Eglises d'Asie

Une militante catholique, fervente partisane des droits de l’homme, a été condamnée pour publication mensongère

Publié le 18/03/2010




Le 17 octobre dernier, un tribunal d’instance de Kuala Lumpur a condamné à une année de prison ferme Irène Fernandez, militante de longue date de la défense des droits de l’homme. Le tribunal l’a déclarée coupable d’avoir publié de fausses et malveillantes informations à propos des mauvais traitements dont les travailleurs clandestins seraient victimes sur les lieux de leur internement. Irène Fernandez, catholique, âgée de 57 ans, a toutefois été remise en liberté, sous caution, après que la juge, Juliana Mohamed, lui ait accordé un sursis d’exécution en raison de l’appel en Haute Cour immédiatement déposé par Irène Fernandez.

Il était reproché à la militante des droits de l’homme d’avoir publié un mémorandum intitulé : « Insultes, tortures et traitements déshumanisants dans les camps de détention à l’encontre des travailleurs étrangers illégaux». Ce mémorandum avait été distribué aux journalistes en août 1995. Irène Fernandez y détaillait en seize points, dont la torture, les abus sexuels et le refus de soins médicaux, les conditions de vie faites aux immigrés clandestins appréhendés par les autorités. Autant de points que le tribunal a récusés comme faux. Irène Fernandez avait été arrêtée le 18 mars 1996 (1) et son procès avait commencé au mois de juin de la même année. Mais, à la suite de multiples renvois, vacances et ajournements, il était devenu le procès le plus long de toute l’histoire de la Malaisie.

Selon Irène Fernandez, les données contenues dans son mémorandum proviennent de Tenaganita (‘La force des femmes’), une ONG dont elle est la directrice, et reflètent les témoignages de plus de trois cents anciens détenus recueillis en vue de recherches sur l’interaction entre migration, santé et sida. Tenaganita, créée en 1991, est surtout engagée dans des actions visant à défendre les intérêts des personnes travaillant dans l’industrie du sexe ou dans celle des plantations et des ateliers. Elle informe les travailleurs migrants étrangers de leurs droits, des procédures d’immigration, des soins de santé essentiels et les aide à s’adapter à une nouvelle vie dans leur pays d’adoption.

Avant de prononcer sa condamnation, la juge avait écouté les arguments présentés par l’une et l’autre partie. Irène Fernandez a déclaré, quant à elle, avoir la conscience tranquille parce qu’elle n’avait fait qu’exposer les conditions réelles de détention dans les camp. Quand le magistrat a annoncé le verdict, Irène Fernandez était assise dans son box, calme, le chapelet à la main. Elle était venue au tribunal accompagnée d’une centaine de partisans, dont des travailleurs immigrés originaires d’Inde, du Pakistan et du Bangladesh. La salle du tribunal était bondée. Des poli-ticiens de l’opposition, des représentants International, de la Société nationale des droits de l’homme, du barreau, de Sisters in Islam et de l’ambassade américaine étaient présents. Mgr Murphy Pakiam, évêque de Kuala Lumpur, ne fit qu’une courte apparition dans le prétoire, pour témoigner de son soutien à l’accusée (2).

Une ONG locale, Aliran Kesedaran Negara (ALIRAN, ‘Mouvement national de conscientisation’), s’est dit « horrifiée » de voir Irène Fernandez condamnée malgré le nombre écrasant de témoignages présentés devant le tribunal. P. Ramakrishnan, son président, a déclaré à l’agence Ucanews : « Il faut que les défenseurs de la loi et de l’ordre public comme ceux qui définissent le droit, comprennent qu’ils assument une lourde responsabilité, laquelle requiert qu’ils soient des gens responsables et des ‘craignant Dieu’ dans tout ce qu’ils font. S’ils faillissent, ils finiront par nous humilier en tant que nation et nous condamneront à l’âge des ténèbres où raison, logique et justice n’ont pas cours. »