Eglises d'Asie

Xinjiang : avant d’être exécuté, un militant ouïghour, accusé par les autorités chinoises de visées séparatistes, a laissé un témoignage explicite des tortures subies par lui en prison

Publié le 18/03/2010




Jugé le 12 novembre 2002 lors d’un procès tenu à huis clos, condamné en mars 2003 à la peine de mort pour “fabrication et détention d’armes et d’explosifs” ainsi que pour avoir “organisé et dirigé une organisation terroriste Wujimaimaiti Abasi, connu également sous le nom de Shirali, a été exécuté. L’information a été révélée par le Wen Wei Po, journal hongkongais proche de Pékin, et confirmée à France-Presse par le tribunal de Hotan, dans la province du Xinjiang, située au nord-ouest du pays, mais aucune certitude n’a pu être obtenue quant à la date de cette exécution. Toutefois, selon Radio Free Asia, basée aux Etats-Unis, Wujimaimaiti Abasi a laissé derrière lui un témoignage enregistré sur cassettes audio destiné au service en langue ouïghoure de cette radio où il témoigne des tortures subies durant sa détention.

Accusé par les autorités d’être un des dirigeants d’un groupe d’obédience islamiste du Xinjiang, le “Hezbollah islamique pour le Turkestan oriental” (nom donné au Xinjiang par les indépendantistes ouïghours), Wujimaimaiti Abasi avait témoigné auprès de Radio Free Asia des tortures subies alors qu’il avait été détenu durant huit mois, d’avril à décembre 1994, à la prison du Vieux marché du district de Guma (Pishan en chinois), au Xinjiang. Dans ce témoignage, recueilli au téléphone par la radio américaine en mai 2001, il a raconté comment il avait alors été battu avec des chaînes, “fréquemment” soumis à des chocs électriques, frappé jusqu’à en perdre connaissance puis plongé dans l’eau glacée avant d’être à nouveau interrogé sous la torture. Les séances de torture revenaient tous les dix ou quinze jours. Selon Radio Free Asia, Wujimaimaiti Abasi mentionne le marché que ceux qu’il qualifie de “bourreaux” lui proposaient à cette époque : soit il avouait des menées séparatistes, soit il risquait de mourir sous la torture. Décrivant de façon détaillée les tortures subies, il explique comment il perdait “connaissance parce qu’[il] ne [pouvait] pas supporter” ces traitements.

Surveillé après sa libération en décembre 1994, Wujimaimaiti Abasi s’était enfui du Xinjiang en novembre 2000 en se cachant dans un camion citerne chargé d’hydrocarbures à destination du Tibet. Après six mois de marche du Tibet au Népal, il s’installa dans ce pays où il avait demandé le statut de réfugié à l’UNHCR. En décembre 2001, il fut arrêté par la police népalaise et détenu à la prison de Hanuman Dhoka. Selon des organisations de défense des droits de l’homme, il aurait été, en compagnie d’un autre Ouïghour, Abdu Allah Sattar, rapatrié de force en Chine en janvier 2002.

Selon le Wen Wei Po, lors de son procès de novembre 2002, Wujimaimaiti Abasi était accusé d’avoir joué un rôle de meneur dans le soulèvement anti-chinois de 1997 à Yining, ville frontalière du Xinjiang où les manifestants se sont battus à l’arme à feu avec la police chinoise. Récurrentes depuis de nombreuses années (1), les tensions au Xinjiang entre les populations ouïghoures et les populations Han ont débouché à différents moments sur des violences ouvertes. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, Pékin a obtenu que des organisations ouïghoures soient placées sur la liste des organisations terroristes liées à Oussama Ben Laden. Sous couvert de lutte contre le “terrorisme les autorités chinoises ont accru les contrôles exercés par elles sur les populations ouïghoures, quasi exclusivement musulmanes.

Selon un Livre blanc publié par le gouvernement chinois en 1998, la population du Xinjiang à cette date comptait huit millions de Ouïghours, 2,5 millions de membres d’autres “minorités ethniques” et 6,4 millions de Chinois Han. En 1949, cette dernière composante de la population du Xinjiang ne comptait que 300 000 personnes.