Eglises d'Asie

Quelques semaines après avoir protesté contre l’arrestation d’un évêque “clandestin”, le Saint-Siège a de nouveau vigoureusement réagi après l’arrestation d’un autre évêque “clandestin”

Publié le 18/03/2010




Le 7 avril dernier, le Saint-Siège a dénoncé l’arrestation par la police deux jours plus tôt en Chine de Mgr Julius Jia Zhiguo, évêque “clandestin” du diocèse de Zhengding, dans la province du Hebei. Joaqin Navarro-Valls, directeur de la salle de presse du Vatican, a déclaré : “On vient d’apprendre d’une agence de presse qu’un évêque catholique, ayant déjà été emprisonné vingt ans, a de nouveau été arrêté [.] par la police de la République populaire de Chine. Une fois encore, un membre de la hiérarchie catholique est privé de sa liberté, sans aucune motivation juridique. Ceci est inadmissible de la part d’un Etat qui déclare garantir la ‘liberté de religion’ et ‘respecter les droits de l’homme’.” Cette déclaration intervient moins d’un mois après la protestation formulée par le même Navarro-Valls à la suite de l’arrestation de Mgr Wei Jingyi, évêque “clandestin” du diocèse de Qiqihar, dans la province du Heilongjiang. Arrêté le 5 mars, Mgr Wei avait été libéré dix jours plus tard, le 14 mars (1).

La nouvelle de l’arrestation de Mgr Julius Jia avait été donnée le 6 avril par la Fondation du cardinal Kung, basée aux Etats-Unis et contact privilégié de certains milieux catholiques “clandestins”. Aussitôt relayée par les principales agences d’information, elle n’a toutefois pas été commentée par les autorités chinoises. Sur place, les catholiques témoins de l’arrestation de leur évêque ont demandé aux quatre policiers venus interpeller Mgr Jia les motifs de son arrestation ; ils se sont vu répondre qu’ils ne faisaient qu’exécuter les ordres de leurs supérieurs.

Sans donner plus de précision sur leurs motivations, les autorités chinoises ont remis en liberté Mgr Jia Zhiguo dix jours plus tard, le 14 avril dernier. Selon une source catholique chinoise, l’évêque de Zhengding a été détenu au secret dans une maison d’hôtes de l’armée à Shijiazhuang. Bien traité, il lui était toutefois interdit de recevoir des visites. Ayant été autorisé à conserver son missel et les objets liturgiques nécessaires au culte, il a célébré la messe chaque jour dans la solitude, y compris les offices de la Semaine Sainte. Selon la même source, l’évêque, “tenu éloigné de ses fidèles et de ses prêtres a particulièrement ressenti cette solitude.

Contrairement aux nombreuses autres fois où l’évêque a été mis au secret, cette fois-ci, ses gardiens ne l’ont pas interrogé ni pressé d’adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois. Une seule fois, le 13 avril, un responsable lui a posé différentes questions, dont certaines à propos de la commémoration de la mort de Mgr Pierre Fan Xueyan, évêque “clandestin” du diocèse de Baoding mort en détention le 13 avril 1992. Chaque année depuis cette date, les communautés “clandestines” du Hebei sont particulièrement surveillées à l’approche du 13 avril, une surveillance si étroite qu’aucune commémoration de la mort de Mgr Fan n’a pu être organisée depuis dix ans.

Ce n’est pas la première fois que la police soustrait ainsi Mgr Julius Jia à ses fidèles à l’approche d’une fête religieuse. Arrêté cette fois-ci au lendemain du dimanche des rameaux, il n’a pas pu célébrer auprès d’eux la Semaine Sainte et Pâques. En 2002, il avait été arrêté d’une façon assez similaire et détenu du 20 au 23 mars, avant d’être libéré pour la Semaine Sainte (2). Selon une source catholique chinoise, le mois dernier, Mgr Jia avait été menacé d’être arrêté, pratiquement au moment où Mgr Wei, dans le nord-est de la Chine, était interpellé, mais les autorités avaient renoncé, l’évêque “clandestin” de Zhengding étant malade à ce moment-là. Selon une autre source catholique, la police, ces derniers mois, laissait tranquille Mgr Jia, sans le menacer de le détenir dans un hôtel, une ferme ou en résidence surveillée pour le convaincre de rejoindre les rangs des catholiques “officiels”. Agé de 69 ans, Mgr Jia, qui a été ordonné évêque en 1980, a passé quinze années de sa vie en prison. Sa dernière arrestation remonte au mois de mai 2003 ; détenu trois mois, il avait été libéré le 24 août. Résidant habituellement à proximité de Shijiazhuang, il a pris sous sa responsabilité, entre autres, un orphelinat d’une centaine d’enfants handicapés, tenu par des religieuses.

Interrogées par l’agence Ucanews, des sources catholiques chinoises se sont réjouies de la protestation rendue publique par le Vatican. Avant l’arrestation de Mgr Wei Jingyi le 5 mars, de telles protestations étaient exceptionnelles. Pour l’une de ces sources, c’est là “un changement positif” dont il ne faut pas craindre une aggravation de la répression exercée sur les communautés “clandestines”. Pour une autre source, un prêtre “clandestin” qui a connu les geôles chinoises, les libérations rapides de Mgr Wei et de Mgr Jia sont sans doute liées à la protestation publique du Saint-Siège et il est bon que le monde extérieur élève la voix pour l’Eglise de Chine. Selon lui, le gouvernement chinois est sensible à son image sur la scène internationale et le sera d’autant plus que la date des Jeux olympiques de Pékin, en 2008, approche. Pour un laïc, de l’Eglise “clandestine”, toute manifestation d’optimisme est cependant prématurée dans la mesure où, par le passé, dans la province du Hebei, des campagnes de répression ont été menées après que des critiques émises à l’étranger eurent embarrassé les autorités chinoises. Selon Mgr Jia Zhiguo lui-même, qui n’a appris la protestation du Saint-Siège qu’une fois remis en liberté, “il est difficile de dire si de telles déclarations ont ou non un impact positif car il y a eu des cas, celui de Mgr Fan Xueyan par exemple, où le gouvernement a ignoré l’attention de la communauté internationale et a intensément réprimé les communautés chrétiennes”.