilisation de 6,3 millions de dollars (12,1 millions au lieu de 18,4), après avoir constaté que le gouvernement a accordé un contrat à une société qui ne correspondait pas aux critères demandés. Le gouvernement devrait rembourser 2,8 millions à la BM.
Les investissements chinois au Cambodge atteignent plus de 300 millions de dollars par an, avec soixante entreprises. Le volume total des échanges annuels entre les deux pays s’élève à 800 millions, soit vingt-et-une fois plus qu’en 1992. Des investisseurs chinois lancent trois fermes d’élevage de macaques dont les bébés sont destinés à l’exportation pour la recherche médicale, au Vietnam et aux Etats-Unis. Ils sont autorisés à acquérir 4 000 macaques à longue queue, pour le prix de dix dollars pièce, pour commencer l’élevage. Ces animaux figurent cependant sur la liste des espèces protégées.
La société d’Etat Camnet est vendue à la société AZ. Selon le député PSR Son Chhay, l’industrie des télécommunications perd environ soixante millions de dollars par an, à cause de la corruption, même si Camnet lui en rapportait vingt. Des terminaux de piratage téléphoniques installés le long de la frontière khméro-thaïlandaise ont fait perdre 450 000 dollars par mois au pays.
A la fin du mois de juillet, environ 30 % des dommages causés par l’émeute contre les intérêts thaïlandais ont été remboursés. Cinq des 17 sociétés concernées ont été indemnisées « d’une manière satisfaisante selon l’ambassade de Thaïlande au Cambodge.
Les investisseurs n’aiment pas les élections : avant les élections de 1993, ils avaient retiré 30 % de leur capital des banques cambodgiennes ; en 1998, ils en avaient retiré 25 % ; en 2003, il n’en ont retiré que 18 %, montrant ainsi une certaine confiance dans l’avenir. Les incertitudes sur la formation du prochain gouvernement ne favorisent pas l’essor de l’économie. Quatre sociétés coréennes attendent la création d’un nouveau gouvernement pour s’implanter au Cambodge.
ENTREE DANS L’OMC
Le 15 juillet, le ministre cambodgien du Commerce signe des accords de libération des échanges bilatéraux avec le Japon et la Corée du Sud, qui rendent plus certaine l’entrée du Cambodge dans l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), lors de sa réunion à Cancun (Mexique), des 10 au 14 septembre 2003. Des négociations continuent avec l’Inde, les Etats-Unis et Panama. L’UE, l’Australie, le Canada et Taïwan ont déjà passé des accords avec le Cambodge. Si le Cambodge entre dans l’OMC, « 146 pays seront ouverts aux produits cambodgiens » Quels produits, s’interrogent les observateurs ? Cette entrée dans l’OMC est voulue par Hun Sen pour des raisons d’ordre politique plus qu’économique, sans réflexion quant à ses conséquences. En dépit de l’optimisme affiché par le ministre du Commerce, cette entrée préoccupe les hommes d’affaires : le Cambodge ne pourra pas concurrencer les industries comme celles de la Chine, de l’Inde ou de la Thaïlande. Le marché libre est affaire de compétition que le Cambodge ne semble pas encore prêt à affronter. Les coûts de production actuels sont de 30 % plus élevés qu’en Chine, du fait, notamment, des mauvaises infrastructures locales et de la corruption.
SOCIETE
Hambali, chef présumé de la Jemaah Ismaliyah, soupçonné d’être le cerveau du sanglant attentat de Bali en octobre 2002, est arrêté le 11 août en Thaïlande. Il a séjourné sept mois au Cambodge, de septembre 2002 à mars 2003, où il a épousé une Cambodgienne.
Dans un rapport publié le 8 juillet, le Cambodge est au 130e rang, sur 175, dans le classement du PNUD. Une légère amélioration est apparue dans l’espérance de vie et dans l’alphabétisation et du PIB par habitant.
Selon un rapport de la FNUAP (Fonds des Nations Unies pour la Population) en date du 11 juillet, pour la première fois de son histoire, 60 % de la population cambodgienne est âgée de moins de 24 ans. 30 % des garçons et 40 % des filles cessent leur scolarité après 14 ans. 85 % des travailleurs en usines, 79 % des élèves et 62 % des jeunes sortis de l’école ont entendu parler du sida.
A la rentrée scolaire, Krousar Thmey lance seize nouvelles écoles pour enfants sourds et aveugles, qui s’ajoutent aux douze déjà existantes. Ces écoles sont installées dans huit provinces.
Mouvement ouvrier
Dans ses 5e et 6e rapports, datés du mois de juin, l’OIT (Organisation Internationale du Travail) constate que dans la majorité des usines les conditions de travail se sont peu améliorées durant les derniers mois : heures supplémentaires souvent obligatoires, non-respect de la liberté d’association, notamment syndicale.
Le 2 juillet, le ministre du Travail écrit une lettre au ministre du Commerce pour demander la suspension des exportations d’usines ne respectant pas les lois du travail en vigueur. La période électorale et les pressions des Etats-Unis qui menacent de ne pas augmenter leurs quotas en fin d’année ne sont sans doute pas étrangères à cette lettre.
Le Conseil d’arbitrage des conflits du travail commence à fonctionner. En trois mois, il a examiné douze cas. Il a rendu son jugement sur cinq, les six autres étant réglés à l’amiable, un autre reste en cours. Quatre des cinq arbitrages ont été acceptés par les deux parties, un seul, celui de l’usine textile Jacquintex, a été refusé par la direction. Les conflits demeurent nombreux.
Le 31 juin, 856 ouvriers de l’usine textile Khum Mai Sing perdent connaissance. Durant les deux jours précédents, 29 salariés avaient été victimes du même malaise, sans doute dû à la sous-alimentation, à la surcharge de travail (10 heures par jour), et à la mauvaise ventilation (ni ventilateurs, ni air conditionné) des locaux. L’employeur paie les frais d’hôpitaux et s’engage à ne faire travailler ses employées que 8 heures par jour. Trente s’évanouissent le lendemain.
Sept responsables syndicaux du Cambodiana ne verront pas leur contrat renouvelé en août. Ils estiment que c’est une violation du code du travail.
Le 16 juillet, la direction de l’usine textile Spendid Chance International accepte de réintégrer des syndicalistes licenciés, évitant ainsi une grève prévue le lendemain. La direction s’opposait à cette réintégration, en dépit de la mise en demeure du ministère du Travail.
Le 18 juillet, les 600 ouvriers de l’usine textile Cherry n’avaient pas encore touché leur salaire de juin, leur patron ayant quitté le pays.
Le 8 août, 50 % des ouvriers de l’usine textile Jacqintex se mettent en grève, la direction ayant refusé d’appliquer les décisions du Conseil d’arbitrage demandant la réintégration avec indemnités de deux syndicalistes licenciés. Ils reprennent le travail après une semaine de grève, après la réintégration temporaire des ouvriers licenciés.
Education
Le 3 juillet, le Japon fait don de 55 000 dollars pour la réparation d’une école de mécanique à Phnom Penh et de matériel d’équipement pour l’école de formation des professeurs de Kompong Speu.
Le 5 août, 35 000 candidats commencent les épreuves du baccalauréat, placées sous très haute surveillance policière afin d’éviter les fraudes. Rong Chhum, président de l’AIEC, dans une lettre adressée aux pays bailleurs de fonds impliqués dans le système éducatif, se plaint que l’honnêteté dans les examens ne s’améliore pas d’année en année à cause du faible traitement des instituteurs et professeurs.
Santé
Dans un rapport de 54 pages, le ministère de la Santé dévoile un plan ambitieux courant sur vingt ans, pour soigner les malades mentaux au Cambodge. Le Cambodge comprend actuellement vingt psychiatres, soit 1 pour 625 000 personnes. Le rapport estime que 60 % des survivants du régime khmer rouge sont atteints, plus ou moins gravement, de troubles mentaux. « La maladie mentale est un facteur qui engendre la pauvreté, et la pauvreté engendre la maladie mentale. C’est un cercle vicieux dit un spécialiste. Ce plan coûtera 500 000 dollars par an, sans compter le prix des médicaments, qui s’élèveraient à 1 million annuellement. On attend des pays donateurs une grande part du budget.
A la fin des six premiers mois de l’année, le ministère de la Santé n’a pu disposer que de 10 % des 50 millions de dollars alloués par le budget national, les fonds étant sans doute utilisés pour le CNE.
De juin 2002 à juin 2003, 765 personnes ont été victimes de mines ou d’objets non explosés laissés par les Américains.
L’ambassade de Grande-Bretagne à Phnom Penh annonce l’octroi d’une aide de 25 000 dollars à l’ONG AFESIP (Agir pour les femmes en Situation Précaire) pour un programme de douze mois commencé le 1er août.
Dès le 13 août, les anti-rétroviraux fabriqués au Cambodge sont mis en vente. Le coût mensuel d’un traitement est de 36 dollars, prix prohibitif pour les pauvres. En Thaïlande, ce traitement coûte 27 dollars.
Le 25 juillet, quatre Taïwanais et un officier de la police du tourisme sont arrêtés à l’aéroport de Phnom Penh en possession de 8 kg d’opium alcaloïde et près d’un kilo d’amphétamines. Le Japon fait don d’un appareil très sophistiqué à l’Autorité nationale de lutte contre la drogue. Cet appareil (Gas Chromotopgraphe) établit immédiatement la liste des composants de toute matière suspecte ainsi que sa provenance. Il est capable d’analyser l’urine, la salive, la sueur de tout consommateur de drogue.
Adoptions
Le 30 juillet, suite à plusieurs cas de trafic d’enfants, les autorités françaises décident de suspendre les adoptions en provenance du Cambodge. En 2002, la France a autorisé l’adoption de 270 enfants. C’est le deuxième pays d’adoption après les Etats-Unis (1 200 enfants).
Religion
Le 13 juillet, environ deux cents paysans en colère mettent à sac une église anglicane située dans le village de Svay Prohuot, dans le district de Svay Chrum, province de Svay Rieng, dont trente villageois étaient adeptes. Les villageois reprochent aux chrétiens d’être responsables de la sécheresse qui depuis trois ans frappe leur région, car ils n’honorent plus les génies locaux. Ils accusent les chrétiens d’insulter les pratiques religieuses bouddhiques, d’interdire d’offrir de la nourriture aux moines « Si vous devenez chrétiens, vous ne payerez plus tout cela, au contraire vous recevrez des dons disent les responsables chrétiens. Les manifestants brûlent une dizaine de bibles. Malgré la pluie qui est enfin tombée, le 19 juillet, environ 300 personnes manifestent à nouveau, le dimanche suivant, apposent leurs empreintes digitales sur une pétition demandant que l’église soit déplacée. Hun Neng, gouverneur de la province, tente d’apaiser les tensions, en cette période d’élections. En octobre 2002, une lettre de bouddhistes de la province voisine comparait les chrétiens à Pol Pot.
On mesure par cet événement, qui pourrait paraître risible sous d’autres cieux, la distance culturelle qui sépare les univers religieux chrétien et animiste, dont les responsables de groupes religieux anglo-saxons n’ont pas pris la mesure.
DIVERS
Dans la nuit du 9 au 10 août, un incendie se déclare près de la pagode Néakvoan, à Phnom Penh. 51 maisons brûlent, deux enfants meurent carbonisés. Les pompiers réclament entre 200 et 1 500 dollars pour se mettre au travail et ne commencent pas avant d’avoir les dollars en mains. L’émoi est grand, relayé par les radios Ta Prom et Radio Abeille, de l’opposition, si bien que le gouverneur de Phnom Penh décide de limoger deux responsables de l’unité de pompiers. En fait, on ne chassera que deux lampistes.
Patrimoine
Des ouvriers d’un chantier de construction près de Phnum Pros Phnum Srey, dans la province de Kompong Cham, découvrent neuf objets antiques datant de la fin du XIIe siècle.
En novembre, le ballet royal, le théâtre d’ombre des grands cuirs, le théâtre Khol, l’orfèvrerie, le tissage et la musique chapei seront inscrits au patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco.
Deux versions du célèbre roman « Tum Téav » sont portés à l’écran et projetés dans les salles de cinéma de Phnom Penh. En deux semaines, plus de 400 000 spectateurs se sont précipités dans les salles. C’est un début du renouveau du cinéma khmer après la sombre période des Khmers rouges.
Soixante-dix des 129 bornes provisoires démarquant la frontière khméro-laotienne, soit 80 % des 540 km. entre les deux pays, ont déjà été posées. Le travail devrait être achevé d’ici la fin de l’année. Ce travail, commencé en 1995, est réalisé par 70 experts des deux pays.
« Impasse et rouge bande dessinée par Séra, dessinateur franco-khmer, publiée aux éditions Rackham, est remaniée et diffusée par Albin Michel, témoigne des derniers combats de Phnom Penh, le 17 avril 1975.