Eglises d'Asie

Les neuf moines bouddhistes élus au Parlement se posent en arbitres et déclarent ne pas vouloir participer au gouvernement ou soutenir l’une ou l’autre des coalitions en présence

Publié le 18/03/2010




A l’issue des élections législatives du 2 avril dernier, le Jathika Hela Urumaya (JHU, Héritage national cinghalais) a réussi son pari de percer sur la scène électorale. Composé de moines bouddhistes, ce parti présentait 260 candidats dans dix des vingt-cinq districts du pays (1) et est parvenu à faire élire neuf moines dans la nouvelle Chambre. Avec ces neuf sièges, le JHU peut prétendre se poser en arbitre du jeu politique, les électeurs n’ayant pas donné de majorité absolue à l’une ou l’autre des coalitions en présence – l’Alliance populaire unifiée pour la liberté de la présidente Chandrika Kumaratunga ayant remporté 105 des 225 sièges de députés contre 82 à son rival, le Front national uni de Ranil Wickremesinghe.

Les moines du JHU ont promis à leurs électeurs de “moraliser” la politique et d’en “finir avec la pollution culturelle”. Ils assurent avoir été “appelés” en politique à la suite de la “décadence” des gouvernants et de la société en général. Par “pollution culturelle ils disent vouloir lutter contre “les viols qui sont en augmentation en raison de la mauvaise influence de la télévision” et promettent de bannir les films jugés “légers” tout comme de lutter contre l’américanisation du mode de vie. “Nous sommes contre la culture Coca-Cola ou McDonald’s ont-ils lancé lors de la campagne électorale. Sur le sujet du règlement du conflit avec la guérilla tamoule, ils se disent opposés à toute négociation, le pays souffrant, selon eux, non pas d’un problème ethnique mais de terrorisme.

Soutenus par une partie seulement du clergé bouddhiste, les moines du JHU ont exclu de se joindre à un gouvernement ou même de soutenir une coalition au Parlement. “La population a voté pour nous mais pas pour que nous nous alignions sur l’un des deux partis principaux a déclaré le 4 avril dernier Athuraliye Ratana, porte-parole du mouvement. Le JHU affirme ne vouloir que “conseiller” un gouvernement sur le modèle de l’ancien système du royaume bouddhiste (dharma-rajya ou ‘règne du Dharma, de la loi bouddhiste’).

Dans l’immédiat, la scène politique à Colombo a été accaparée par la formation du gouvernement. Après avoir subi un échec lors de l’élection du président de la Chambre des députés – poste qui est allé à l’opposition -, la présidente Kumaratunga a formé le 10 avril un gouvernement de 31 membres, dirigé par le Premier ministre Mahinda Rajapakse. Seize jours plus tard, le 26 avril dernier, le gouvernement s’est enrichi de quatre nouveaux ministres, membres du Front de libération du peuple (JVP). En passant de 16 députés dans l’ancienne Chambre à 40 dans la nouvelle, le JVP, parti d’inspiration marxiste mais dont l’orientation actuelle est très fortement “bouddhiste-cinghalaise”, se trouve en position clef dans l’alliance formée avec la présidente.

Selon les analystes, cette alliance est fragile. En effet, le JVP, dont les rébellions de 1971 et de 1987-1988 ont été réprimées dans le sang au prix de 80 000 morts, affiche la volonté de réviser complètement l’accord de cessez-le-feu passé en février 2002 entre Colombo et les Tigres tamouls du LTTE. Il rejette toute dévolution de pouvoir au profit des Tamouls et refuse que la Norvège poursuive son rôle de médiateur dans le processus de paix. La réticence dont le JVP a fait montre pour entrer au gouvernement et son rejet initial du choix de Mahinda Rajapakse comme Premier ministre augurent mal de la solidité du gouvernement, estiment encore les analystes.

Enfin, au Parlement, le LTTE pèse d’un poids non négligeable. Les Tigres ayant balayé les petits partis tamouls qui obtenaient traditionnellement une douzaine de sièges, l’Alliance nationale tamoule, vitrine politique du LTTE, a remporté 22 sièges. Affaiblie temporairement par la défection du commandant Karuna – défection qui a fait long feu – (2), l’Alliance se trouve, elle aussi, en position d’arbitre.