Eglises d'Asie

UN ENTRETIEN AVEC Mgr OSWALD GOMIS, PRESIDENT DE LA CONFERENCE EPISCOPALE

Publié le 18/03/2010




Certaines paroisses catholiques ont été récemment attaquées par des moines bouddhistes. Un projet de loi sur les “conversions non éthiques” est à l’étude. Les catholiques de Sri Lanka ont-ils encore un avenir ?

Mgr Oswald Gomis : Nous avons de très bonnes relations avec les bouddhistes. Seules quatre paroisses catholiques ont en effet été attaquées. L’une a été incendiée. Dans mon diocèse, trois églises ont fait l’objet de violences, toutes dans la même paroisse. Mais la plupart des incidents en réalité concernent généralement des Eglises fondamentalistes. C’est d’ailleurs la venue de ces missionnaires qui est à l’origine des problèmes actuels. Les bouddhistes leur reprochent de convertir les gens de façon “non éthique en leur distribuant des avantages matériels ou en créant des zizanies entre les fidèles. Dans certains cas, l’accusation est fondée. Les Eglises traditionnelles comme les catholiques ou les anglicans sont elles-mêmes très affectées par ce phénomène. Tout autant que les bouddhistes et hindous, nous sommes victimes de ces fondamentalistes. Nous n’avons fait aucune statistique sur le nombre de convertis, mais la situation est comparable à celle que l’on constate en Amérique.

Comment comptez-vous réagir ?

Nos paroisses sont trop grandes. Nous essayons de rendre nos prêtres plus proches des fidèles. Nous avons entrepris de former des laïcs capables de rendre visite aux gens pour les soutenir dans leur foi. Nous voulons activement créer des communautés chrétiennes de base. Vis-à-vis des bouddhistes, nous sommes favorables à la création d’un “Comité des sages”, un comité interreligieux qui puisse examiner toutes les réclamations relatives aux conversions non éthiques. Certains dirigeants bouddhistes modérés sont très favorables à cette idée, qui a d’ailleurs été suggérée par une commission nommée par la présidente de la République et composée uniquement de bouddhistes.

Que fera l’Eglise si le nouveau parlement adopte le projet de loi anti-conversion ?

Nous sommes clairement opposés à une telle loi, qui ne ferait qu’aggraver les problèmes. La liberté religieuse est un droit fondamental. Mais nous n’avons pas peur. Dans deux Etats de l’Inde, les extrémistes hindous ont imposé une telle loi contre les chrétiens. et contre les bouddhistes ! Mais en Uttar Pradesh, cela n’a pas empêché les bouddhistes de convertir 5 000 dalits depuis que la nouvelle législation est entrée en vigueur. C’est dire que de telles lois ne résolvent rien.

La réaction de l’épiscopat catholique à cette vague anti-chrétienne semble timide. Et loin d’exprimer votre sympathie pour les évangéliques victimes de ces attaques, vous prenez vos distances avec eux. Où est passée la solidarité ?

Une chose est de se proclamer chrétiens comme ils le font, une autre, apparemment, de vivre en chrétiens. Si mon frère commet une erreur, avant de lui témoigner ma solidarité, j’ai le devoir de lui dire la vérité. Ces fondamentalistes commettent des actions répréhensibles. Ils ne respectent pas la liberté de conscience. Ils cherchent à convertir nos propres fidèles. Leur action porte atteinte à nos droits. Nous avons en vain essayé de les en dissuader. Mais quand ils rencontrent des difficultés, ils se tournent vers nous et exigent que nous soyons à leurs côtés. Cela ne me semble pas très honnête. N’attendez aucune autre attitude de ma part.

Les extrémistes bouddhistes cinghalais reprochent aussi à l’Eglise catholique d’être trop proche des séparatistes tamouls. Ce qui ne semble pas totalement faux.

Ce soupçon est dénué de tout fondement. Les bouddhistes extrémistes s’approprient l’histoire du Sri Lanka, alors que les chrétiens ont été aux premières loges du combat pour l’indépendance. Ils nous accusent de ne pas être patriotes. Ils nous confondent avec les colonisateurs portugais, pour conclure que nous sommes des envahisseurs. Certes, certains Portugais ont commis des atrocités. Mais les missionnaires dénonçaient ces exactions auprès de la cour de Lisbonne. De ce point de vue, pour nous aussi, l’ère coloniale est une période noire de notre histoire.

Nous ne nous sommes jamais montrés enthousiastes à l’égard des Tigres tamouls du LTTE. Nous défendons deux grands principes. D’abord celui de l’unité nationale : il ne doit y avoir qu’un seul Sri Lanka. Ensuite, l’égalité de droits pour tous les citoyens. Nous ne pouvons appuyer ceux [NDLR : les extrémistes cinghalais] qui veulent avoir plus de droits que les autres sous prétexte qu’ils représentent la majorité de la population. L’Eglise catholique compte à la fois des Tamouls et des Cinghalais. C’est tout naturellement qu’elle se bat pour les droits de la nation toute entière, au risque d’être accusée des deux côtés.