Eglises d'Asie – Sri Lanka
La crise politique ouverte par la présidente du pays suscite des réactions variées de la part des responsables religieux
Publié le 18/03/2010
Interrogé par l’agence Ucanews le 6 novembre (1), le responsable d’un prestigieux temple bouddhiste de Colombo a déclaré, sous le sceau de l’anonymat, qu’il soutenait le geste de la présidente, regrettant même qu’il survienne si tardivement. Le moine reproche au gouvernement mené par le Premier ministre Ranil Wickremesinghe, adversaire politique de la présidente, d’avoir mené le processus de paix aboutissant au cessez-le-feu de février 2002 et les négociations qui ont suivi avec les Tigres tamouls sans consulter les Sri Lankais. Par conséquent, argumente-t-il, ce sont des gouvernements étrangers et la communauté internationale qui se sont impliqués dans la résolution du conflit ethnique dont souffre le Sri Lanka depuis plusieurs décennies. “La paix doit être négociée avec le peuple affirme-t-il, ajoutant que le Premier ministre n’avait pas accédé à la demande de la présidente de voir inclure un de ses représentants dans l’équipe responsable des négociations avec les Tigres et que, par conséquent, l’action de la présidente ce 4 novembre était légitime.
Pour les responsables des communautés musulmane et catholique, le geste de la présidente a suscité une réaction très différente. Evêque du diocèse de Trincomalee-Batticaloa, très éprouvé par les combats entre Tigres tamouls et forces gouvernementales, Mgr Kingsley Swampillai s’est dit surpris par la situation ainsi créée, la qualifiant “de sérieux revers pour les efforts de paix” et estimant que le pays vivait des heures cruciales de son existence. Selon lui, la présidente et le Premier ministre ont l’obligation de s’entendre et “d’apprendre à travailler sur ce dossier dans une relation de donnant-donnant”.
Invité le 11 novembre par la présidente à un échange de vues au palais présidentiel, Mgr Oswald Gomis, archevêque de Colombo et président de la Conférence épiscopale catholique, a rencontré le même jour d’importants responsables de la communauté bouddhiste. Le lendemain, lui et Mgr Marius Peiris, évêque auxiliaire de Colombo et secrétaire général de la Conférence, ont publié un communiqué au nom de l’Eglise catholique du Sri Lanka. “Ce moment de crise appelle à un grand courage, à l’esprit de conviction et à une vraie hauteur de vue de la part des dirigeants afin de résister aussi bien à la pression politique qu’à la cupidité personnelle. Cela pour placer le bien-être de la nation en priorité des priorités pouvait-on lire dans le communiqué. Pour les évêques, la crise ainsi ouverte menace de ruiner les chances de la paix qui se profile à l’horizon, anéantissant le fragile redémarrage de l’économie. Si elle tourne mal, cette crise, écrivent-ils encore, pourrait déboucher sur “la continuation du conflit racial [entre Tamouls et Cinghalais] avec des conséquences désastreuses pour l’ensemble du pays et de ses habitants, quelle que soit leur appartenance communautaire, de caste ou de croyance”. Pour sortir de l’impasse ainsi créée, estiment les évêques, la seule voie possible est la cohabitation, et non la confrontation, entre les deux têtes de l’exécutif, car “il est évident que les gens dans ce pays sont divisés à peu près également entre les deux principaux groupes au pouvoir” et que “la seule voie de salut” pour le pays passe par une coopération entre les deux grandes alliances politiques de Chandrika Kumaratunga et de Ranil Wickremesinghe.
Du côté de la communauté musulmane, un responsable de la Grande mosquée de Colombo, dont l’influence sur les musulmans du Sri Lanka est réelle, a déclaré le 6 novembre que la présidente avait commis une erreur. “Le processus de paix était en marche. Ce que [Chandrika Kumaratunga] a fait constitue maintenant un obstacle à la paix a estimé Nazushan Hassen, secrétaire général de la ligue des docteurs en droit de la Grande mosquée.