Eglises d'Asie

En référence aux tensions meurtrières à l’ouvre dans le sud musulman du pays, le roi a appelé à l’unité et à la réconciliation

Publié le 18/03/2010




Le 24 février dernier, le roi Bhumibol Adulyadej, dont les propos pèsent d’un poids considérable dans un pays où il jouit d’un très grand prestige, a appelé à la réconciliation et à l’unité en faisant référence, lors d’un entretien avec le Premier ministre Thaksin Shinawatra, à la situation prévalant dans le sud musulman du pays. “Sa Majesté a conseillé à toutes les parties concernées de se réconcilier et de tenter de se comprendre mutuellement pour trouver une solution à ce problème a déclaré le Premier ministre. Depuis l’attaque meurtrière (quatre morts) le 4 janvier dernier d’une base de l’armée par une bande armée venue se saisir de plusieurs centaines d’armes à feu, on dénombre, à la date du 18 février, 42 morts – dont trois moines bouddhistes (1). Selon des sources militaires thaïlandaises, ces victimes, de religion musulmane ou bouddhiste, ont été tuées dans trois des provinces du sud thaïlandais à majorité musulmane, au cours de 96 incidents distincts.

L’appel du roi se fait entendre alors que la tension ne décroît pas dans les trois provinces méridionales de Pattani, Narathiwat et Yala. A la mi-février, plusieurs centaines d’écoles publiques dans ces trois provinces ont dû fermer après avoir reçu des menaces, apparemment émises par des islamistes en lutte contre ce qu’ils ressentent comme la mainmise du pouvoir central sur la région. Près de 100 000 écoliers ont été affectés.

En réponse au regain d’agitation dans le sud musulman, le gouvernement a réagi de deux façons. D’une part, il a annoncé un plan de développement économique visant à combler le retard dont souffrent ces provinces par rapport au reste du pays. Selon un porte-parole du gouvernement, 105 projets de développement représentant 22 milliards de bahts d’investissement (770 millions d’euros) vont être mis sur pied d’ici à trois ans. D’autre part, pour combler un déficit d’information, les autorités se plaignant de ne pas savoir ce qui se passe dans les villages musulmans, la police a annoncé le recrutement de 24 000 personnels supplémentaires qui seront déployés dans 1 600 villages. “Ils chercheront à obtenir des renseignements, en parlant aux gens le jour et en patrouillant la nuit a déclaré un responsable de la police.

Selon la Far Eastern Economic Review du 26 février, les solutions que met en place le gouvernement pourraient manquer d’efficacité dans la mesure où, au plus haut niveau de l’Etat, des approches divergentes se manifestent. Le ministre de la Défense, Thammarak Isarangura, un ancien général de l’armée de terre, semble vouloir adopter la manière forte pour réduire tout germe de rébellion dans le sud musulman tandis que le Premier ministre adjoint, Chavalit Yongchaiyudh, lui aussi un ancien général de l’armée de terre, privilégie la négociation et la coopération avec les responsables musulmans locaux. Au début du mois de février, lorsque des responsables musulmans du sud thaïlandais ont déclaré ne plus vouloir coopérer avec Bangkok, Thammarak a répondu qu’il s’en moquait et Chavalit qu’il fallait donner des assurances à ces responsables pour les persuader de coopérer. Le 10 février, le Premier ministre a annoncé qu’il s’occupait désormais personnellement du dossier.

Selon les observateurs, le gouvernement est en partie responsable de son embarras face à l’agitation dans le sud du pays. Par son ampleur et sa durée, la vague de violence qui secoue ces provinces a quelque chose d’inédit mais tout se passe comme si le gouvernement n’arrive pas à savoir quels sont ceux qui sont derrière ces actions. Le gouvernement s’en prend aux pondok, les écoles religieuses, et mène une politique de marginalisation de la minorité musulmane. Or, de l’avis général, les pondok ne sont pas, le plus souvent, un lieu de radicalisme et la police comme l’armée paraissent manquer de renseignements sur ce qui se passe localement. L’erreur de Thaksin Shinawatra a sans doute été de dissoudre à son arrivée au pouvoir le Centre pour l’administration des provinces frontalières du sud, qui faisait un bon travail de coordination sur la sécurité entre les différentes agences gouvernementales. Cette dissolution a ravivé les rivalités entre les différentes agences. Sur place, le fossé déjà existant entre bouddhistes et musulmans et surtout entre fonctionnaires venant d’autres régions et musulmans locaux s’est accentué.