Eglises d'Asie

Au lendemain des funérailles d’un moine bouddhiste aux engagements controversés, la communauté chrétienne de Colombo a célébré Noël sous haute sécurité

Publié le 18/03/2010




A Colombo, capitale du pays, Noël a été célébré par la communauté chrétienne dans un climat tendu. La veille, des incidents ayant fait une quinzaine de blessés avaient éclaté lors des funérailles d’un moine bouddhiste controversé, prédicateur connu pour ses discours anti-conversion, et les autorités avaient placé certains lieux de culte chrétiens sous étroite surveillance policière afin de prévenir tout acte de violence supplémentaire.

Les incidents qui se sont produits le 24 décembre à Colombo sont liés à la mort du vénérable Gangodawila Soma Thero, moine bouddhiste âgé de 54 ans. Prédicateur connu de tous au Sri Lanka pour ses prêches télévisés, instigateur d’une campagne contre les “conversions non éthiques de bouddhistes au christianisme, Gangodawila Thero était décédé le 12 décembre lors d’un déplacement en Russie (1). Son décès ayant soulevé une vive émotion dans le pays, une enquête a été ouverte pour déterminer les causes de la mort. Les résultats ont confirmé que le moine était mort d’une cause naturelle, une crise cardiaque. Cependant, à Colombo, la rumeur a couru qu’un homme d’affaires sri-lankais en vue, un catholique, était pour quelque chose dans le décès du moine. Les funérailles d’Etat, initialement prévues pour le 21 décembre, ont été déplacées au 24 décembre en fin de journée. Ce soir-là, pour la crémation du corps du moine, place de l’Indépendance à Colombo, la foule était nombreuse, encadrée par d’importantes forces de police. Quatre personnes furent arrêtées pour avoir distribué des tracts incitant à la haine interreligieuse et, selon le récit de la presse locale, les incidents ont débuté lorsque la foule a exigé la remise en liberté des personnes interpellées, attaquant les forces de police présentes. Ces dernières ont répliqué en faisant usage de gaz lacrymogène et une quinzaine de personnes furent blessées dans l’échauffourée qui suivit.

Selon Daily News, quotidien local contrôlé par l’Etat, dès le 23 décembre, la présidente Chandrika Kumaratunga avait demandé aux responsables de la police que les fauteurs de troubles soient empêchés d’agir, un pays qui sort à peine de plusieurs décennies d’affrontements interraciaux ne pouvant se permettre de voir des troubles religieux éclater. De fait, le gouvernement a répondu aux appels de la présidente, des commandos d’élite ayant été postés en protection devant le domicile et les bureaux de l’homme d’affaires catholique mis en cause ainsi que devant les principaux lieux de culte chrétiens de la capitale. Lors des messes de minuit, les forces de sécurité étaient très visibles autour des églises mais aucun acte de violence n’a été déploré.

Selon Mgr Marius Peiris, évêque auxiliaire du diocèse catholique de Colombo, qui s’exprimait devant l’agence Ucanews le 19 décembre dernier, le changement de date des funérailles du moine bouddhiste, du 21 au 24 décembre, ne laissait pas de surprendre. L’évêque soupçonnait un motif inavoué derrière ce changement, certains au sein de l’appareil d’Etat, où le Premier ministre et la présidente se livrent une lutte ouverte, pouvant avoir intérêt à susciter des troubles. Dans cette perspective, la sensibilité de certains cercles bouddhistes aux conversions, présentées comme nombreuses, de bouddhistes au christianisme à l’instigation de dénominations chrétiennes soutenues financièrement de l’étranger constitue un argument mobilisateur et propice aux manipulations. On se souvient que, ces derniers mois, l’Eglise catholique du Sri Lanka, face aux appels d’une partie du clergé bouddhiste à voter une loi restreignant les conversions, avait pris publiquement la parole pour réaffirmer le droit des catholiques à proclamer leur foi (2).

La Constitution du Sri Lanka stipule que l’Etat est laïque mais reconnaît une place prééminente au bouddhisme, religion pratiquée par près de 70 % des 18,7 millions de Sri Lankais. Les hindous représentent environ 15 % de la population, les chrétiens et les musulmans formant chacun environ 7,5 % de la population.