Eglises d'Asie

Pour bon nombre de catholiques « clandestins », la célébration de Noël reste une épreuve semée d’embûches

Publié le 18/03/2010




Année après année, en dépit de la modernisation de la Chine et du desserrement du contrôle des autorités sur la société civile, les catholiques appartenant à la partie « clandestine » de l’Eglise continuent de vivre leur foi d’une manière sinon cachée, du moins très discrète, les célébrations de Noël constituant pour eux un temps fort et souvent semé d’embûches. Que ce soit en milieu rural ou dans les villes, un de leurs soucis premiers est d’assurer la sécurité des prêtres présidant les services liturgiques de ce moment particulier. Pour cela, le choix d’un lieu adapté pour la célébration de la messe de Noël peut se révéler, pour reprendre les termes utilisés par l’un d’entre eux, une entreprise « épineuse 

Les problèmes ne sont pas forcément les mêmes en milieu rural et en ville. A la campagne, Noël est souvent, parmi les quatre grandes fêtes liturgiques (Noël, Pâques, la Pentecôte et l’Assomption), celle qui attire le plus grand nombre de fidèles. Ceux-ci, paysans pour la plupart, sont en effet à cette date libérés des travaux des champs. Pour certains d’entre eux, du fait de la pénurie de prêtres, Noël est l’une des rares occasions de l’année où ils peuvent assister à la messe et, pour rien au monde, ils ne manqueraient ces célébrations. Selon le témoignage de prêtres « clandestins » du nord du pays, typiquement, la messe de Noël est organisée un peu à l’écart d’un village catholique ou dans un coin tranquille d’un village en partie peuplé de catholiques. Un grand abri sous tente est monté pour la veillée afin d’abriter les fidèles du froid glacial qui sévit en cette saison de l’année dans le nord de la Chine.

Parfois venus de loin, les fidèles sont accueillis autour de poêles chauds. Après la messe de la vigile de Noël, ils partagent quelque nourriture chaude en attendant la messe de minuit. Parfois, là où cela est possible, peu avant minuit, une statue de l’enfant Jésus est portée en procession, au milieu des explosions de chapelets de pétards. La messe de minuit est célébrée au plus froid de la nuit. Il n’est pas rare que le thermomètre tombe à – 20 ° C. « Au moment de la distribution de la communion, rapporte un prêtre, le vin dans le calice peut avoir gelé. Cela peut prendre plusieurs minutes aux célébrants pour le réchauffer entre leurs mains, en soufflant dessus. » En dépit de ces conditions polaires, ajoute-t-il, « nous sentons dans nos cours le feu de l’amour pour Jésus à ce sommet de la célébration de Noël ».

Après la messe de Noël, souvent, les fidèles restent sur place. Certains déposent au pied de la statue de l’enfant Jésus des offrandes pour les plus pauvres, un peu d’argent ou des vêtements. Ils partagent à nouveau des plats chauds et se reposent avant d’assister à la messe du 25 décembre. Pour beaucoup, ce sont là les seules messes auxquelles ils peuvent assister durant l’année, mis à part les fêtes de Pâques, de la Pentecôte ou de l’Assomption.

En ville, les préoccupations de sécurité sont souvent plus contraignantes. Régulièrement, les autorités mettent en garde contre l’organisation de toute cérémonie religieuse en-dehors des lieux « officiels », dûment enregistrés en tant que tels. Pour les grandes fêtes du calendrier liturgique, les catholiques « clandestins » contournent l’interdit en louant au nom d’une personne privée ou d’une société un lieu de réception, dans un hôtel ou un restaurant. Des catholiques se chargent du service d’ordre afin de prévenir l’irruption de tout intrus et d’éviter l’arrestation par la police de leurs prêtres. Selon le témoignage d’un prêtre d’une grande ville du sud de la Chine, il est parfois difficile, d’une année sur l’autre, de trouver à louer de tels lieux car les autorités créent des difficultés à leurs propriétaires une fois qu’elles découvrent que telle ou telle salle a été utilisée pour des célébrations religieuses non autorisées. Dans une ville du nord, un responsable laïc rapporte qu’il lui arrive de rester plusieurs jours de suite chez lui à des périodes de l’année où il se sait surveillé. « Je n’ai pas peur d’être interpellé, dit-il, car la police ne me garderait au poste que pour trois jours au plus mais je ne dois pas mettre en danger nos prêtres. Eux peuvent être arrêtés et emprisonnés pour des années. Nous devons faire de notre mieux pour les protéger. »