Eglises d'Asie

Après la mort d’une dizaine de personnes dans des heurts entre musulmans et bouddhistes, les pagodes et les mosquées ont été placées sous étroite surveillance

Publié le 18/03/2010




Selon différentes sources, gouvernementales et non gouvernementales, de graves heurts ont eu lieu dans une ville proche de Mandalay le 19 octobre dernier. Mettant aux prises musulmans et bouddhistes, ces heurts, qui ont entraîné la mort d’une dizaine de personnes, ont amené les autorités à placer les mosquées et les pagodes sous une étroite surveillance. Les moines bouddhistes ont reçu l’ordre d’observer un couvre-feu dans la ville de Kyaukse, où les heurts du 19 octobre se sont produits, ainsi qu’à Mandalay et Rangoun, la capitale du pays.

A la fin du mois d’octobre, la junte militaire, au pouvoir à Rangoun, a confirmé que des “désordres” avaient eu lieu, mettant aux prises “des personnes professant différentes religions”. Elle a précisé que le couvre-feu décrété à Kyaukse était général et que des personnes avaient effectivement trouvé la mort dans cette ville. Selon les témoignages recueillis par France-Presse, le nombre des morts oscille entre neuf et douze ; selon certains récits, le chiffre des victimes pourrait s’élever à plusieurs dizaines. Les troubles ont débuté à Kyaukse, ville située à une trentaine de kilomètres au sud de Mandalay. Des bouddhistes célébrant des festivités religieuses dans une pagode auraient été rendus furieux par l’envoi dans l’enceinte de leur pagode d’une pierre, acte qui a eu pour conséquence d’endommager une représentation du Bouddha. Estimant que la pierre avait été lancée à dessein de la mosquée voisine, ils s’en sont pris à des musulmans dont certains furent blessés et d’autres trouvèrent refuge chez leurs voisins, y compris chez des bouddhistes. L’incident était clos quand des rumeurs prirent corps à Mandalay parmi certains cercles de moines bouddhistes (1). Le 19 octobre, une foule de bouddhistes, accompagnés de moines – certains étant venus de Mandalay -, mit le feu à une mosquée de Kyaukse et à plusieurs maisons, entraînant la mort de plusieurs personnes, dont une femme enceinte. C’est alors que les autorités ont décrété le couvre-feu dans la ville et, le 26 octobre, arrêté un moine, le vénérable Weik Seitta. Le lendemain, un millier de moines ont manifesté dans les rues de Mandalay pour réclamer sa libération. Quatre moines auraient été blessés lors de la dispersion par la police de cette manifestation. A partir de ce moment, les pagodes et les mosquées de Mandalay et de Rangoun ont été placées sous étroite surveillance policière.

Inquiète des troubles à l’ordre public pouvant dégénérer en manifestations contre le régime, la junte militaire au pouvoir a mené des perquisitions dans certaines pagodes, à la recherche de matériel de propagande incitant à la haine entre les communautés religieuses. Selon certains témoignages, dans les environs de Rangoun, des moines surpris en dehors des pagodes à la nuit tombée ont été interpellés. A Mandalay, la Sangha, représentation de la communauté bouddhique, a publié une note interdisant aux moines de quitter les pagodes de 7 heures du soir à 4 heures du matin. Enfin, à Rangoun et à Mandalay, les autorités auraient mis en garde les responsables de la communauté musulmane contre toute tentative visant à se venger.

Par ailleurs, à l’annonce de ces violences, craignant un soudain afflux de réfugiés musulmans, le Bangladesh a annoncé le déploiement de forces supplémentaires de sécurité sur les 320 kilomètres de frontière que ce pays partage avec la Birmanie. On se souvient qu’après les persécutions déclenchées en 1992 par les autorités militaires birmanes à l’encontre de la minorité musulmane rohingya, près de 250 000 personnes avaient trouvé refuge au Bangladesh. Depuis, la plupart de ces réfugiés sont retournés vivre en Birmanie – quelques dizaines de milliers sont toujours regroupés dans deux camps situés près de la ville de Teknaf, au Bangladesh, dans l’attente d’un éventuel rapatriement – mais, selon un responsable bangladais cité par l’agence Reuters, “un nouvel afflux aggraverait la situation et pourrait générer des tensions entre Bangladais et Rohingyas, qui sont régulièrement rendus responsables de la hausse de la criminalité et de l’importance du chômage” (1).