Eglises d'Asie – Malaisie
L’opposition islamique sort laminée des urnes et le Premier ministre remporte une nette victoire personnelle
Publié le 18/03/2010
La campagne électorale avait été dominée par la place à donner à la religion dans la société malaisienne (2). Le PAS promettait, en brandissant le Coran, une place au paradis pour ses partisans. Le Premier ministre répondait qu’il ne souhaitait pas se laisser entraîner dans de telles controverses, tout en émaillant son discours de versets du Livre sacré des musulmans et en se prévalant de son appartenance familiale à une lignée d’érudits musulmans. Dans les urnes, les Malaisiens, composés d’une majorité malaise musulmane (55 % de la population), d’une minorité chinoise (35 % de la population), d’une minorité indienne (8 % de la population) ainsi que d’un petit nombre d’Eurasiens et d’aborigènes, ont dit que « les thèses du PAS – l’instauration d’un Etat théocratique avec l’application de la charia – étaient incompatibles avec notre pays multiracial ». Telle est l’analyse donnée au lendemain du scrutin par Lim Kit Siang, président du Parti de l’action démocratique (du Barisan Alternatif), dominé par les Sino-Malaisiens.
Selon les observateurs, le scrutin a été relativement peu entaché d’irrégularités, même si le camp du Premier ministre a pu bénéficier de quelques milliers d’« électeurs fantômes » (personnes décédées qui restent sur les listes électorales) et d’« électeurs importés » (qui, en l’échange de 300 ringgits (66 euros), viennent par bus entiers faire pencher la balance dans les circonscriptions incertaines). Le découpage électoral, par ailleurs, avait été conçu pour favoriser le Barisan Nasional.
Avec la majorité qui est la sienne, le Barisan Nasional se retrouve en position de mener la politique de son choix. « Les électeurs ont donné à Abdullah le pouvoir d’être plus injuste, plus antidémocratique et plus autoritaire que Mahathir, s’inquiétait peu après le 21 mars Syed Husin Ali, président du Parti du peuple malaisien. Il n’y a plus d’opposition en Malaisie. » Pour les commentateurs locaux de la scène politique malaisienne, la question est de savoir ce que va faire le Premier ministre de sa victoire. En juin prochain, un congrès de l’UMNO sera l’occasion pour lui d’assurer son emprise sur son parti en entrant définitivement dans l’après-Mahathir. Sur un plan politique, le Premier ministre devra confirmer les orientations qu’il a dévoilées depuis son accession au pouvoir exécutif : la lutte contre la corruption, un rééquilibrage entre le monde rural et la Malaisie urbanisée ou industrialisée, une politique étrangères moins agressive. Avant les élections, quelques hauts responsables – jusqu’au rang de ministre – avaient été démis et des contrats annulés au nom de la lutte contre la corruption. Le remaniement du gouvernement annoncé le 27 mars a paru timide à certains observateurs, l’équipe gouvernementale passant de 29 à 34 membres pour faire place à certains alliés politiques du Barisan Nasional.
Une refonte des bases sur lesquelles la Malaisie d’aujourd’hui s’est développée s’impose, estiment nombre d’analystes politiques. Trente années de « discrimination positive » à base de quotas pour favoriser la promotion des Malais dans l’éducation et les services publics ont permis ce développement tout en accentuant paradoxalement la ségrégation entre les différentes composantes de la société. Outre la corruption dont la minorité chinoise dit être victime dans la conduite des affaires économiques, les Indo-Malaisiens font figure de parents pauvres de la société. « Les Indiens sont devenus la nouvelle sous-classe estime Lim Kit Siang, du Parti d’action démocratique.