Eglises d'Asie

Au vif mécontentement de Pékin, une délégation de la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde s’est rendue à Hongkong

Publié le 18/03/2010




Du 2 au 7 janvier dernier, quatre membres de la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde ont séjourné à Hongkong pour y rencontrer des responsables religieux locaux et des militants des droits de l’homme afin de s’informer sur la situation de la liberté religieuse tant localement que sur le continent chinois. A deux reprises, en juillet et en décembre 2003, la Commission, organe officiel du gouvernement fédéral américain (1), avait prévu un voyage en Chine continentale, projet par deux fois abandonné par la partie américaine après que les autorités chinoises eurent demandé aux Américains de retirer Hongkong de leur itinéraire et eurent exclu la possibilité pour eux de rencontrer des responsables religieux.

Avant même que la délégation de la Commission américaine pose le pied à Hongkong, Pékin avait fait savoir son vif mécontentement à ce sujet. Le 30 décembre dernier, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré qu’il “n’était pas convenable pour la Commission américaine, par une décision unilatérale, de visiter Hongkong alors que la Commission d’Etat pour les Affaires religieuses négociait avec elle son itinéraire en Chine”. Il a ajouté : “Nous espérons que la Commission ne fera rien qui pourrait être dommageable à la stabilité et à la prospérité de Hongkong.”

Mgr Joseph Zen Ze-kiun, évêque du diocèse catholique de Hongkong, figurait parmi les personnalités rencontrées par les délégués américains mais n’a fait aucune déclaration à l’issue de l’entrevue, se contentant de dire qu’il ne dévoilerait pas le détail de conversations privées étant donné que la Commission voulait maintenir une certaine discrétion sur sa visite dans le territoire. Il a toutefois précisé que, même si la visite de la Commission “mécontenterait Pékin il ne fallait pas compter sur lui pour garder le silence face à des visiteurs venus s’enquérir de la situation de l’Eglise catholique en Chine. Il a précisé qu’à son sens, sa rencontre avec les délégués américains n’affecterait cependant pas les relations entre l’Eglise catholique à Hongkong et l’Eglise catholique en Chine continentale.

Selon les membres d’une organisation catholique de Hongkong ayant rencontré la délégation américaine, les discussions ont porté sur les relations entre la partie “officielle” et la partie “clandestine” de l’Eglise catholique en Chine ainsi que sur la situation générale de l’Eglise en Chine. Aux Américains, les membres de cette organisation catholique ont dit que les règlements nouvellement adoptés par la Chine concernant l’Eglise (2) entraîneraient un contrôle accru des autorités sur l’Eglise et une pression plus forte sur le clergé “officiel”. A la question de savoir si la rencontre avec les Américains pouvait se traduire par une dégradation des relations entre l’Eglise de Hongkong et le gouvernement chinois, un membre de l’organisation catholique a répondu que le diocèse de Hongkong était “déjà puni des mesures telles que le blocage de son site Internet sur le continent ayant été prises par les autorités chinoises (3).

Selon d’autres sources, le pasteur Eric So Shing-yit, secrétaire général du Conseil chrétien de Hongkong, qui a rencontré la délégation américaine le 5 janvier, a dit aux Américains que les différentes religions à Hongkong témoignaient de respect les unes envers les autres et que, depuis le retour de Hongkong sous le drapeau chinois, en 1997, il n’avait pas noté de changement dans la tradition longuement établie de liberté religieuse.

Pour Law Yuk-kai, directeur de l’Observatoire des droits de l’homme à Hongkong, interrogé par l’agence Ucanews avant sa rencontre avec la délégation américaine, “les consultations menées par la Commission [américaine] sont un simple et normal échange d’informations concernant la liberté religieuse et n’ont rien à voir avec la sécurité nationale”. En référence aux déclarations du porte-parole des Affaires étrangères à Pékin, il a ajouté se poser des questions sur le caractère disproportionné de la réaction gouvernementale chinoise. Il a précisé qu’il allait faire part à la Commission américaine des craintes de l’ONG qu’il dirige. Celle-ci s’inquiète de la politique du gouvernement de Hongkong sur la liberté religieuse, en particulier en ce qui concerne le projet de Loi sur la sécurité nationale (4) et la situation des membres locaux du Falungong, mouvement interdit sur le continent (5).

Enfin, pour Martin Lee Chu-ming, figure éminente du Parti démocrate et homme politique de religion catholique, consulté lui aussi par la délégation américaine, le fait que cette délégation ait pu se rendre à Hongkong montre que la formule “Un pays, deux systèmes” fonctionne. “Bien que la visite à Hongkong de la délégation n’était pas bienvenue par la Chine, elle a eu lieu et cela indique que Hongkong jouit toujours d’une grande liberté a-t-il déclaré le 7 janvier à Ucanews.

Selon un porte-parole du consulat américain à Hongkong, la Commission, en se rendant à Hongkong, avait pour but la préparation d’un futur déplacement sur le continent. Il a précisé que le consulat n’avait pas été impliqué dans la préparation de ce voyage et ne se prononcerait pas sur le caractère privé ou officiel de cette visite. Il a simplement ajouté que les citoyens américains n’avaient pas besoin de visa pour se rendre en visite à Hongkong. Dans le South China Morning Post du 29 décembre dernier, Anne Johnson, de la Commission américaine, a déclaré que la visite à Hongkong se voulait “discrète” et avait pour objet la préparation d’un voyage en Chine continentale. Quelques semaines auparavant, le Département d’Etat américain, dans son rapport annuel sur la liberté religieuse dans le monde, avait, une nouvelle fois, placé la Chine sur la liste des pays qui considèrent les religions comme une menace pour l’idéologie du pouvoir en place. “Le gouvernement tente de contrôler et de réglementer les groupes religieux afin de prévenir l’essor de groupes qui pourraient constituer des sources d’autorité extérieure au contrôle du gouvernement et du Parti communiste chinois pouvait-on notamment lire dans ce rapport.