Eglises d'Asie – Chine
Guangxi : à 101 ans, l’évêque de Nanning, prêtre et médecin, est toujours avide d’apporter un soin aux âmes et aux corps de ses fidèles
Publié le 18/03/2010
Né le 19 mars 1902, jour de la saint Joseph, dans une famille non catholique à Hengling, Mgr Meng a été baptisé dans sa jeunesse. A l’âge de 15 ans, il partit à Nanning étudier le catéchisme durant trois ans avant de poursuivre durant huit ans sa scolarité au petit séminaire, alors appelé le Collège latin. En 1935, après six années de formation à la philosophie et à la théologie au grand séminaire de Penang, en Malaisie, il fut ordonné prêtre à Nanning. Deux ans plus tard, curé de paroisse, il commença à se servir de ses connaissances en herbes médicinales pour ouvrir un dispensaire attenant à son église et un autre attaché à l’école primaire du village où il était. Son idée était de mettre ses deux « casquettes » – prêtre et médecin – au service de l’évangélisation. Les années passèrent ainsi et le travail ne manquait pas, même entre 1945 et 1949, au plus fort de la guerre civile, opposant les nationalistes à l’insurrection communiste.
Après la prise du pouvoir par Mao Zedong, les choses se corsèrent. Très rapidement, les religieuses qui l’aidaient à gérer un dispensaire furent emprisonnées pour avoir soigné des « bandits terme utilisé par les communistes pour désigner les soldats de l’armée nationaliste. Dix jours plus tard, ce fut son tour : arrêté à la pointe d’un fusil, il fut enfermé dans une petite cellule avec une centaine d’autres personnes puis envoyé en camp de travail. Prisonnier, se rappelle Mgr Meng, « je me sentais si seul et j’espérais que Dieu aurait pitié de moi ». Pour avoir tenté de faire sortir en secret une lettre adressée à son évêque, Mgr Albouy, missionnaire français, alors archevêque de Nanning, il fut envoyé à l’isolement et privé de nourriture durant quatre jours et quatre nuits.
Quelques mois plus tard, condamné pour avoir soigné des « bandits fait la promotion de sentiments anti-gouvernementaux au sein du peuple et insulté le gouvernement, il fut condamné à la rééducation par le travail et envoyé construire une route de montagne. Là, de nombreux détenus tombant malades, les gardiens du camp découvrirent qu’il avait des connaissances en médecine et lui demandèrent de soigner ses pairs. « En vivant avec les autres détenus, je pouvais comprendre leurs souffrances, témoigne Mgr Meng. Dès que c’était possible, je leur enseignais les paroles de Dieu. Pour moi, il était aussi important de soigner les corps que de guérir les cours. »
Libéré en 1957, il prit en charge une église à Nanning où il ouvrit une petite clinique. Mais, en 1958, il était à nouveau arrêté. Au début des années 1960, la famine était partout, se rappelle-t-il. Certains tentaient de se nourrir de racines mais très nombreux étaient ceux qui mouraient. La situation empira encore lors de la Révolution culturelle (1966-1976). Finalement, usé par les années de camp et considéré comme trop âgé pour travailler utilement, Mgr Meng fut autorisé à retourner chez lui en 1970. La seule occupation qui lui fut alors autorisée était de collecter le contenu des pots de chambre dans les villages environnants en échange d’un peu de riz, la nourriture étant toujours rationnée à cette époque.
Profitant de ces déplacements dans la campagne, Mgr Meng consacra son énergie à évangéliser en secret, baptisant à l’occasion et dans la plus grande discrétion. Lorsqu’il visitait des paroissiens chez eux, les voisins non catholiques pouvaient toujours s’imaginer que le P. Meng n’était là que pour distribuer des soins médicaux. Une fois au moins, il faillit se faire prendre, lorsque des officiels hostiles à sa personne firent une descente dans un village au moment où il célébrait la messe dans la demeure d’un villageois. « Nous avons eu de la chance et nous leur avons échappé. On ne peut que rendre grâce à Dieu dit-il aujourd’hui.
Après le début des réformes et le renouveau des religions à partir du début des années 1980, le P. Meng a pu à nouveau vivre auprès d’une église, s’attachant à faire revivre des communautés locales. En 1884, un évêque « clandestin » du Gansu l’a secrètement ordonné évêque de Nanning. Approuvée par le pape, cette consécration n’a toutefois pas reçu l’assentiment des autorités chinoises, celles-ci ne le connaissant que comme curé de Guigang, paroisse du diocèse de Nanning, située à deux heures de route de la capitale provinciale. Sur place, les catholiques s’adressent à lui en usant de la formule respectueuse : « Vieux Père Meng » (lao Meng shengfu) (1).
Au crépuscule de sa vie, Mgr Meng ne conçoit pas d’amertume de ces vingt années passées en camp de travail. « Je ne pense pas avoir été maltraité. Je servais de médecin pour les détenus dit-il, précisant qu’il pense que sans ces années de détention il ne serait pas aujourd’hui « aussi fort et en bonne santé ». « Tout ce que j’ai est un don de Dieu insiste-t-il.