Eglises d'Asie

Dans la campagne pour les élections législatives du 21 mars 2004, la religion et sa place dans la société, plus que la lutte contre la pauvreté ou la corruption, occupent le devant de la scène

Publié le 18/03/2010




Depuis le 3 mars dernier, date à laquelle le Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi a annoncé la dissolution du Parlement fédéral, la campagne électorale occupe le devant de l’actualité. Largement attendues, ces élections constitueront le premier test d’importance pour le nouveau chef du gouvernement, qui a succédé fin octobre 2003 à Mahathir Mohamad, après vingt-deux ans de pouvoir. Si l’issue du scrutin ne fait que peu de doutes, la coalition du Front national (Barisan Nasional), au pouvoir, devant largement l’emporter, l’intérêt de la consultation porte sur les résultats qu’obtiendra le PAS (Parti Islam SeMalaysia), d’inspiration islamique, qui contrôle déjà deux des treize Etats du pays (1). La campagne électorale a été officiellement ouverte le 13 mars, avec la clôture des dossiers de candidatures, et les élections auront lieu le 21 mars. Dans l’effervescence préélectorale, on peut remarquer que les dossiers tels que le développement économique ou la lutte contre la pauvreté sont passés au second plan au profit de la religion et de sa place dans la société malaisienne.

Lors d’un meeting politique le 7 mars dernier à Malacca, le Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi a fait appel à Allah devant 15 000 partisans : « Je prie Allah pour assurer une large majorité au Barisan Nasional a-t-il dit. Peu avant, le leader spirituel du PAS, Nik Aziz Nik Mat, avait lui aussi invoqué l’aide de Dieu dans la campagne, promettant le paradis à ceux qui voteront pour le PAS et l’enfer aux autres. Bien que le ministre de l’Agriculture ait déclaré en février dernier que la riziculture était en danger dans le pays et que 500 000 petits cultivateurs pourraient se retrouver d’ici peu au chômage du fait des très importantes importations illégales de riz en provenance de Thaïlande, le thème principal de la campagne électorale est la religion, même si d’autres thèmes occupent les candidats à la députation, tel celui de la lutte contre la corruption.

Le président du PAS, Abdul Hadi Awang, qui dirige également l’Etat de Terengganu, a déclaré que la Constitution devait être amendée de façon à être certain que le poste de Premier ministre ne puisse être occupé que par une personne de religion musulmane. Interrogé par des journalistes afin de préciser son propos, dans un pays où la question de l’appartenance religieuse recouvre en partie celle de l’appartenance ethnique, le dirigeant islamique a précisé qu’un Malaisien d’origine chinoise pourrait être Premier ministre à la condition d’être musulman.

Les propos du dirigeants du PAS s’inscrivaient à la suite d’une série de déclarations où il pressait le Premier ministre de se prononcer clairement sur l’introduction ou non de la charia au niveau fédéral (2). Les dirigeants du PAS, en outre, ont tenté de montrer que, par sa politique, sa conduite et son passé, le Premier ministre ne pouvait se présenter en tant que dirigeant musulman digne de ce nom. En réponse, le Premier ministre a déclaré qu’il refusait d’entrer dans le débat en ces termes et que son objectif était de faire de la Malaisie un Etat islamique progressiste, où l’éducation et le développement soient premiers et où les « races les différentes composantes de la société malaisienne – Malais, Chinois et Indiens -, soient traitées sur un pied d’égalité.

Bien que le PAS ait multiplié les initiatives visant à convaincre les non-Malais qu’ils n’avaient rien à craindre d’un gouvernement dominé par un parti islamique, certains observateurs locaux notent qu’il a choisi, à quelques jours des élections, de se présenter sous un jour relativement radical dans le but de faire le plein des voix musulmanes. « Peut-être que le jour où le PAS sentira que le pouvoir, au niveau national, est à sa portée, les choses seront-elles différentes. Mais pour l’heure, il se montre prêt à offenser les Chinois afin de ne pas perdre sa base électorale analyse Phoon Wing Keong, du Centre d’études sino-malaisiennes. Selon ce chercheur, le positionnement actuel du PAS ne peut que bénéficier à l’Association sino-malaisienne, la composante chinoise du Barisan Nasional.