Eglises d'Asie

Après la manifestation publique de dissensions au sein du LTTE, un évêque catholique emmène une délégation de la société civile auprès de la direction des Tigres tamouls pour plaider la paix

Publié le 18/03/2010




Le 8 mars dernier, Mgr Kingsley Swampillai, évêque du diocèse catholique de Trincomalee-Batticaloa, a pris la tête d’une délégation de dirigeants issus de la société civile et des milieux religieux pour rencontrer la direction des Tigres tamouls. La visite était motivée par la crainte que n’éclatent dans le pays de graves troubles, voire un bain de sang, après l’annonce par un important commandant militaire de la rébellion tamoule d’une scission au sein du LTTE (les Tigres de libération de l’Eelam tamoul). Mgr Swampillai, lui-même d’origine tamoule, responsable d’un diocèse qui n’a pas été épargné par les combats entre les Tigres et les forces armées de Colombo au cours des combats de ces vingt dernières années, a rencontré S. P. Thamilchelvan, responsable politique du LTTE, pour lui dire l’inquiétude de « la société civile » face à cet événement et son souci d’éviter « à tous prix » une reprise des combats.

La crise au sein du LTTE s’est ouverte dans les premiers jours de ce mois de mars lorsque V. Muralitharan, alias Karuna, le commandant des Tigres tamouls pour la région Est, a déclaré faire scission d’avec le LTTE. L’armée gouvernementale a aussitôt été placée en état d’alerte maximale, Colombo craignant une reprise des combats. Selon les spécialistes de la rébellion tamoule, cette scission a mis sur la place publique des tensions existant depuis longtemps au sein du mouvement séparatiste. Karuna reproche à Vellupilai Prabhakaran, le chef suprême du LTTE, de favoriser les Tamouls de la région Nord, région dont est originaire Prabhakaran. Selon Karuna, les Tamouls de l’Est, qui vivent dans une région où ils cohabitent avec d’importantes minorités cinghalaise et musulmane, ont payé le prix de sang le plus lourd depuis vingt ans mais se trouvent sous représentés au sein de l’appareil du LTTE et les Tamouls de la région Est reçoivent moins d’aide que ceux du Nord. Vellupilai Prabhakaran a répliqué en expulsant, le 6 mars, Karuna du LTTE, et a lancé des commandos pour l’assassiner. Karuna commandant un tiers environ des forces militaires des Tigres, les Sri Lankais ont pensé que la guerre intestine qui se manifestait chez les Tigres pouvait déboucher sur un embrasement général et la reprise des hostilités, très nettement diminuées depuis le cessez-le-feu de février 2002 (1).

Lors de la rencontre avec S. P. Thamilchelvan, Mgr Kingsley Swampillai a souligné que le LTTE ne devait pas ignorer les avancées du processus de paix. Au nom de la délégation, il a demandé que le LTTE « reconsidère sa décision » concernant l’expulsion de Karuna et s’attache à refaire l’unité du mouvement. Il a ajouté que beaucoup craignaient que ce conflit ne débouche sur un régionalisme exacerbé d’où la région Nord et la région Est sortiraient divisées. En réponse, le leader tamoul a déclaré que l’appel à réintégrer Karuna venait « un petit peu trop tard » mais a promis qu’il n’y aurait pas de bain de sang et que les Tigres continueraient à ouvrer en douceur pour un accord de paix. Un nouveau commandant pour la région Est avait déjà été nommé, a-t-il ajouté.

Sur place, dans la région Est, l’inquiétude était vive dans les jours qui ont suivi l’annonce de cette crise. Un « hartal un arrêt de travail, a été annoncé par les partisans de Karuna. Un prêtre catholique interrogé par l’agence Ucanews le 9 mars a déclaré, sous le sceau de l’anonymat, que beaucoup de gens redoutaient les conséquences de la crise. « Avec un LTTE divisé en deux, il peut y avoir un clash a-t-il dit. De retour de Kiran, la ville où est né Karuna, où il avait célébré la messe, ce prêtre a précisé que les gens craignaient de perdre ce qu’ils avaient gagné depuis la mise en place du cessez-le-feu. Si les habitants de Kiran se disent partisans de Karuna, ailleurs, dans la province, les Tamouls se montraient divisés, certains soutenant la direction du LTTE, d’autres se déclarant partisans de Karuna.