Eglises d'Asie – Cambodge
L’EGLISE DU CAMBODGE ET LA FORMATION DES SEMINARISTES
Publié le 18/03/2010
L’Eglise du Cambodge regroupe actuellement cinquante-six prêtres, dont cinq prêtres cambodgiens, nouvellement ordonnés. Parmi les cinquante et un prêtres venant de l’étranger, on peut dénombrer quinze provenances différentes : Philippines, Indonésie, Italie, Thaïlande, France, Belgique, Etats-Unis, Irlande, Espagne, Colombie, Corée, Inde, Vietnam, Québec, Pays-Bas.
D’autre part, les prêtres appartiennent à différents instituts ou congrégations : Société de Jésus, Missions Etrangères de Paris, Salésiens de Don Bosco, Missions Etrangères de Milan, Missions Etrangères de Thaïlande, Missionnaires de Maryknoll (Etats-Unis), Missions Etrangères de Yarumal (Colombie), Missions Etrangères de Corée et Missions Etrangères de Québec. A cela il faut ajouter, un prêtre Fidei Donum.
La moyenne d’âge des prêtres actuellement présents au Cambodge est de 49 ans.
L’Eglise du Cambodge est constituée de trois circonscriptions ecclésiastiques : le vicariat apostolique de Phnom Penh et les préfectures apostoliques de Battambang et de Kompong Cham. La superficie du Cambodge est de 180 000 km , pour une population de plus de 12 millions d’habitants. En 1994, des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et le royaume du Cambodge ont été établies. Le nonce apostolique réside à Bangkok et représente le pape auprès de sept pays différents : la Thaïlande, le Cambodge, le Laos, la Birmanie, Singapour, la Malaisie et Brunei. D’autre part, les Eglises du Laos et du Cambodge forment une seule Conférence épiscopale.
L’Eglise catholique compte à peu près 21 000 fidèles (7 000 catholiques khmers et 14 000 catholiques viet-namiens). Après vingt années de tribulations, entre 1970 et 1990, l’Eglise du Cambodge a refait surface au tout début des années 1990, dans une situation nouvelle, inconnue avant 1975, date du début du régime Khmer rouge qui a fait près de deux millions de victimes, parmi lesquelles les deux ordinaires khmers (le vicaire apostolique de Phnom Penh, Mgr Salas, et le préfet apostolique de Battambang, Mgr Tep Im), les prêtres, des religieuses et de nombreux chrétiens. Les couvents ont été rasés, la cathédrale ainsi que la presque totalité des églises détruites, sans oublier le monastère bénédictin de Kep.
Lors de l’ouverture du pays à la fin 1989, les premiers missionnaires sont revenus, suivis par d’autres membres d’instituts missionnaires ou de congrégations. Il a été souvent fait référence à la résurrection de l’Eglise du Cambodge, renaissant de ses cendres. Le nouveau visage de l’Eglise, jusqu’alors inconnu, témoigne bien de cette résurrection qui nous surprend : nombreuses conversions, nouvelles implantations chrétiennes dans des zones où jusqu’à présent les missionnaires n’étaient jamais allés, croissance de jeunes communautés sous l’impulsion de deux ou trois chrétiens ayant connu le Christ dans les camps de réfugiés.
Pendant les premières années, pratiquement entre 1990 et 1995, il s’est agi non seulement de reconstruire ce qui était détruit, au sens propre comme au sens figuré, mais également de partir à la recherche des chrétiens dispersés, ou ayant perdu tout contact avec l’Eglise pendant de nombreuses années, voire, quelque fois, ayant abandonné l’Eglise.
Il y a donc eu le témoignage de ces nouvelles petites communautés, signes de l’Esprit, présentes dans des endroits totalement inconnus avant la guerre. Il y a eu la nouvelle croissance des anciennes communautés, décimées pour la plupart, mais encore vivantes. Il y a eu et il y a encore le long travail de catéchuménat pour accueillir les centaines de Khmers qui veulent devenir chrétiens, ce qui ne s’était jamais vu avant 1975. Il y a le délicat et important travail de formation des chrétiens, des catéchistes. Il y a l’attention constante à porter aux plus pauvres, ce que l’Eglise a toujours eu le souci de faire, souci qui s’affine sans cesse face aux nouveaux besoins et aux nouveaux problèmes cruciaux de la société cambodgienne. Pensons par exemple à l’explosion du nombre des malades du sida, au nombre d’ouvrières sans qualification nouvellement arrivées sur le marché du travail à travers l’implantation d’usines de confection textile, au nombre affolant d’orphelins dont le père et la mère sont morts du sida (180 000 orphelins prévus pour 2005). Pensons aux différents problèmes liés à l’éducation, depuis l’école maternelle jusqu’à l’université. Pensons aux problèmes liés à la santé. L’Eglise s’est engagée dans tous ces domaines, avec une certaine énergie, à travers la présence des différentes congrégations religieuses, des organisations non gouvernementales (ONG) catholiques. En quelques années seulement, l’Eglise a été témoin de bien des merveilles, et elle a su également témoigner de l’Amour du Christ à travers les chrétiens qui sont devenus à leur tour missionnaires.
C’est dans ce contexte que je voudrais évoquer la situation du grand séminaire de Phnom Penh. En quelques années, en partant de pratiquement rien, l’Eglise a beaucoup donné et a reçu beaucoup. Cinq nouveaux prêtres ont été formés et ont rejoint les missionnaires étrangers. Le séminaire poursuit ce travail de formation, en étant signe d’espérance pour les chrétiens et en particulier pour les jeunes.
Ah, les mathématiques !
– Combien avez-vous de séminaristes ?
– Quatre.
– C’est tout ?
Voilà généralement comment s’instaure la discussion au sujet du séminaire de Phnom Penh lorsque l’on vient me demander des informations sur la formation des prêtres au Cambodge ! Alors j’utilise toutes mes ressources de persuasion pour montrer que quatre séminaristes pour un total de 21 000 catholiques présents au Cambodge, c’est énorme pour une si petite Eglise. Toutes proportions gardées, de rapides statistiques montrent qu’en France, nous aurions ainsi près de 10 000 séminaristes ! Mais, dans ce domaine, les mathématiques ne mènent pas à grand chose !
De plus, depuis la réouverture du pays en 1990, et la possibilité pour l’Eglise catholique de reprendre ses activités, quatre jeunes ont été ordonnés prêtres en décembre 2001, après neuf années de formation. Actuellement, quatre nouveaux candidats sont en formation, et un bon nombre de jeunes chrétiens réfléchissent à la vocation sacerdotale (voir ci-dessous).
Comment présenter le Séminaire Saint-Jean-Marie Vianney ? Comme une priorité voulue par les évêques, comme signe d’espérance pour cette jeune Eglise, comme signe des efforts entrepris par l’Eglise pour tous les jeunes qui se posent des questions, pour ceux qui réfléchissent à leur vie de chrétien !
Pas de projet démesuré, mais un projet à la taille de l’Eglise, dans un pays où l’éducation des jeunes est un enjeu de première importance, où l’implantation récente des communautés requiert également un soutien permanent, où la pauvreté demeure une préoccupation pour une grande partie de la population. Il s’agit de pouvoir répondre aux besoins des jeunes et de l’Eglise, et en particulier de ceux qui ont le projet de devenir prêtre. Pas de projet grandiose en effet, mais un réel souci d’accueil, dans une situation qui est celle de l’Eglise actuellement. Inutile de rêver à un grand séminaire avec plusieurs dizaines de candidats, en tout cas, pas pour les prochaines années ! Remercions le Seigneur pour la grâce qu’il nous fait d’avoir déjà des prêtres locaux et des séminaristes en formation.
Ainsi, un des premiers défis qui s’impose à nous est la formation à dispenser aux candidats, comme dans tous les autres séminaires, en suivant un curriculum respectant les grandes lignes de la formation et, d’autre part, la nécessaire adaptation à réaliser pour le petit nombre de candidats qui se présentent.
Un peu d’histoire
L’histoire du séminaire de Phnom Penh est liée à la Société des Missions Etrangères de Paris dont l’un des buts est de former un clergé local. En 1660, Mgr Lambert de la Motte fonde le premier séminaire d’Asie. Au gré des aléas politiques, le séminaire qu’on appelle le Collège général va se déplacer en différents lieux en Thaïlande, au Cambodge entre 1767 et 1769, en Inde et en Malaisie à partir de 1807. En 1782 est fondé par ailleurs un séminaire diocésain dans le sud du Cambodge (actuel Vietnam). Les séminaristes sont surtout vietnamiens. Entre 1788 et 1939, cent cinquante prêtres ont été formés dans ce séminaire. En 1912, l’évêque de Phnom Penh transfère le séminaire à Phnom Penh. A cette époque, tous les séminaristes sont vietnamiens. En 1939, le séminaire ferme à cause de la guerre et les séminaristes retournent étudier à Saigon.
De 1954 à 1964, les séminaristes sont formés à Saigon. En 1964, les séminaristes vietnamiens, habitant au Cambodge, reçoivent leur formation à Phnom Penh. En 1969, ce séminaire ferme ses portes pour que les séminaristes puissent aller étudier le khmer en province. Les séminaristes khmers sont envoyés en France ou en Malaisie. En 1970, c’est la guerre au Cambodge. Tout est interrompu jusqu’en 1992. En 1988, des contacts sont pris avec deux chrétiens khmers vivant au Canada (Pierre Tunlop Sophal et Un Son) qui veulent devenir prêtres. Ils sont envoyés en France.
En 1991, dans les camps de réfugiés, trois jeunes chrétiens commencent à vivre ensemble et pensent à la vocation sacerdotale. En 1992, ces trois jeunes (Hoang, Viney et Ly) et Son (venant du Canada, après une année au séminaire des aînés de Vienne en France) viennent étudier à Battambang, dans le nord du Cambodge. Une maison s’ouvre pour leur formation. Jusqu’en 1998, on comptera huit séminaristes.
En 1998, le séminaire est transféré à Phnom Penh : nouvelle équipe formatrice, nouveau programme. Quatre séminaristes (les plus anciens : Hoang, Son, Viney et Ly) sont acceptés au séminaire pour poursuivre leurs études. En septembre 1999, deux nouveaux séminaristes (Neth et Bora) s’adjoignent au groupe des quatre anciens. En septembre 2000, Neth arrête sa formation. Bora est envoyé une année aux Philippines, pour parfaire son niveau d’anglais et profiter de l’expérience spirituelle du mouvement des Focolari. En septembre 2001, retour de Bora, et accueil de deux nouveaux séminaristes (Na et Tao). La communauté de l’année 2001-2002 comporte donc trois séminaristes. En septembre 2002, Bora est envoyé poursuivre sa formation aux Philippines. Accueil de Borei, nouveau candidat. En septembre 2003, aucun nouveau candidat au séminaire. Notre communauté comprend ainsi actuellement trois séminaristes et deux prêtres, un quatrième séminariste poursuivant sa formation aux Philippines.
D’autre part, depuis 1999, le séminaire de Phnom Penh a eu l’idée d’inviter des séminaristes de différents pays d’Asie, à venir au séminaire partager la vie de la communauté pour une période d’une année. Nous savons que les réalités des différentes Eglises d’Asie sont riches et diverses. Il nous paraît ainsi intéressant de proposer à un ou deux séminaristes, venant d’autres pays d’Asie, en formation dans leurs séminaires respectifs, de réaliser une expérience à l’étranger, dans une Eglise sour, afin de connaître également une autre culture, un autre peuple et une autre langue. C’est une manière pour ces séminaristes de côtoyer d’autres frères séminaristes et, pour les séminaristes cambodgiens, de pouvoir s’ouvrir à d’autres horizons.
Pourquoi un séminaire pour si peu de monde ?
Question maintes fois soulevée : pourquoi un séminaire, alors que le nombre des candidats est si faible ? Ne serait-il pas plus simple d’envoyer les candidats se former à l’étranger ?
Le désir des trois ordinaires de l’Eglise du Cambodge est très clair : le séminaire est un signe d’espérance pour les jeunes. Je pense que cette attitude est réellement encourageante pour les jeunes et pour l’Eglise en général. Il est vrai que la formation mise en place pour quelques candidats est lourde, en énergies humaines et financières, mais peut-on mesurer cela seulement à l’aune du nombre de candidats ! En quelque sorte, cela reviendrait à dire que, pour sept ou huit ou plus, l’aventure vaut le coup mais que pour trois ou quatre ça ne le vaudrait pas ! Il est vrai qu’il en va aussi de la vie communautaire, une communauté d’une vingtaine de séminaristes apportant à l’ensemble des jeunes une ambiance qu’une communauté de quatre candidats ne peut apporter. Néanmoins, c’est sans doute la réalité de cette petite Eglise qu’il faut prendre en compte, et les séminaristes en comprennent les richesses et les limites.
En 1992, le séminaire, alors à Battambang, a accueilli quatre séminaristes, ordonnés prêtres en décembre 2001, après avoir poursuivi leur formation dans un second temps à Phnom Penh, de 1998 à 2002. Je pense que les efforts entrepris par l’Eglise depuis ce temps sont vraiment encourageants. Dès l’ouverture du pays, en 1990-1991, les ordinaires ont aussitôt pensé qu’il fallait s’engager dans la formation d’un clergé local, totalement décimé par la guerre. Ainsi, en quelques années, quatre prêtres, les premiers formés au Cambodge depuis plus de trente ans, ont été ordonnés. A posteriori, on ne peut donc pas dire que l’entreprise a été inutile.
De même, malgré sa petitesse, l’Eglise du Cambodge poursuit ses efforts pour la promotion d’un clergé local, connaissant les limites qui sont les siennes, dans les circonstances actuelles. Je pense que l’absence de séminaire au Cambodge serait une sombre manière d’envisager l’avenir, prétendant que, pour le moment, on ne peut rien faire. Le signe est donné : l’Eglise appelle et forme ceux qu’elle appelle. Voilà une attitude encourageante pour les jeunes. J’aurais du mal à penser à une pastorale des vocations disant aux jeunes : “Nous n’avons rien à vous proposer !”
Très concrètement, on pourrait envisager d’envoyer systématiquement les jeunes se former à l’étranger. Mais la formation n’est pas uniquement une affaire d’études. C’est l’enracinement dans une Eglise qui est à prendre en compte, la connaissance des communautés chrétiennes, surtout dans la situation qui est celle d’une Eglise jeune, qui grandit vite et qui présente un grand nombre de catéchumènes. La formation spirituelle est ainsi consolidée sur place, dans le contexte de précarité qui est le nôtre. Cela donne une dimension supplémentaire à la formation. La formation intellectuelle elle-même prend un sens accru quand elle se présente dans le pays en question car elle se passe dans la langue du pays. Tout faire dans une langue étrangère ne serait peut-être pas la meilleure solution.
Il est bon d’envisager par exemple l’étude de l’Ecriture Sainte dans sa propre langue, pour pouvoir ensuite la partager à ses frères. Dans un pays comme le Cambodge où la langue est totalement façonnée par l’influence du bouddhisme, où le vocabulaire religieux est celui du bouddhisme, il n’est pas banal d’avoir à transmettre la Parole de Dieu dans un vocabulaire nouveau qui puisse dire quelque chose aux habitants de ce pays. Il y a là un enjeu très spirituel, non négligeable, où le temps de la formation est un temps d’entraînement pour annoncer la Bonne Nouvelle dans sa propre langue, c’est-à-dire dans une langue où il faut, jour après jour, trouver le bon mot, l’expression juste qui n’existe pas toujours ! Les séminaristes prennent ainsi part à ce défi.
Evidemment, sans pousser le raisonnement à l’extrême, on peut penser envoyer l’un ou l’autre des candidats, avant ou après l’ordination, parfaire sa formation dans un pays étranger. Cela pourra se faire pour quelques candidats, parmi les plus aptes, mais non par principe pour tous les candidats.
De plus, il faut souligner que le contexte de la guerre a gravement entravé l’éducation des jeunes. Beaucoup de jeunes ont une formation faible, quelque fois à peine le niveau de l’école primaire. Actuellement, deux de nos séminaristes sont en formation à l’extérieur, pour atteindre le baccalauréat. Un autre, désormais trop âgé pour rejoindre le cursus normal des études secondaires ou supérieures, a commencé cette année le cycle de philosophie. Plus qu’une réflexion très générale sur la possibilité d’études à l’étranger, il convient de réfléchir très concrètement sur la situation présente et sur les candidats qui sont actuellement séminaristes. C’est cela qui donne l’orientation de notre formation.
A ce sujet, nous pourrions jeter un coup d’oil sur la formation dispensée dans quelques autres pays d’Asie. Au Laos par exemple, le nombre des candidats est faible également, comme à Singapour (onze candidats), à Hongkong (sept candidats) ou à Osaka (Japon). La question soulevée ci-dessus pourrait laisser à penser qu’une formation dans ces pays ne s’impose pas non plus. Mais, heureusement, une fois de plus, les mathématiques n’ont pas le dernier mot !
Le nom du séminaire : saint Jean-Marie Vianney
Lors de notre rencontre de début d’année 2002, notre groupe (quatre séminaristes et deux prêtres) s’était retrouvé pendant quelques jours pour réfléchir ensemble aux grandes lignes de notre programme de l’année. C’est à ce moment qu’a été soulevée la question du nom que l’on pourrait donner à notre séminaire. Les jeunes ont fait le choix de saint Jean-Marie Vianney. La raison est fort simple : “Comme nous, il n’était pas très doué dans les études !”
Comme je le mentionnais plus haut, les séminaristes présents actuellement à Phnom Penh n’ont pas un niveau scolaire très élevé. Ils sont le fruit des années difficiles qui ont empêché une réelle éducation pour les jeunes : manque de moyens financiers, incertitudes politiques, lendemains de la guerre, etc. Ce qui fait qu’actuellement, le séminaire poursuit comme objectif, entre autres, de pouvoir redonner aux candidats un “bagage” intellectuel suffisant pour pouvoir affronter la société moderne et aborder plus sereinement le programme de philosophie et de théologie requis dans le programme d’études de tout séminaire.
De plus, il est bon de conforter les jeunes, surtout vis-à-vis des jeunes de la “nouvelle génération” qui suivent un parcours normal d’études supérieures ou universitaires. En effet, il ne serait pas normal de former des jeunes au rabais et nous devons dans la mesure du possible leur permettre de rattraper ce dont ils ont manqué quelques années auparavant. En d’autres termes, il est bon de veiller à ne pas former un clergé à deux vitesses.
Présentation des séminaristes et situation sociale
Actuellement, les séminaristes du Cambodge sont quatre. Nous pourrions dire que nous sommes encore dans un contexte d’après-guerre avec une génération d’après-guerre, ce qui fait que les jeunes en formation n’ont pas atteint un niveau scolaire très élevé. En revanche, les jeunes qui font partie du groupe de réflexion sur la vocation sacerdotale sont tous pour ainsi dire en terminale ou étudiants à l’université, ce qui n’était pas le cas il y a cinq ans seulement. Nous pouvons donc penser que les prochains candidats au sacerdoce auront un niveau d’études supérieur, ce qui pourra faciliter leurs études de philosophie et de théologie.
Les jeunes séminaristes actuels n’ont pas le diplôme du baccalauréat. L’un d’entre eux, âgé de 32 ans, ne peut prétendre à poursuivre des études à l’école publique à cause de son âge. Sa maturité humaine lui permet cependant de commencer le programme de philosophie et de théologie.
Deux autres séminaristes sont actuellement en rattrapage scolaire dans une organisation non gouvernementale, dont les activités s’orientent sur la scolarité des enfants pauvres de la ville de Phnom Penh. Leur programme, qui va du cours préparatoire à la terminale, est reconnu par le gouvernement. Ainsi, pouvons-nous penser que, dans deux ou trois ans, ces deux séminaristes auront le diplôme du baccalauréat, résultat très honorable dans le contexte de pauvreté qui était le leur.
Les séminaristes sont de milieux sociaux modestes, voire pauvres. L’un est de famille bouddhiste et a été baptisé il y a quelques années à peine. Un autre est de famille catholique vietnamienne. Comme la plupart des catholiques vietnamiens, il possède une tradition spirituelle ou une éducation à la foi qui a fait défaut pendant des années aux catholiques cambodgiens. Deux autres séminaristes sont issus de familles “mixtes”, de père bouddhiste et de mère catholique, ou de père bouddhiste khmer et de mère catholique vietnamienne. Ces deux jeunes n’ont pas reçu d’éducation chrétienne et ont découvert la foi il y a quelques années seulement.
Le lieu
Depuis 1998, date où le séminaire a été transféré de Battambang à Phnom Penh, notre communauté se trouve dans une maison particulière située au nord de Phnom Penh, dans un quartier difficile : proximité de maisons de prostitution, grande nuisance sonore, petitesse du lieu. Il y a cinq chambres pour les séminaristes et, à l’avenir, nous pouvons imaginer l’accueil d’autres séminaristes malgré l’exiguïté du lieu.
Le lieu a une influence sur la formation elle-même :
– vie de communauté : le maison étant bruyante, située sur une grande artère de la ville, il est difficile de rester à l’extérieur de la maison, pour prier, marcher, discuter. Ainsi, l’intérieur de la maison devient l’unique lieu pour se retrouver. Mais il est difficile de rester toute la journée enfermé ! La petitesse du lieu ne permet pas la pratique de sports, des travaux manuels ou du jardinage par exemple.
– vie de prière : nous avons aménagé sur le toit une petite pièce de 4 mètres sur 4 qui fait office de chapelle. Elle est très agréable, assez calme, bien décorée, et nous avons vraiment plaisir à nous y retrouver tous ensemble deux fois par jour, le matin à 6 heures pour les Laudes et le soir à 18 heures 45 pour la célébration de l’Eucharistie. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, il nous faut quitter le séminaire quand nous voulons vraiment trouver un endroit silencieux, propice à la méditation.
– vie intellectuelle : en 1998, avec la présence des quatre séminaristes (ordonnés prêtres en décembre 2001), nous avions aménagé le garage pour en faire une salle de classe. Le soir, cette salle de classe se retransformait aussitôt en garage à mobylettes et à vélos ! C’était assez spacieux mais tout de même assez bruyant. Cette année, avec un seul séminariste en formation, nous pouvons disposer d’une petite pièce pour les cours, mais encore une fois elle est très bruyante vu la proximité de la route et d’une ferronnerie devant notre porte d’entrée ! Nous devons donc utiliser cette pièce les fenêtres fermées !
Néanmoins, avant de penser à la construction d’un nouveau centre de formation, il a été décidé de poursuivre les activités du séminaire dans son emplacement actuel, pendant quelques années. Notre maison pourrait recevoir une bonne douzaine de candidats et a l’avantage de se trouver en ville, proche des multiples activités ecclésiales et sociales utiles à la formation des jeunes. Dans le fond, c’est une chance de pouvoir se trouver dans un tel endroit, peu éloigné des communautés chrétiennes. Lors de nos multiples sessions ou conférences, cela permet d’accueillir facilement un grand nombre de participants qui ne se déplaceraient sans doute pas si nous étions éloignés de la ville, faute de moyens personnels de transport.
De plus, il ne faut pas négliger “l’immersion” du séminaire dans ces lieux difficiles. La zone nord de Phnom Penh, celle où nous nous trouvons, est réputée pour la prostitution. L’année dernière, les séminaristes avaient l’habitude de rassembler pratiquement tous les jours les jeunes du quartier pour quelques activités sportives : “football” (c’est un grand mot, étant donné la superficie dont nous disposons !), ping-pong, quelque fois des projections de vidéo. Cette année, les occupations de chacun ne permettent pas cette activité aussi régulièrement.
L’Eglise a acquis un terrain d’un hectare à 7 Km à la sortie de Phnom Penh dans le but de construire les bâtiments qui abriteront le futur séminaire. Mais il a semblé encore prématuré de réaliser ce projet avant quelques années.
Un petit séminaire ?
Par petit séminaire, nous entendons le lieu où des jeunes collégiens et lycéens, catholiques, viendraient étudier, tout en favorisant une vie chrétienne solide, avec l’aide de prêtres et de laïcs. Pour l’instant, nous n’avons pas de petit séminaire au Cambodge, sans doute pour la simple raison que l’Eglise n’a pas encore la possibilité de régir des établissements scolaires. Des écoles maternelles apparaissent, des établissements pour une formation technique existent déjà, une école primaire tenue par les sours salésiennes est en construction, mais nous n’avons pas encore de collège ou de lycée catholique d’enseignement général. En revanche, l’Eglise a fait de gros efforts ces dernières années pour soutenir les jeunes dans leurs études à travers des foyers. Depuis l’école primaire, jusqu’à l’université, dans pratiquement toutes les paroisses du Cambodge, existent des foyers pour élèves et étudiants. L’Eglise catholique subventionne les études, assure le gîte et le couvert des jeunes, tout en favorisant une vie chrétienne par la présence des prêtres ou des laïcs qui en ont la charge. Parmi ces jeunes, certains sont bouddhistes. A travers ces foyers, c’est fréquemment l’occasion pour eux de découvrir l’Eglise et de demander le baptême.
Voilà donc une expérience originale de l’Eglise qui se tourne résolument vers l’éducation des jeunes, dans un pays où le taux d’analphabétisme dépasse les 60 %.
Le service des vocations
Le service des vocations a commencé ses activités en décembre 1999. Les évêques m’ont demandé de m’occuper de ce service et de penser à la création d’un comité qui pourrait aider les jeunes dans leur réflexion sur leur vie de chrétien et en particulier sur la vocation sacerdotale. Nous avons ainsi commencé un programme avec une vingtaine de jeunes garçons venant des trois diocèses.
En quelques années, nous avons pu remarquer combien le niveau de culture générale, c’est-à-dire des études, était bien plus élevé qu’au début. Alors qu’auparavant les jeunes étaient surtout des étudiants de l’enseignement primaire ou secondaire, ceux qui demandent actuellement à faire partie de ce groupe, baptisé “Emmanuel sont pour ainsi dire tous en terminale ou à l’université. Depuis le début des activités du groupe “Emmanuel”, une soixantaine de jeunes ont fait partie ou font toujours partie de ce groupe. En effet, les jeunes savent qu’ils s’engagent à participer aux activités du groupe pendant deux années. A la fin de ces deux années, ils peuvent, s’ils le désirent, poursuivre encore une année au maximum. L’expérience nous a montré que certains manifestent le désir de poursuivre au delà. Nous avons ainsi proposé à quatre d’entre eux des rencontres plus fréquentes, moins longues, en semaine, autour de sujets choisis par eux, pour les aider plus personnellement dans leur démarche. Cela donnait l’occasion à quelques-uns de faire connaissance avec la direction spirituelle, expérience nouvelle pour eux.
Nos rencontres ont lieu tous les deux mois, un samedi et un dimanche. Nous avions commencé à raison d’un week-end tous les trimestres, mais les jeunes eux-mêmes ont désiré se retrouver plus fréquemment. Les lieux varient, mais nous sommes généralement aux alentours de Phnom Penh. Deux jours de programme ne nous permettent pas de faire de longs trajets, vu l’état des routes. En revanche, chaque année en septembre, période des grandes vacances, une semaine entière est proposée en province.
Cette année 2004, le programme tient davantage compte des fêtes nationales (vingt-six jours fériés par an) afin de permettre des rencontres plus longues (deux jours et demi ou trois jours), avec l’avantage supplémentaire pour les jeunes de ne pas s’absenter régulièrement de leur établissement scolaire.
Le comité responsable
Il est composé actuellement de cinq prêtres, d’une religieuse et d’une laïque missionnaire. Autant que faire se peut, nous essayons de participer tous ensemble aux différentes activités du groupe. C’est un témoignage pour les jeunes de voir que nous sommes avec eux, que nous sommes là pour eux.
Les fondamentaux
Une sorte de charte a été établie pour aider les jeunes dans leur réflexion. Ce n’est pas juste un groupe pour voir et écouter ce qui se passe, mais nous voulons donner les moyens de réfléchir à l’appel du Seigneur, à la manière dont nous y répondons déjà, à l’engagement de chacun dans l’Eglise, au service des autres. Cela demande une participation active, un effort personnel. Pour nous aider dans ce sens, quelques règles de conduite on été définies :
– Confiance réciproque : nous veillons à des partages sincères, profonds, fraternels. Nous ne sommes pas là pour juger l’attitude de l’autre mais pour nous aider mutuellement. Cela demande une connaissance mutuelle à approfondir régulièrement. Cela demande du respect, quelque fois de l’audace pour parler. Il est clair que les jeunes doivent se sentir libres de pouvoir exprimer ce qui les touche personnellement. Personne n’ira ensuite répéter les dires des uns et des autres à l’extérieur.
– La Parole de Dieu : une demi-journée est toujours réservée à la méditation de la Parole de Dieu. Suivant le sujet de nos rencontres, un texte de l’Ecriture est proposé aux jeunes du groupe “Emmanuel”, un mois à l’avance, avec quelques questions, pour leur permettre de mieux préparer la rencontre suivante.
– La Prière : souvent en soirée, notre groupe se retrouve pour une veillée de prière, la méditation du chapelet, l’adoration du Saint-Sacrement, une prière à la manière de Taizé… Le sacrement de la confession est proposé régulièrement. Les jeunes apprécient ce temps de silence, de rencontre privilégiée avec le Seigneur.
– L’engagement dans l’Eglise : pour faire partie de ce groupe “Emmanuel”, le jeune doit prendre contact avec son curé. Il est bon que le prêtre qui connaît bien le jeune en question soit au courant et donne un avis personnel. Notre réflexion commune, notre recherche du Seigneur, doit se concrétiser dans un service d’Eglise. Venir juste pour réfléchir et chanter n’est pas suffisant. Nous pouvons déjà, à notre place, dans notre ville ou village, répondre au Seigneur, chacun selon ses propres possibilités : catéchèse, groupe de jeunes, comité de liturgie, visite des malades, groupe de partage biblique.
– Objectif personnel : comment aider un jeune à avoir un objectif personnel, un projet, ou à répondre à un projet ? Comment peut-il s’organiser ? Quels moyens prend-il pour prier, rencontrer régulièrement un prêtre (direction spirituelle…), s’engager dans l’Eglise, étudier ? Vient-il seulement pour se laisser porter ou bien a-t-il déjà une attitude affirmée ?
– Le Cahier ! Nous remettons un cahier aux jeunes qui font partie de ce groupe, pour leur permettre d’écrire et de relire ce qui les marque dans leur vie quotidienne, non seulement pendant nos rencontres, mais au-delà, lorsqu’ils sont chez eux, dans leur paroisse. Ce cahier est strictement personnel, juste un outil pédagogique qui peut les aider à mieux réfléchir à la présence agissante de Dieu dans leur vie.
Les thèmes
Ils ont toujours été choisis par les jeunes : l’amour, la prière, la vie de couple, la liberté, la souffrance, la Parole de Dieu, les saints, la joie, comment relire sa vie, le célibat, la persévérance, le pardon, les autres religions, la vie communautaire, notre mission dans la société, etc. Un mois avant chaque rencontre, nous adressons une lettre présentant succinctement le thème, accompagné de quelques questions et références bibliques pour permettre une meilleure préparation et ainsi une meilleure participation.
Les témoins
Dans la mesure du possible, nous invitons un témoin qui puisse nous parler de son expérience, suivant le thème en question : prêtre, laïc, religieuse, couple. De plus, nos rencontres sont toujours animées par au moins deux ou trois d’entre nous, prêtres ou religieuses.
L’ouverture du séminaire
Depuis quelques semaines, le vendredi soir, les jeunes qui le veulent peuvent venir au séminaire, en soirée, tout simplement pour un moment passé ensemble : célébration de l’Eucharistie, repas et vidéo suivant les occasions. Les jeunes restent ensuite au séminaire pour la nuit, avant de repartir le samedi matin pour leurs études. C’est une occasion supplémentaire pour être avec eux, les accueillir, parler, passer du temps “gratuit” avec chacun d’entre eux, prier, plaisanter, . Les situations familiales sont généralement difficiles, et parfois très douloureu-ses. Ce moment passé au séminaire représente pour certains un endroit unique de liberté et d’accueil. C’est aussi pour certains l’occasion d’une direction spirituelle ou la possibilité de recevoir le sacrement de la confession.
Il est donc important pour le séminaire de favoriser en amont, certaines activités qui puissent aider les jeunes dans leur réflexion. C’est aussi une dimension de la vocation du séminaire.
Les séminaristes présents au Cambodge
Notre séminaire présente une communauté de trois séminaristes du Cambodge, ainsi que des séminaristes venus pour passer une année en notre compagnie dans le cadre de la proposition que nous avons lancée aux différents séminaires d’Asie il y a trois années maintenant. De plus, le Cambodge accueille chaque année des coopérants pour un service d’Eglise de deux années. Ces coopérants viennent de France ; parmi eux, certains sont séminaristes. Les jésuites accueillent également un certain nombre de scolastiques pour un temps de régence de deux années, à travers un service social et caritatif. Il me paraissait intéressant de pouvoir proposer à tous ces séminaristes présents au Cambodge – une bonne douzaine en tout – de pouvoir se retrouver pour un moment de détente, de prière, dans le but de partager ce qui fait la vie de tous ces jeunes venant de différents pays : le désir de devenir prêtre. L’expérience est enrichissante et à renouveler.
Ces différentes expériences m’enseignent qu’il est important de pouvoir tirer le meilleur de ce qui est à notre portée et de pouvoir inventer ainsi des moyens de mettre les uns et les autres en contact pour une plus grande ouverture d’esprit.
Le corps professoral
Pendant cette année scolaire 2003-2004, la formation de Tao, séminariste du diocèse de Battambang, verra la participation de onze professeurs au séminaire de Phnom Penh. Cela peut paraître beaucoup mais reflète en tout cas l’importance que tous ont voulu donner à cette formation. J’apprécie grandement de pouvoir compter sur ces prêtres et laïcs qui acceptent de venir enseigner un seul élève ! En effet, comme il a été mentionné plus haut, autant que faire se peut, les cours ou les sessions sont organisés de façon à permettre à un plus grand nombre de pouvoir y participer. Néanmoins, certains sujets de philosophie sont, par la force des choses, réservés au seul séminariste en question.
C’est un vrai défi de pouvoir trouver ici au Cambodge un nombre suffisant de formateurs pouvant enseigner en khmer. Parfois, des sessions sont organisées en anglais, le conférencier venant de l’extérieur ne pouvant pas enseigner en khmer. Le problème de la traduction a été plusieurs fois soulevé. Elle peut s’envisager pour des conférences assez courtes, mais elle devient lourde et difficile pour des sessions d’une semaine entière. Néanmoins, des documents de l’intervenant, traduits en khmer, sont toujours distribués aux participants.
Il convient de souligner que les efforts entrepris dans le domaine de la formation montrent que l’on peut raisonnablement trouver ici au Cambodge les personnes compétentes pour les différentes matières de la philosophie et de la théologie, ainsi que pour les sciences humaines. Néanmoins, il est appréciable de pouvoir compter sur des intervenants extérieurs pour ouvrir le corps professoral et les sujets prévus pour l’enseignement.
La langue d’enseignement
Un des défis dans la formation dispensée au séminaire de Phnom Penh est le manque de livres ! Tout simplement parce qu’il n’y a pas de livres de théologie, de philosophie, de spiritualité chrétienne en cambodgien. Tout est à créer. D’ores et déjà, nous avons quelques fascicules sur l’Ecriture Sainte, commentaires écrits par un prêtre présent au Cambodge. Les cours donnés ces dernières années au séminaire, par différents prêtres, ont permis de distribuer aux étudiants des photocopies des cours dispensés. Mais il reste que pratiquement toutes les matières de la philosophie et de la théologie sont absentes de nos bibliothèques en cambodgien. Il n’est jamais possible par exemple de demander à un étudiant d’aller lire tel article ou tel livre se rapportant au sujet enseigné. De plus, il n’est pas facile pour les séminaristes de pouvoir nourrir leur vie spirituelle en se référant à tel auteur important, à tel texte du magistère, car ces documents ne sont pas traduits.
Le problème de la traduction se pose et se révèle être énorme. Mais il est vrai également que l’on ne pourra pas traduire indéfiniment les documents nécessaires. Il faudra que les jeunes puissent eux-mêmes dans le futur faire ces traductions pour les besoins de leur ministère. Ainsi est-il utile dès maintenant de pouvoir souligner l’importance d’une seconde langue, en l’occurrence l’anglais, comme langue de référence. La langue d’enseignement est le khmer, mais les étudiants devraient pouvoir, dans un laps de temps relativement court, être capables de se servir d’outils pédagogiques en anglais.
Cette année, nous avons le projet de constituer une bibliothèque pour le séminaire. Elle existe déjà en partie, mais en français. En effet, dans les premières années de la présence du séminaire à Battambang, dans le nord du pays, le choix du français avait été fait. Choix qui peut se comprendre dans un contexte d’après-guerre, difficile à cerner. Le Cambodge des années d’avant-guerre était largement francophone. Les dernières années ont montré le recul définitif du français au profit de l’anglais. Le chauvinisme serait tout à fait déplacé ! L’anglais est bien la langue utilisée partout en Asie. Ainsi, le projet du séminaire est de pouvoir monter une bibliothèque en anglais dans les différents domaines de la philosophie, de la théologie, des sciences humaines et de la nature, sans oublier bien sûr un fonds en khmer, dans la limite des ouvrages existants actuellement, utiles à la formation des séminaristes.
Ce projet est en partie déjà mis en ouvre. Au mois d’août prochain, nous aménagerons un lieu pour cette bibliothèque. Des demandes de fonds ont été faites pour l’achat de ces livres.
A côté de cette bibliothèque, une vidéothèque est en cours d’aménagement. Par vidéothèque, nous entendons les différents supports audio-visuels que l’on peut utiliser pour l’enseignement, c’est-à-dire vidéo, cédérom, DVD. Là aussi, aucun document en khmer n’existe, mais uniquement la possibilité de trouver des documents en anglais. Des traductions ou des “doublages” peuvent être réalisés. En effet, l’Eglise du Cambodge a mis en place, depuis une année maintenant, un “centre multimédia” pour l’évangélisation au Cambodge. A travers ce centre, des traductions pourront être faites, mais en nombre encore réduit à court terme. D’autre part, une secrétaire employée à plein temps au séminaire se charge de préparer les documents en khmer à donner aux séminaristes. Mais c’est juste un travail de saisie, et non de traduction.
Conférences et séminaires
L’ouverture du séminaire me semble être un des enjeux de la formation. Favoriser l’ouverture de cour, l’ouverture d’esprit, la rencontre de l’autre, à la fois au Cambodge mais aussi en lien avec d’autres Eglises ou des pays d’Asie, me paraît essentiel. La petite taille de notre communauté nous conduit à nous agrandir d’une autre manière ! Je vous ai parlé de l’accueil de séminaristes venant d’autres séminaires en Asie. Il faut également souligner les conférences mensuelles et les sessions de formation que nous organisons au séminaire. Il est important de favoriser au séminaire un esprit de rencontre afin que la pépinière qu’est le séminaire soit fécondée et entretenue par des contacts soutenus avec tous nos amis de l’Eglise du Cambodge et d’ailleurs.
Conférences mensuelles
Chaque mois, nous organisons une conférence destinée à tous les chrétiens, prêtres et religieuses, membres des ONG, laïcs missionnaires, présents au Cambodge, autour d’un sujet toujours lié à l’histoire du Cambodge, son économie, son histoire, sa langue, sa culture, le bouddhisme, les problèmes de société, etc. Pour cela, nous invitons un intervenant, spécialisé dans l’un de ces domaines, à venir nous présenter son travail et les défis qu’il rencontre. Nos conférences se déroulent toujours de la manière suivante : une heure d’exposé et une heure de questions-réponses. Le nombre des participants se situe entre 35 et 120 personnes. Un grand nombre de jeunes est présent à ces rencontres, ce qui n’est pas à négliger dans la pastorale des vocations.
A titre d’exemple, on peut citer les sujets suivants :
– l’évolution de l’art au Cambodge, avec l’ancien ministre de la Culture ;
– la situation politique actuelle, avec l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale ;
– la résolution des conflits dans la société cambodgienne ;
– le bouddhisme aujourd’hui, avec le vénérable Yos Hout ;
– l’éducation au Cambodge, avec le recteur de l’Université de Phnom Penh ;
– tourisme sexuel et enfance maltraitée, par le Bureau international catholique de l’enfance (BICE) ;
– questions d’inculturation, par le P. Trimaille, MEP, exégète ;
– les jeunes en Asie et l’ocuménisme, avec le Frère Ghislain de Taizé.
Cette année, le temps de Carême nous donne l’occasion d’organiser tous les jeudis des conférences ou partages spirituels, autour de l’Evangile du dimanche. Ainsi, les trois ordinaires du Cambodge ainsi qu’un prêtre, une religieuse et un catéchiste sont venus à tour de rôle commenter la Parole de Dieu et nous aider à réfléchir et à prier.
Les rencontres du vendredi soir
Depuis quelques mois, le vendredi soir est un temps spécial pour l’accueil des jeunes au séminaire. Le but n’est pas d’organiser une réunion supplémentaire mais de permettre une rencontre tout simplement fraternelle et détendue. Ainsi, notre rencontre commence le vendredi soir à 18 heures 45 par la célébration de l’Eucharistie, puis est suivie d’un dîner ensemble et d’une séance vidéo, jusqu’à 22 heures environ. C’est l’occasion pour certains d’une direction spirituelle. Les jeunes peuvent ensuite passer la nuit au séminaire. Le lendemain matin, Laudes tous ensemble à six heures, petit-déjeuner et départ des jeunes pour leurs études. Evidemment, cela ne concerne que les jeunes de Phnom Penh et plus spécialement les jeunes faisant partie du groupe “Emmanuel”, groupe de réflexion sur la vocation sacerdotale.
Les sessions
Nous essayons d’ouvrir le séminaire par l’organisation régulière de sessions destinées aux séminaristes bien sûr, mais aussi aux prêtres, religieuses et chrétiens du Cambodge, quand le sujet le permet. Ces sessions durent généralement une semaine, exceptionnellement deux. La majorité de ces sessions se déroule en cambodgien, quelques-unes sont en anglais, l’intervenant extérieur se trouvant dans l’incapacité de parler cambodgien. Comme à l’accoutumée, des invitations sont envoyées à toutes les paroisses du Cambodge, aux prêtres et religieuses, pour les informer de la prochaine session. A titre d’exemple, pour la seule année scolaire 2003-2004, les sessions suivantes ont été organisées :
– début août : session sur l’Evangile de Marc, par le P. Vincent Sénéchal, MEP, doctorant. Cette session a été donnée en anglais, avec traduction en khmer.
– début décembre : session d’éthique, dans ses aspects philosophique, par le P. Omer Giraldo, directeur du Service mass media de l’Eglise du Cambodge. Le P. Omer avait été également pendant plusieurs années supérieur du séminaire de Phnom Penh. Les deux novices des sours Amantes de la Croix de Kompong Cham, le diocèse voisin ainsi qu’une postulante de cette même congrégation ont pu participer à ce programme.
– fin décembre : session sur le bouddhisme, par Claire Ly. Claire Ly est cambodgienne, jadis bouddhiste, professeur de philosophie et directrice de l’Institut national de khmérisation. Après avoir découvert Dieu dans les camps de Pol Pot, elle s’est réfugiée en France, est devenue catholique et enseigne actuellement à l’Institut des sciences et théologie des religions (ISTR) de Marseille.
– début janvier : session sur le dialogue interreligieux, avec Claire Ly également.
– fin janvier : session sur la doctrine sociale de l’Eglise, par Mgr Enrique Figaredo, préfet apostolique de Battambang, circonscription ecclésiastique du nord du Cambodge. Mgr Enrique est jésuite espagnol.
– mi-février : session sur le bouddhisme et le christianisme en Asie du Sud-Est, par Dom Massein, père abbé de l’Abbaye bénédictine de Saint-Wandrille (France). Dom Massein a étudié pendant de longues années le bouddhisme, le sanscrit, le pali, le thaïlandais, et a séjourné quelques semaines dans une pagode en Thaïlande. La session a été donnée en anglais.
– début mars : une session de formation, destinée aux jeunes, pour leur permettre d’acquérir des outils nécessaires dans l’animation de groupes d’enfants, d’adolescents ou de grand jeunes. Pour cela, une laïque, en charge de la pastorale des jeunes dans le diocèse de Singapour, est venue animer cette session qui regroupait près de soixante jeunes de tout le Cambodge. Cette session n’était pas destinée à tous les jeunes, mais à certains, plus activement engagés dans leur paroisse et ayant déjà une certaine expérience.
– mi-mars : session sur la “Question de Dieu Réflexion philosophique, par le P. Henry Siew, formateur au grand séminaire de Singapour.
– fin mars : session sur l’histoire du Cambodge, par deux académiciens, membres de l’Académie royale du Cambodge.
Sont prévues pour les semaines à venir trois autres sessions :
– Une sur le sacrement du mariage. En effet, dans un contexte lié au bouddhisme, nombreux sont les mariages entre un catholique et un bouddhiste. Cela pose des problèmes concrets de pastorale auxquels il convient de réfléchir. De plus, la période dramatique qu’a connue le Cambodge ces dernières années a profondément modifié la situation de la famille cambodgienne qui s’est trouvée traumatisée et brisée dans bien des cas. Ces différentes situations demandent une réflexion d’ensemble. Cette session sera guidée par l’archevêque d’Agra, en Inde.
– Une autre session prévue sera une fois de plus une session sur l’histoire du Cambodge. Elle sera animée par un guide expérimenté du site archéologique d’Angkor, également professeur de civilisation khmère à l’université.
– Enfin, une session permettant une réflexion sur le traumatisme personnel et communautaire consécutif au génocide. Un jeune Khmer, docteur en philosophie et en psychologie, ayant lui-même vécu la période troublée de Pol Pot, nous aidera dans cette réflexion.
D’autre part, d’autres sessions sont en préparation pour la prochaine année scolaire 2004-2005, en particulier sur le bouddhisme. Une autre réflexion portera sur les liens entre spiritualité franciscaine et spiritualité bouddhique.
Accueil de séminaristes d’Asie
Depuis quatre ans maintenant, le séminaire de Phnom Penh ouvre ses portes à des candidats au sacerdoce venant d’autres pays d’Asie. Pourquoi ?
Tout d’abord, il ne s’agit pas pour le séminariste venant passer quelques mois au Cambodge de poursuivre ses études de philosophie ou de théologie. C’est plutôt une occasion pour le jeune séminariste de venir découvrir une autre Eglise d’Asie au passé peu banal, avec ses richesses et ses difficultés, et de faire la connaissance d’autres jeunes qui comme lui veulent devenir prêtres. Mais c’est aussi l’occasion de s’initier à la langue du pays, pour pouvoir comprendre davantage ce qui l’entoure et de nouer quelques contacts plus privilégiés. En effet, l’étude de la langue, si modeste en soit la durée, est une clé d’accès pour entrer plus profondément dans la culture et dans l’histoire d’un pays. Le séminariste venant nous rejoindre vient donc faire une expérience spirituelle et humaine pendant une période d’une année environ.
Dans une petite communauté comme la nôtre, l’arrivée d’un membre supplémentaire est un grand changement qui permet aux séminaristes du Cambodge de s’ouvrir à ce qui se passe ailleurs. C’est un point important à ne pas négliger. En effet, même si le nouveau séminariste ne pourra pas immédiatement parler khmer, des échanges en anglais pourront avoir lieu. Une vie fraternelle peut prendre forme et des contacts durables s’installent entre les séminaristes, même après le retour du séminariste dans son pays d’origine. Nombreuses sont les opportunités où le séminariste peut parler de son pays, de la vie de l’Eglise, de sa culture. Ainsi, l’an dernier, à l’occasion de la présence d’un séminariste indien, nous avions organisé une “semaine indienne” : présentation par le séminariste de son pays, son histoire, sa culture, l’histoire de l’Eglise, sans oublier de goûter à quelques spécialités indiennes !
Si le séminariste ne vient pas pour poursuivre ses études en philosophie ou en théologie, il peut néanmoins prendre part à des activités caritatives. En effet, la visite des malades, en particulier des adultes ou des enfants atteints du sida, devient une expérience unique pour le jeune séminariste. Les sours de Mère Teresa présentes au Cambodge accueillent volontiers des volontaires pour une période donnée. De même, les Pères de Maryknoll accueillent des volontaires dans ce même domaine.
Le samedi et le dimanche sont un temps privilégié pour la visite des communautés chrétiennes. A cette occasion, les séminaristes tous ensemble rejoignent les communautés chrétiennes et participent à la catéchèse, aux groupes de jeunes ou d’enfants. L’Eglise du Cambodge fait une expérience intéressante de catéchuménat. En effet, sur 7 000 catholiques khmers, 700 sont en chemin catéchuménal qui dure environ trois années. Encore une occasion pour les séminaristes de prendre part à cette vitalité de l’Eglise et de rejoindre ces catéchumènes dans les différentes communautés chrétiennes.
Depuis quatre années déjà, le séminaire de Phnom Penh accueille des séminaristes d’autres pays d’Asie. En 2000, nous avons accueilli un séminariste français, membre des Missions Etrangères de Paris. Son année passée avec nous a été également l’occasion de mûrir la vocation missionnaire à laquelle il se sent appelé. L’année suivante, un séminariste de Thaïlande, envoyé par le grand séminaire de Bangkok, est venu nous rejoindre. Lors de la rentrée 2002, un diacre du diocèse de Paris, envoyé par le séminaire, est venu passer six mois, partageant son temps entre l’étude de la langue khmère et un service auprès des sours de Mère Teresa. De plus, il a noué de solides contacts avec plusieurs congrégations et diverses organisations non gouvernementales (ONG). En novembre de la même année 2002, un séminariste de Bombay (Inde) est venu lui aussi passer une année avec nous. Lors de la dernière rentrée de septembre 2003, le grand séminaire de Hongkong puis celui de Bangkok ont envoyé chacun un de leurs séminaristes pour passer une année en notre compagnie.
Chaque année, j’envoie une proposition de programme à différents séminaires en Asie, les informant de notre projet d’accueil. A titre d’information, cette lettre est envoyée aux différents séminaires de Corée, Japon, Chine continentale (Shanghai), Hongkong, Philippines, Taiwan, Laos, Thaïlande, Birmanie, Malaisie et Singapour, séminaires avec lesquels je suis en contacts réguliers.
Les Khmers et les Vietnamiens
L’histoire n’est pas tendre quand elle aborde le problème des relations entre Khmers et Vietnamiens ! Ces animosités séculaires ont leurs répercussions dans l’Eglise qui comprend un tiers de catholiques cambodgiens et deux tiers de catholiques vietnamiens.
Il serait trop long de reprendre en détail les grandes lignes de cette histoire mouvementée. Nous pouvons juste en souligner les difficultés présentes : le régime vietnamien présent au Cambodge de 1979 à 1989 après la chute des Khmers rouges a laissé derrière lui un grand nombre de victimes, plus de 300 000 ! On peut comprendre le traumatisme encore frais dans les mémoires, lié à cette présence vietnamienne, vue depuis des siècles comme dominatrice et conquérante.
Ce qui représente un grand défi pour la société cambodgienne aujourd’hui représente également un grand défi pour l’Eglise. La cohabitation n’est pas toujours facile. Néanmoins, il serait souhaitable de ne pas amplifier le phénomène. L’Eglise, par nature, est engagée dans ce grand mouvement de réconciliation entre les hommes et avec le Père. Elle se doit d’être en tout premier lieu ce signe de réconciliation, signe pour la société, signe pour les chrétiens divisés.
Le séminaire, me semble-t-il, peut jouer un rôle important dans ce sens, mais en même temps bien modeste. En effet, pendant de longues années, les séminaristes vont vivre ensemble, vont apprendre à se connaître et à s’aimer. Le séminaire, “lieu de la semence” comme nous aimons à le rappeler, doit être ce terreau privilégié où des sensibilités très différentes doivent apprendre à se respecter et à s’apprécier.
Actuellement, sur les quatre séminaristes du Cambodge, un est cambodgien, un autre est khméro-vietnamien, un autre sino-khmer et un est vietnamien. Nous pourrions dans le futur envisager également l’accueil de séminaristes venant de minorités ethniques. Un jeune de l’une de ces minorités pense actuellement sérieusement à la vocation sacerdotale.
Déjà, nous pouvons entrevoir dans cette petite communauté quelques frictions sans gravité entre les différentes nationalités. Il ne faut rien majorer bien sûr, mais être attentif à ce fait de société, et le considérer avant tout en hommes de Dieu, prêts à donner leur vie pour tous leurs frères. Les séminaristes eux-mêmes ont demandé qu’une vraie réflexion s’instaure au séminaire dans ce sens. Cette réflexion ne peut se réaliser en une semaine ou en un mois mais, à chaque fois que l’occasion se présente, nous essayons de réfléchir ensemble.
Ce défi aura des répercussions sur la vie de l’Eglise elle-même. Il serait bien sûr absurde de favoriser l’entrée des jeunes au séminaire sur des questions de nationalités. Le nombre plus important de Vietnamiens pourrait laisser penser que, dans quelques années, nous aurons davantage de prêtres vietnamiens que de prêtres cambodgiens. D’autre part, il n’est pas pensable dans le futur de penser à des nominations en fonction de la nationalité de tel ou tel : ce prêtre est vietnamien, il sera donc pour les communautés vietnamiennes ; ce prêtre est cambodgien, il sera pour les communautés cambodgiennes ! Ce serait créer de facto une rupture dans l’Eglise, alors que nous cherchons la réconciliation. En revanche, les communautés chrétiennes cambodgiennes seraient-elles prêtes à accueillir un prêtre vietnamien à leur tête ? Beaucoup de facteurs nous échappent et, même si nous devons rester attentifs à tous ces problèmes, il convient d’être en tout premier lieu des apôtres du Christ, prêts à tout laisser pour les autres, sans considération de race ou de religion. Cette ligne directrice pourra aider à la réconciliation. Dans ce sens, les modestes efforts du séminaire porteront des fruits dans tout ce qui pourra favoriser l’unité du presbyterium.
Pour une formation appelante
Le séminaire n’est pas la dernière étape avant le “grand saut” de l’ordination, ou la chaîne d’assemblage des éléments épars de notre vie, pour devenir un bon prêtre. Le séminaire lui-même doit jouer son rôle dans l’éclosion des vocations. Il faut qu’il soit ouvert et accueillant, que les séminaristes puissent avoir de nombreux contacts avec les jeunes et qu’ils puissent grandir dans la foi tout en ayant déjà prononcé un “oui” disponible à l’appel du Seigneur. J’aime le sens de notre mot “séminaire” comme “lieu de la semence Oui, nous accueillons des jeunes pousses, bien souvent sans tuteur, ou sans terreau. C’est aussi au séminaire ou par l’intermédiaire du séminaire qu’un jeune peut entendre l’appel du Seigneur. Il est donc souhaitable, non pas de faire “bonne figure mais de donner aux jeunes qui nous entourent le témoignage d’autres jeunes, non marginaux, heureux d’écouter l’appel du Seigneur, et de commencer à y répondre.
C’est pour cela également qu’il faut veiller à la qualité de la formation. Celle-ci se veut sans prétention. Il ne s’agit pas de rechercher l’excellence, le niveau universitaire ou les meilleurs candidats. Par qualité, entendons plutôt le sérieux et la cohérence dans la formation. Comme je le disais plus haut, le séminaire n’est pas la dernière étape à accomplir quand tout est déjà prêt et décidé. Le séminaire lui-même a son rôle à jouer dans la pastorale des vocations. C’est le lieu pour répondre “oui” au Seigneur, mais c’est aussi le lieu pour découvrir l’appel du Seigneur, découverte jamais achevée.
Là encore, je relèverai quelques pistes, que j’ai d’ailleurs en partie déjà soulignées plus haut.
Dans la formation humaine, le caractère “appelant” du séminaire doit pouvoir témoigner de rapports fraternels entre nous. La joie, sans être forcée, doit être présente au séminaire. C’est cette joie nouvelle que le Seigneur est venu nous porter. Cette joie est à partager avec d’autres, les jeunes en particulier, qui ont des contacts avec le séminaire. D’autre part, il nous paraît important de réfléchir avec les séminaristes sur la société moderne : la société au Cambodge bouge rapidement et il convient de s’apercevoir de cette évolution. Il convient de repérer les facteurs de développement, de savoir quelles sont les aspirations des jeunes, leurs problèmes, les études qui leurs sont offertes actuellement, de réfléchir ensemble sur les relations filles-garçons, bref, de ne pas se détacher à l’intérieur même du séminaire de ce qui fait la vie des gens et qui n’est pas seulement la vie des campagnes.
A l’occasion de notre retraite de début d’année, nous sommes allés au Carmel de Chantaburi, en Thaïlande. Cette ville a l’avantage pour nous de se trouver non loin de la frontière qui sépare le Cambodge de la Thaïlande. Par la route, une seule journée suffit. C’était l’occasion surtout de découvrir un lieu de vie peu banal que celui des sours carmélites : silence du monastère, participation à la prière des religieuses, rencontre exceptionnelle avec elles. De plus, nous avions proposé à quatre autres jeunes, réfléchissant sérieusement à la vocation sacerdotale de se joindre à nous. Enfin, Chantaburi est un lieu historique pour le séminaire du Cambodge qui avait été transféré dans cette ville au XVIIIe siècle à cause de la guerre.
Evidemment, il est bien difficile ou prétentieux de dire que notre formation est véritablement appelante ou enthousiasmante pour les jeunes actuellement au séminaire ou pour les autres. Mais c’est un souci à avoir tout au long de notre programme.
La formation des prêtres diocésains et la formation des religieux
L’Eglise du Cambodge propose, depuis plusieurs années maintenant, une formation pour les candidats au sacerdoce. Ces jeunes viennent de différents diocèses et ont pour l’instant l’intention de devenir prêtres diocésains. Les autres instituts ou congrégations religieuses n’ont à ce jour aucune maison de formation au Cambodge. Néanmoins, certains jeunes, en fait actuellement deux, pensent à la vocation sacerdotale en lien avec les jésuites ou avec les salésiens. Voilà qui peut donner un visage nouveau à l’Eglise du Cambodge. Connaissant bien les deux jeunes qui orientent leur vie de cette manière-là, je peux dire qu’ils le font avec droiture et réflexion, dans la liberté. De plus, il faut reconnaître que les salésiens, par exemple, sont très impliqués dans la formation des jeunes, en particulier dans l’enseignement technique, depuis les toutes premières années d’ouverture du Cambodge. Cette présence chrétienne auprès des jeunes est un réel témoignage.
Actuellement, un jeune est en formation en Thaïlande pour la congrégation des salésiens.
Formation humaine
Elle représente vraiment le fondement de la formation sacerdotale. Récemment, les séminaristes et quelques jeunes rencontrés lors d’un week-end de réflexion sur la vocation sacerdotale faisaient état de paroles désobligeantes de quelques prêtres regrettant leur choix de vie ! D’autres jeunes remarquent quelques fois le caractère compliqué de certains prêtres, le peu de temps à consacrer aux jeunes ou l’aspect autoritaire ou agressif de leurs positions, des relations humaines difficiles ou des attitudes affectives peu équilibrées. Nous touchons là le cour de notre vie sacerdotale. Ce qui se vit au séminaire doit aider à la vie future, en cohérence.
En septembre dernier, j’ai eu la possibilité d’organiser à Penang, au Collège général, en collaboration avec un autre confrère, une session destinée aux prêtres des Missions Etrangères de Paris, engagés dans la formation dans les séminaires d’Asie, comme recteurs, directeurs spirituels ou professeurs. De plus, des prêtres asiatiques avaient été invités à venir partager leurs expériences de formateurs. Une quinzaine de pays d’Asie était représentée. Une conclusion tenue pour générale ressortait de cette session, sur le sujet de la formation humaine et des enjeux pour le futur. Elle pourrait se résumer ainsi : “Les séminaristes savent bien que ce qui est vécu au séminaire ne correspond pas à ce qui se vit par la suite.”
Cette constatation est sévère et se révèle importante. Il est clair que la vie du séminaire n’est pas la vie des paroisses. Mais, à travers cette affirmation, on pouvait sentir combien il est important de tenir à la cohérence et à la crédibilité dans la formation. Il ne s’agit pas de “faire comme si”, mais de commencer dès le séminaire à partager une vie fraternelle qui devra se poursuivre une fois l’ordination reçue. Vie fraternelle entre séminaristes et formateurs, vie fraternelle entre formateurs, vie fraternelle entre séminaristes. Comment faire pour développer un ensemble de qualités humaines, d’amour et de vérité, qui soient toute la richesse des futurs prêtres et des actuels séminaristes ? Comment faire pour éviter le plus possible une rupture entre une belle vie idéale enseignée au séminaire et une réalité bien différente à la sortie ? Tout ne repose par sur le séminaire, mais le séminaire doit en tenir compte et y réfléchir. Cela aura de grandes répercussions sur la pastorale des vocations elle-même.
C’est donc sur une personnalité non pas exceptionnelle mais bien équilibrée que pourra se dérouler la formation au séminaire. Une fois de plus, comme cela est mentionné dans d’autres points de ce document, il ne s’agit pas de rechercher l’excellence, mais de cultiver les dons déjà présents en chacun de nous, selon les exigences de notre vie sacerdotale. De brillantes compétences intellectuelles sont loin d’être suffisantes. Mais de bonnes relations humaines, “non arrogantes, mais affables, accueillantes, sincères, prudentes, discrètes” sont indispensables (cf. Pastores Dabo Vobis, n° 43).
En ce sens, l’importance est donnée à l’ouverture de cour, l’ouverture d’esprit, l’éducation à la confiance réciproque, à la liberté. Je pourrais dire que je n’ai jamais aucun problème de discipline au séminaire. Insister sur la discipline serait gêner une vraie prise de responsabilité personnelle. Ceci est d’ailleurs valable pour les séminaristes aussi bien que pour les formateurs. Une vie communautaire fondée sur des relations sincères, familiales pourrait-on dire, ne peut s’appuyer sur des rapports de force, mais au contraire favoriser le développement d’estime réciproque que la vie au-delà du séminaire ne devrait pouvoir altérer.
La formation humaine doit prendre en compte la formation au célibat. Cela demande donc une éducation de la sexualité, pour une meilleure maturité affective. Combien de fois notre vie sacerdotale n’est-elle pas sujette à des compensations ou à des duplicités ! Comment faire en sorte que la formation dispensée soit la forme et la matière de ce que sera notre vie de prêtre ? Comment éviter, dès le séminaire, la mise en place, inconsciente parfois, de solutions de remplacement : “Je serai célibataire mais, dans le fond, assez libre pour laisser libre cours à mon imagination. Je serai pauvre mais rien ne m’empêche de m’organiser à ma fantaisie. Je serai obéissant mais chef sur mon territoire !” C’est une caricature bien sûr, mais n’y a-t-il pas un peu de cela ? Pour remédier à ce danger et à cet écueil qui apparaîtront dans nos vies, il convient, dès le temps de la formation, d’aborder ces problèmes et d’apprendre