Eglises d'Asie

L’opposition islamique sort laminée des urnes et le Premier ministre remporte une nette victoire personnelle

Publié le 18/03/2010




Dimanche 21 mars, la défaite du Parti Islam SeMalaysia, principale composante de la formation d’opposition rassemblée au sein du Barisan Alternatif, a surpris par son ampleur. Outre la perte de l’Etat de Terrenganu, le parti islamiste s’est trouvé laminé au Parlement fédéral où la formation de la majorité, le Barisan Nasional, coalition de quatorze partis politiques dominée par l’UMNO (United Malays National Organisation) du Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi, a raflé 198 des 219 sièges. En termes de suffrages, le succès de la majorité est tout aussi patent : avec 64,4 % des voix, le Barisan Nasional fait quasiment aussi bien qu’en 1995, où il avait remporté son meilleur score (65 % des voix), et surtout beaucoup mieux qu’en 1999 où, avec 56,5 % des voix. Lors du précédent scrutin, en 1999, la coalition de la majorité avait reculé au sein d’un électorat malais musulman séduit par le PAS à la suite de la crise financière régionale de 1997 et du mauvais sort fait par Mahathir Mohamad à Anwar Ibrahim, héritier désigné puis déchu de celui qui a dirigé la Fédération de Malaisie durant vingt-deux ans (1). Lors d’une conférence de presse donnée au lendemain des élections, Abdullah Ahmad Badawi a déclaré que le résultat sorti des urnes était « une approbation (donnée) à [ses] idées » et à sa vision pour une Malaisie progressiste et moderne.

La campagne électorale avait été dominée par la place à donner à la religion dans la société malaisienne (2). Le PAS promettait, en brandissant le Coran, une place au paradis pour ses partisans. Le Premier ministre répondait qu’il ne souhaitait pas se laisser entraîner dans de telles controverses, tout en émaillant son discours de versets du Livre sacré des musulmans et en se prévalant de son appartenance familiale à une lignée d’érudits musulmans. Dans les urnes, les Malaisiens, composés d’une majorité malaise musulmane (55 % de la population), d’une minorité chinoise (35 % de la population), d’une minorité indienne (8 % de la population) ainsi que d’un petit nombre d’Eurasiens et d’aborigènes, ont dit que « les thèses du PAS – l’instauration d’un Etat théocratique avec l’application de la charia – étaient incompatibles avec notre pays multiracial ». Telle est l’analyse donnée au lendemain du scrutin par Lim Kit Siang, président du Parti de l’action démocratique (du Barisan Alternatif), dominé par les Sino-Malaisiens.

Selon les observateurs, le scrutin a été relativement peu entaché d’irrégularités, même si le camp du Premier ministre a pu bénéficier de quelques milliers d’« électeurs fantômes » (personnes décédées qui restent sur les listes électorales) et d’« électeurs importés » (qui, en l’échange de 300 ringgits (66 euros), viennent par bus entiers faire pencher la balance dans les circonscriptions incertaines). Le découpage électoral, par ailleurs, avait été conçu pour favoriser le Barisan Nasional.

Avec la majorité qui est la sienne, le Barisan Nasional se retrouve en position de mener la politique de son choix. « Les électeurs ont donné à Abdullah le pouvoir d’être plus injuste, plus antidémocratique et plus autoritaire que Mahathir, s’inquiétait peu après le 21 mars Syed Husin Ali, président du Parti du peuple malaisien. Il n’y a plus d’opposition en Malaisie. » Pour les commentateurs locaux de la scène politique malaisienne, la question est de savoir ce que va faire le Premier ministre de sa victoire. En juin prochain, un congrès de l’UMNO sera l’occasion pour lui d’assurer son emprise sur son parti en entrant définitivement dans l’après-Mahathir. Sur un plan politique, le Premier ministre devra confirmer les orientations qu’il a dévoilées depuis son accession au pouvoir exécutif : la lutte contre la corruption, un rééquilibrage entre le monde rural et la Malaisie urbanisée ou industrialisée, une politique étrangères moins agressive. Avant les élections, quelques hauts responsables – jusqu’au rang de ministre – avaient été démis et des contrats annulés au nom de la lutte contre la corruption. Le remaniement du gouvernement annoncé le 27 mars a paru timide à certains observateurs, l’équipe gouvernementale passant de 29 à 34 membres pour faire place à certains alliés politiques du Barisan Nasional.

Une refonte des bases sur lesquelles la Malaisie d’aujourd’hui s’est développée s’impose, estiment nombre d’analystes politiques. Trente années de « discrimination positive » à base de quotas pour favoriser la promotion des Malais dans l’éducation et les services publics ont permis ce développement tout en accentuant paradoxalement la ségrégation entre les différentes composantes de la société. Outre la corruption dont la minorité chinoise dit être victime dans la conduite des affaires économiques, les Indo-Malaisiens font figure de parents pauvres de la société. « Les Indiens sont devenus la nouvelle sous-classe estime Lim Kit Siang, du Parti d’action démocratique.