Eglises d'Asie

La candidature à la députation de moines bouddhistes soulève des commentaires contrastés

Publié le 18/03/2010




Depuis l’annonce par la présidente Chandrika Kumaratunga de la dissolution du Parlement le 7 février dernier (1), le personnel politique du pays prépare activement la campagne électorale pour les élections du 2 avril prochain. Dans ce contexte, l’initiative d’un petit parti politique cinghalais et nationaliste n’est pas passée inaperçue. Le Jathika Hela Urumaya (JHU, Héritage national cinghalais), successeur du Sihala Urumaya, a annoncé qu’il présentait à la députation plus de 260 moines bouddhistes dans dix des vingt-cinq districts du pays, avec pour ambition de capitaliser les voix des Cinghalais du Sri-Lanka. Ces derniers représentent 74 % de la population du pays et 90 % d’entre eux sont bouddhistes. Cette initiative, une première sur la scène politique locale (2), a soulevé des commentaires contrastés, chez les bouddhistes comme les non-bouddhistes.

Du côté de l’Eglise catholique, qui a pris position à plusieurs reprises pour dénoncer les attaques commises contre des lieux de culte chrétiens depuis quelques mois (3) et pour se démarquer de certaines sectes protestantes pratiquant une évangélisation agressive (4), la désapprobation est nette. Selon Mgr Vincent Marius Joseph Peiris, évêque auxiliaire du diocèse de Colombo, “il est reconnu que le clergé et les moines ne prennent pas partie dans la vie politique et les élections”. Soulignant que l’engagement de ces moines dans le processus électoral risque de se retourner contre le bouddhisme, il a noté qu’“en fait, un certain nombre de bouddhistes, entre autres, ont mis en garde les moines contre leur démarche”.

Du côté des institutions bouddhiques du pays, les positions sont partagées. Les responsables de la secte siamoise, le plus important des principaux groupes bouddhistes du Sri Lanka, ont qualifié l’initiative du JHU de menace pour le bouddhisme. Les vénérables Rambukwelle Sri Vipassi Mahanayake Thero et Udagama Sri Buddharakkhitha Mahanayake Thero ont publié un communiqué le 22 février dernier en ce sens. A. T. Ariyaratne, fondateur de Sarvodaya (‘Bien-être universel’), la principale association caritative du pays, est allé dans le même sens, déclarant : “Ma conviction est que la Buddha Sasana (la religion), qui est implantée depuis des milliers d’années sur cette terre, subira des conséquences désastreuses du fait que notre Maha Sangha (la communauté des moines bouddhistes) tombe victime des jeux politiciens.”

Le vénérable Weligama Gnanaratana Mahanayake Thero, responsable de la secte Amarapura, une des branches importantes du bouddhisme sri-lankais, a pour sa part apporté son soutien au JHU, qualifiant son initiative de tentative salutaire pour restaurer les valeurs en politique. En présentant son programme, le JHU a clairement indiqué que son ordre du jour était dirigé contre le Front national uni, du Premier ministre Ranil Wickemesinghe. Il a en effet reproché au gouvernement en place de ne pas agir contre “les conversions non éthiques” menées par des fondamentalistes chrétiens. Il a ajouté que les nationalistes cinghalais ne voyaient pas d’un bon oil les concessions, jugées excessives, du gouvernement aux Tigres tamouls. En précisant que Bouddha avait dit que la protection de la mère-patrie était le devoir de chacun, le secrétaire général du JHU, le vénérable Uduwe Dammaloka Thero, a déclaré : “Si nous nous contentons d’assister à des services religieux, à méditer et à prononcer des prêches, nous perdrons et notre religion et notre nation.”