Eglises d'Asie – Thaïlande
Tensions meurtrières dans le sud thaïlandais, à majorité musulmane
Publié le 18/03/2010
Le plus récent incident remonte au dimanche 26 janvier. Dans la province de Pattani, deux individus à moto ont tué un militaire âgé de 31 ans, de religion bouddhiste. L’action s’est déroulée alors que le caporal n’était pas de service et nourrissait ses poulets. Dans leur fuite, les auteurs de cette action ont fait feu sur une autre personne mais leur tir n’a pas atteint son but. Immédiatement après, des patrouilles terrestres, appuyées par des hélicoptères, ont tenté, en vain, de retrouver les assaillants. Cette attaque est intervenue au lendemain de la mort, à coups de machette, de deux moines bouddhistes – un moine âgé de 65 ans et son novice, âgé de 13 ans – qui mendiaient leur nourriture dans la province de Yala. Trois jours auparavant, dans la province de Narathiwat, un moine de 64 ans avait trouvé la mort dans des circonstances similaires. Le 23 janvier dernier, dans la province de Pattani, c’était un policier, de religion musulmane, qui avait été tué. Enfin, le 17 janvier, un responsable musulman d’un district de la province de Narathiwat avait été retrouvé mort sur le bas-côté d’une route, son corps portait des traces de torture et le Conseil musulman de cette province s’est alarmé du fait que, selon lui, des hommes en uniforme sont impliqués dans ce meurtre.
Samedi 24 janvier, le Premier ministre Thaksin Shinawatra, lors de sa causerie hebdomadaire diffusée sur les ondes de la radio nationale, a dénoncé ces assassinats. “Il s’agit toujours des mêmes attaques par un groupe de gens qui essaient de créer des conflits entre les bouddhistes et les musulmans a-t-il déclaré, ajoutant : “Ne prenez pas ce qui vient de se passer pour un conflit religieux ou bien alors nous ferions le jeu des séparatistes [musulmans]. » Le Premier ministre s’est aussi dit soucieux du peu d’aide que les autorités locales trouvent auprès des populations musulmanes pour élucider ces actions violentes : “Ce qui m’inquiète, c’est que les musulmans thaïlandais dans les trois provinces du sud n’ont pas fourni aux autorités d’informations utiles permettant d’intercepter ces criminels.” Le 27 janvier, par mesure de précaution, les autorités ont ordonné la fermeture pour trois jours des 248 écoles de la province de Narathiwat, des informations faisant état de possibles attaques contre ces établissements que les fondamentalistes islamiques voudraient voir désertées au profit des écoles coraniques. Selon des responsables gouvernementaux cités par la presse locale, les attaques de ces derniers jours visent à divertir l’attention de la police dans les régions où la loi martiale a été promulguée et où les autorités ont déployé d’importants moyens pour retrouver les auteurs des incidents du 4 janvier. Pour certains responsables de la communauté musulmane locale, le déploiement récent des forces de sécurité a accentué un mal-être qui va crescendo depuis que Bangkok s’est aligné sur les Etats-Unis au sujet de la guerre contre le terrorisme et que la présence policière dans la région a été fortement renforcée (1).
Bouddhiste à 95 %, la Thaïlande, peuplée de 62 millions de personnes, connaît quelques problèmes liés à la présence d’une minorité musulmane sur son territoire. Représentant un peu moins de 5 % de la population, cette population vit concentrée dans cinq des 76 provinces du royaume, les provinces méridionales de Satun, Narathiwat, Yala, Pattani et Songkhla où, d’ethnie malaise, les musulmans sont majoritaires. Depuis des temps reculés, ces provinces posent un problème à Bangkok. La pacification de ces zones frontalières remonte seulement à la fin 1989 quand, après quarante ans de troubles, furent signés des accords mettant fin à une guérilla séparatiste d’inspiration communiste (2). A l’époque, les militaires thaïlandais, afin de lutter contre cette guérilla, avaient encouragé un “mouvement missionnaire musulman dirigé par un musulman chiite proche de Téhéran (les musulmans locaux étant pourtant sunnites) (3). Aujourd’hui, malgré les politiques de décentralisation mises en place par Bangkok (4), la population de ces provinces continue de nourrir un sentiment d’amertume vis-à-vis du pouvoir central, sentiment où les différences ethniques et religieuses jouent un rôle. Une certaine jeunesse musulmane, parfois formée à l’étranger, ne se montrerait pas insensible à la séduction du fondamentalisme (5). En avril 2001, plusieurs bombes avaient explosé dans la région. Toutefois, selon certains analystes, dans cette région frontalière, les forces de sécurité, armée et police, ne seraient pas étrangères à certains désordres, le maintien d’une agitation de basse intensité justifiant leur présence et masquant éventuellement des trafics de contrebande (6).