Eglises d'Asie

L’Eglise s’associe aux condamnations multiples suscitées par l’assassinat du principal syndicaliste ouvrier indépendant

Publié le 18/03/2010




L’assassinat le 22 janvier dernier de Chéa Vichéa, dirigeant du principal syndicat du secteur textile au Cambodge, a suscité de très nombreuses condamnations dans le royaume et à l’étranger, condamnations à laquelle l’Eglise catholique du Cambodge s’est associée. Le 24 janvier, Mgr Emile Destombes, vicaire apostolique de Phnom Penh, a rendu publique la lettre, écrite en khmer, qu’il a envoyée à la famille du leader syndical assassiné. Outre une condamnation très ferme de cet acte et une prière au « Dieu à qui nous rendons un culte » pour « qu’il conduise l’esprit de Chéa Vichéa près de lui dans le lieu suprême du bonheur l’évêque de Phnom Penh a déploré ce qu’il qualifie de « violation grave des droits de l’homme ajoutant : « Une lumière démocratique s’est éteinte au Cambodge par cet acte odieux. »

Chéa Vichéa, 36 ans, secrétaire du Syndicat indépendant des ouvriers du royaume du Cambodge (SIORC), a été abattu à bout portant de trois balles le 22 janvier, vers 9h30, par deux hommes à moto, opérant à visage découvert, alors qu’il lisait la presse près d’un kiosque à journaux, en plein centre de la capitale cambodgienne. Organisateur de plusieurs manifestations syndicales des derniers mois, Chéa Vichéa était l’un des fondateurs du Parti Sam Rainsy, un des principaux partis de l’opposition, qu’il avait quitté en 1998 pour se consacrer à l’action syndicale. Son syndicat, le plus important du pays, avec 30 000 membres, était de loin le plus actif et s’occupait particulièrement de défendre les droits des travailleurs du textile, l’une des rares industries d’exportation du Cambodge, qui emploie environ 210 000 petites mains. En juillet dernier, Chéa Vichéa avait reçu une menace de mort par SMS sur son téléphone portable et avait dû vivre quelques temps dans la clandestinité. En septembre dernier, selon le quotidien français Libération, il avait refait surface à l’occasion d’un procès intenté contre le chef de la sécurité d’une usine textile qui l’avait insulté et frappé lors d’une grève. Le vigile a été condamné à deux mois de prison.

L’assassinat de Ché Vichéa s’inscrit dans un contexte politique difficile, le Parti du peuple cambodgien de Hun Sen et les deux partis d’opposition, le mouvement royaliste Funcinpec et le Parti Sam Rainsy, étant en conflit sur la formation du nouveau gouvernement depuis les élections de juillet 2003. Il s’ajoute également à une longue liste de meurtres en plein jour visant des opposants politiques au régime ou de personnalités indépendantes. Sans remonter au 30 mars 1997 où une attaque à la grenade avait fait dix-sept morts et une centaine de blessés, dont Chéa Vichéa, on peut citer l’assassinat d’Om Radsady, conseiller du prince Ranariddh, le 6 février 2003, celui du juge Sek Sétha Mony, le 23 avril 2003, de Chour Chetharith, rédacteur à la radio d’opposition Ta Prom, le 18 octobre 2003, l’attentat contre la chanteuse Touch Sunnich, le 21 octobre 2003, qui avait chanté pour le Funcinpec. Vivant depuis de nombreuses années au Cambodge, le P. François Ponchaud, des Missions Etrangères de Paris, rapporte l’interrogation que beaucoup se posent : « A qui le tour ? » et poursuit en ces termes : « A supposer que le gouvernement ne soit pas directement impliqué dans ces meurtres, on ne peut exprimer que son plus profond dégoût pour des autorités qui laissent assassiner des innocents, et qui tentent chaque fois de faire passer le crime pour une affaire personnelle ou de salir les victimes. »