Eglises d'Asie – Chine
La division entre « officiels » et « clandestins » reste, dans certaines régions de Chine, toujours aussi vive
Publié le 18/03/2010
Dans la province du Hebei, l’évêque « officiel » de Handan, Mgr Peter Chen Bailu, ressent de « l’angoisse » au sujet de la division de l’Eglise catholique de Chine en deux communautés. Agé de 90 ans, secrètement ordonné évêque en 1982, Mgr Peter Chen a rejoint la partie « officielle » de l’Eglise en 1998 avant de se retirer de la direction du diocèse de Handan en 1993. Selon lui, les relations compliquées et changeantes entre les communautés « officielles » et « clandestines » ont formé le problème le plus difficile de son épiscopat. « Il y a beaucoup de malentendus entre les communautés catholiques « officielles » et « clandestines ». Ils (les « clandestins ») ne me comprennent pas. J’espère que nous pourrons nous réconcilier à l’avenir déclare-t-il.
Au centre de la Chine, un autre évêque, qui a souhaité conserver l’anonymat et qui lui aussi a « fait surface » en passant des « clandestins » aux « officiels », dit une même espérance en une unité future. Se rappelant que des « clandestins » l’avaient critiqué, lui et ses prêtres, lorsqu’ils étaient passés en 1999 du côté « officiel », cet évêque justifie son choix d’alors en expliquant qu’il était arrivé à la conclusion que le développement de l’Eglise locale serait facilitée s’il quittait la clandestinité. Il précise qu’à fin de démentir la suspicion des autorités civiles sur son geste, il n’entretient pas de contact avec la partie « clandestine » de l’Eglise.
Dans la province du Jiangxi, le P. Liu Minjian, prêtre « officiel » du diocèse de Nanchang, dit ne dialoguer que rarement avec des fidèles de la partie « clandestine » de l’Eglise. Il précise que certains fidèles quittent l’église lorsqu’ils savent qu’il va venir. Pour certaines communautés, la réconciliation n’est pas possible à l’heure actuelle, explique-t-il.
Dans la province du Fujian, Mgr John Yang Shudao, âgé de 86 ans et évêque « clandestin » de Fuzhou, la réconciliation aujourd’hui avec la partie « officielle » de l’Eglise équivaudrait à « trahir sa foi ». Tant que l’Association patriotique existe, une telle démarche est très difficile, précise-t-il. Un de ses prêtres ajoute que la partie « officielle » de l’Eglise s’efforçait par le passé de protéger les communautés « clandestines » mais que ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Dans certaines communautés « clandestines », des consignes existent selon lesquelles les fidèles doivent absolument s’abstenir de recevoir les sacrements auprès du clergé « officiel ». Par ailleurs, bon nombre de « clandestins », tel ce responsable laïc de Mongolie intérieure interrogé par Ucanews, ne comprennent pas, par exemple, que le Saint-Siège approuve la nomination de nouveaux évêques, souvent jeunes, au sein de la partie « officielle » de l’Eglise tandis que nombre d’évêques « clandestins » âgés et malades ne sont pas remplacés. Un sentiment d’injustice existe quand bien même « les clandestins sont toujours demeurés fidèles au Saint Père ». Cité par Ucanews, un spécialiste de l’Eglise de Chine précise sur ce point que le Vatican peut effectivement rechigner à nommer évêques des prêtres « clandestins » simplement du fait que la formation d’une grande partie du clergé « clandestin », formé dans des séminaires de fortune sans grands moyens, est parfois jugée insuffisante.
Contrastant avec ces témoignages et sans nier la distance séparant les deux communautés catholiques, certains responsables des deux bords espèrent toutefois que la réconciliation est possible dans un proche avenir. En juillet dernier, Mgr Joseph Han Zhihai, évêque « clandestin » de Lanzhou, dans la province du Gansu, a écrit une lettre témoignant de son désir de communion, une lettre qui a été présentée deux mois plus tard lors d’un colloque en Belgique (2). Dans ce texte intitulé « Lettre à mes amis l’évêque, âgé de 39 ans, appelait ses pairs dans l’épiscopat, du côté « officiel » aussi bien que du côté « clandestin », à « libérer les catholiques chinois de l’ambiguïté créée par la division ». Ailleurs, un évêque « clandestin » du centre du pays dit qu’il n’a pas de contact avec les « officiels » ni même avec les « clandestins » des diocèses qui l’entourent mais il croit que la réconciliation est un désir commun à tous les catholiques. Dans la même province, un prêtre « officiel » partage la même croyance mais ne cache pas qu’il y a de « nombreuses difficultés » à aplanir avant de parvenir à la communion. Invité par des catholiques « clandestins » à un rassemblement, il a préféré décliner l’offre de peur d’« avoir des problèmes ». Si le contrôle exercé par les autorités se relâchait, il se dit prêt à accepter de telles invitations.
Pour certains catholiques, la réconciliation, dans les circonstances actuelles, ne passe pas par une fusion des deux parties de l’Eglise mais par une coexistence harmonieuse des communautés. Dans le nord-ouest du pays, un responsable laïc du nom de Wang dit qu’il faut commencer par « cesser de dire des choses qui heurtent l’unité de l’Eglise ». Le dialogue entre les clergés, entre laïcs, des rencontres à l’occasion des grandes fêtes telles que Noël et Pâques peuvent aider à la compréhension mutuelle, poursuit-il, ajoutant que les dirigeants de l’Eglise peuvent s’attacher à parler avec les autorités civiles afin « d’obtenir leur accord, explicite ou non, au sujet de la coexistence des deux parties ».
Selon Ucanews, toutes les personnes contactées pour la rédaction de cette dépêche, que ce soit au sein de communautés « clandestines » ou « officielles », disent prier sans cesse pour la réconciliation.