Eglises d'Asie

Le Saint-Siège a publiquement demandé des explications aux autorités chinoises pour la récente arrestation de l’évêque « clandestin » du diocèse de Qiqihar

Publié le 18/03/2010




Dans une déclaration en date du 10 mars dernier, le Vatican a publiquement demandé des explications à Pékin pour la récente arrestation d’un évêque de la partie « clandestine » de l’Eglise catholique en Chine. Joaqin Navarro-Valls, directeur de la salle de presse du Saint-Siège, s’est exprimé au sujet de l’arrestation, le 5 mars, de Mgr Wei Jingyi, évêque « clandestin » du diocèse catholique de Qiqihar, dans la province du Heilongjiang. Il a fait part de « la tristesse et la préoccupation » du Vatican après l’arrestation de l’évêque, ajoutant : « S’il existe des chefs d’accusation contre l’évêque arrêté, alors ils devraient être rendus publics, comme c’est le cas dans tous les Etats de droit. Le Saint-Siège n’a pour sa part aucune raison de douter de l’innocence du prélat. » Pour Anthony Lam Sui-ki, du Centre d’études du Saint-Esprit du diocèse de Hongkong, si les arrestations d’évêques et de prêtres « clandestins » ne sont pas rares en Chine, moins fréquente est la réaction publique du Saint-Siège. Il ajoute qu’il ne voit cependant pas de motivation particulière à la réaction du Saint-Siège, si ce n’est le souci du Vatican pour la sécurité de Mgr Wei Jingyi.

Selon un prêtre « clandestin » de l’est de la Chine contacté par l’agence Ucanews le 8 mars, Mgr Wei Jingyi a été interpellé en compagnie de son chauffeur et de deux visiteurs venus de l’étranger qu’il était allé chercher à l’aéroport de Harbin, capitale du Heilongjiang. La Fondation du cardinal Kung, aux Etats-Unis, précise que l’arrestation s’est produite au péage autoroutier de la voie rapide reliant l’aéroport à la ville. Le chauffeur et les deux visiteurs venus de l’étranger ont été libérés dès le lendemain. Selon le prêtre interrogé par Ucanews, l’arrestation de l’évêque de Qiqihar est à mettre en lien avec la tenue à Pékin de la 10e session de l’Assemblée nationale populaire (ANP) et de la Conférence consultative politique du peuple chinois, les deux instances du pouvoir législatif de la Chine populaire. Cette année, l’Assemblée était en session du 5 au 14 mars et la Conférence du 3 au 12 mars. Souvent, lors de tels événements, la Sécurité publique procède à des arrestations « préventives ». Selon une source catholique chinoise, on peut s’attendre à ce que Mgr Wei Jingyi soit libéré après le 11 avril prochain, jour de Pâques : « Pâques tombe cette année peu après la fin de la session de l’ANP et les grandes fêtes religieuses sont des moments choisis pour la police pour exercer des pressions sur les catholiques clandestins. »

Le 11 mars, à Pékin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois a déclaré que la Sécurité publique n’avait pas pris de « mesures restrictives » à l’encontre de Mgr Wei Jingyi et que « la rumeur [de son arrestation] ne correspondait pas aux faits ». Interrogé par l’agence Reuters, un responsable du Bureau des Affaires religieuses a cependant précisé que l’évêque avait été interpellé de façon « à lui parler ». Selon ce responsable, Mgr Wei Jingyi « a voyagé à l’étranger » avec un papier d’identité portant son nom mais « une photo qui n’était pas la sienne ». Selon des sources catholiques « clandestines », la sour aînée et le frère cadet de Mgr Wei ont été autorisés le 10 mars à rendre visite à l’évêque, détenu dans une résidence hôtelière du Bureau des Affaires religieuses de la ville de Harbin. Sa libération prochaine aurait été annoncée, sans qu’aucune date ne soit précisée.

Ce n’est pas la première fois que Mgr Wei est arrêté, sa dernière interpellation remontant au mois de septembre 2002. Arrêté le 9 septembre de cette année, il avait été relâché trois semaines plus tard, le 2 octobre, sans qu’aucune raison ne soit donnée tant pour son arrestation que pour sa remise en liberté (1). Agé de 46 ans, Mgr Wei est né en mai 1958 dans une famille originaire de Baoding, dans le Hebei, qui avait fui la famine consécutive au Grand Bond en avant en partant s’installer dans le Nord-Est chinois. Il a été formé à la prêtrise au début des années 1980 alors que l’Eglise catholique commençait tout juste à se relever après la Révolution culturelle (1966-1976). Ordonné prêtre en 1985, il est arrêté en 1987 à Qiqihar pour avoir fait imprimer des livres religieux sans autorisation préalable (2). Emprisonné sans avoir été jugé, il est libéré en 1989 puis tente d’organiser avec son évêque, Mgr Guo Wenzhi, une Conférence épiscopale « clandestine », dont il devient le secrétaire général. Arrêté en 1990, ainsi que tous ceux qui avaient pris part à une réunion de cette conférence clandestine, il est condamné à trois ans de rééducation par le travail puis sort de camp au bout de deux ans, en 1992 (3). Son évêque étant très âgé et malade, il est nommé, en accord avec le Saint-Siège, évêque coadjuteur de Qiqihar en 1995. Depuis le retrait de Mgr Guo, il est l’évêque en titre du diocèse de Qiqihar.