Eglises d'Asie

Zhejiang : la mémoire d’un prêtre mort à l’âge de 86 ans est unanimement saluée tant par la partie « officielle » que par la partie « clandestine » des catholiques du diocèse de Wenzhou

Publié le 18/03/2010




Le 16 janvier dernier, le P. Francis Wang Yijun est mort à l’âge de 86 ans. Membre du diocèse de Wenzhou, dans la province du Zhejiang, le P. Wang était respecté tant par la partie « officielle » que par la partie « clandestine » des catholiques de ce diocèse. Pour les observateurs de l’Eglise de Chine, son parcours et les manifestations qui ont eu lieu à l’occasion de ses funérailles symbolisent la complexité de l’Eglise de Chine ainsi que la subtilité de ses divisions.

Trois semaines avant son décès, le P. Wang avait reçu pour le soixantième anniversaire de son ordination sacerdotale la bénédiction apostolique du pape. Selon les témoins, le P. Wang a pleuré à l’annonce de cette nouvelle. Membre de la partie « clandestine » de l’Eglise, le P. Wang avait choisi il y a quelques années de rejoindre la partie « officielle » du diocèse de Wenzhou. Une décision qui avait provoqué des remous à l’époque au sein de la communauté « clandestine » (1) mais qui avait été finalement acceptée, le P. Wang conservant l’estime et le respect de la plus grande partie des « clandestins » de la région. Pour ses funérailles, trois messes principales ont été célébrées. Le 20 janvier au soir, deux messes de requiem ont eu lieu, séparément, à Wenzhou, l’une au sein de la communauté « clandestine », l’autre au sein de la communauté « officielle ».

Pour la communauté « officielle », la messe a eu lieu à l’église de Longgang, dans le district de Cangnan, où le P. Wang était curé de paroisse à la date de sa mort. Près de 7 000 personnes y ont pris part. L’évêque « officiel » de Wenzhou, Mgr Fang Zhigang, ordonné en 1960 sans l’approbation du Vatican, n’avait toutefois pas fait le déplacement pour l’occasion. Depuis de longues années, il ne vit pas dans le diocèse ; un temps résident de Pékin, il enseignait ces derniers temps au grand séminaire de Shanghai.

Pour la communauté « clandestine », la messe a eu lieu à Linjiayuan, localité également située dans le district de Cangnan, là où le P. Wang avait été curé de paroisse avant de rejoindre la partie « officielle » du diocèse. Environ un millier de fidèles ont assisté à la messe. Selon un responsable laïc de Wenzhou, « le P. Wang a fait beaucoup pour l’Eglise et, bien qu’il ait rejoint l’Eglise « officielle » il y a quelques années, nous avons toujours du respect pour lui ». Les autorités n’avaient toutefois pas autorisé que Mgr James Lin Xili, évêque « clandestin » de Wenzhou, préside cette messe. Mgr James Lin, dont la nomination a été reconnue par le pape mais n’a pas été acceptée par le gouvernement chinois, avait été convoqué « pour un bilan de santé » le 18 janvier et retenu à partir de cette date dans un hôtel de la ville.

La troisième messe a eu lieu le 21 janvier. Précédant la crémation de la dépouille du prêtre, elle a rassemblé 12 000 fidèles ainsi que des représentants des autorités civiles locales.

Selon un prêtre de la partie « officielle » de l’Eglise à Wenzhou qui, interrogé par l’agence Ucanews, a souhaité garder l’anonymat, la mort du P. Wang est vivement ressentie par tous à Wenzhou car elle laisse le diocèse orphelin dans la mesure où le P. Wang était une personnalité reconnue et respectée par les deux parties de l’Eglise et où Mgr James Lin est étroitement surveillé par les autorités. Mgr James Lin appartient à la partie « clandestine » de l’Eglise mais réside dans un bâtiment adjacent à la cathédrale « officielle ».

Né en 1917, le P. Wang avait enseigné au petit séminaire et dans des écoles catholiques du diocèse de Ningbo avant de faire partie du diocèse de Wenzhou. Emprisonné un total de vingt-cinq années – une première fois de 1955 à 1970 puis de 1982 à 1992 pour, lors de sa seconde incarcération, avoir refusé de prendre part à une réunion organisée par les autorités à Hangzhou (2) -, le P. Wang laisse le souvenir d’un homme témoignant d’une indéfectible loyauté aux principes gouvernant l’Eglise catholique. En 2000, lorsque les autorités chinoises se montrèrent furieuses de la canonisation à Rome de 120 martyrs de l’Eglise de Chine, il avait pris publiquement et très clairement la parole contre le gouvernement.