Eglises d'Asie

Des propositions visant à éliminer le parti-pris religieux et nationaliste de l’enseignement sont à l’origine d’un violent débat

Publié le 18/03/2010




Vers le début du mois de mars, une ONG locale, « L’Institut pour une politique de développement durable » (SDPI) a diffusé un projet de rapport sur l’éducation, intitulé « Une subtile subversion ou l’état actuel des programmes d’études et des manuels scolaires au Pakistan » (1). Cette publication a été à l’origine d’un débat passionné de la part des grands journaux et des partis politiques de ce pays où les musulmans représentent 95 % de la population. Les auteurs du rapport au nombre de deux, AH Nayyer et Ahmed Salim, se sont appuyés sur les travaux entamés en mai 2002 par les 29 membres de l’ONG, parmi lesquels on trouve deux hindous et deux chrétiens. Après une étude systématique des programmes d’études et des manuels scolaires du cycle des études secondaires, le groupe de chercheurs a conclu à un parti-pris religieux et communautariste excessif du contenu de l’enseignement. Il affirme que la documentation scolaire recueillie affiche une grande indifférence à l’égard de la diversité religieuse dans le pays, incite à la « Jihad » (guerre sainte) et à la violence, encourage les préjugés, le sectarisme et la discrimination à l’égard de certains citoyens, tout particulièrement les femmes et les minorités religieuses. Le fruit des recherches du groupe a été envoyé aux responsables gouvernementaux, en particulier au Ministère fédéral de l’éducation qui a aussitôt créé une commission de sept membres, chargée d’examiner le rapport et de fournir des commentaires à son propos.

Le rapport ne néglige pas de descendre dans le détail concret de l’enseignement dispensé à travers les programmes d’études et les manuels scolaires. Ses critiques se répartissent selon un certain nombre de thèmes principaux. Il note d’abord que même si l’enseignement de l’islam n’est obligatoire que pour les musulmans, il est cependant largement diffusé au travers les autres disciplines. Les manuels scolaires, souligne le rapport, donnent l’impression que le Pakistan n’est habité que par des adeptes de l’islam, cette religion étant omniprésente et, en fait, enseignée à tous les élèves, quelle que soit leur foi. Les programmes prévoient même une lecture obligatoire du Coran. En second lieu, les auteurs du projet de rapport relèvent dans les manuels scolaires un penchant à l’endoctrinement idéologique incitant à la haine contre les hindous et l’Inde et poussant les élèves à s’engager dans la lutte et à mourir martyrs. D’une façon générale, le rapport constate que la totalité de l’éducation dans les écoles pakistanaises est imprégnée de principes religieux, reflétant la vision étroite d’une minorité de musulmans selon laquelle l’éducation se confond avec l’enseignement de l’islam. En conclusion, il est proposé que les contre-vérités, les déformations de la vérité et les omissions, très nombreuses dans l’enseignement de l’histoire, soient remplacées par de vraies connaissances tenant compte des critères de scientificité moderne. Les incitations à la discrimination contre les femmes, les religions, les minorités ethniques devraient disparaître au profit de valeurs positives comme l’égalité sociale, le respect mutuel, la responsabilité, la justice et la paix.

Les travaux du groupe et ses recommandations ont suscité de violentes réactions, plus particulièrement dans les milieux fondamentalistes. Dès le 10 mars, le journal « The News international donnait la parole à Shireen M. Mazari, directrice générale de l’Institut d’études stratégiques. Celle-ci affirmait que le rapport « mettait en question les principes, les croyances et la doctrine légitimant l’existence du Pakistan Le quotidien « Nawa-e-Waqat de langue urdu considérait que le plan de réforme de l’éducation proposé par le SDPI était « anti-islam ». Citant ce même rapport, le parti Muteheda Majlas-e-Amal qui a rassemblé plusieurs anciennes formations politiques islamiques, accusait le président Pervez Musharraf d’avoir succombé à la pression des Etats-Unis. D’une manière générale toute tentative d’amender les manuels scolaires et les programmes d’études est considérée par les opposants islamistes comme inspirée de l’Occident désireux de s’opposer à l’influence de l’islam sur les esprits.

Voilà déjà quelques années que le gouvernement essaie en vain de réformer le contenu de l’enseignement. Au mois de mars dernier, une proposition du ministre soumise au parlement, destinée à débarrasser les programmes des études religieuses et profanes du secondaire de tout contenu haineux, avait été critiquée par certains partis politiques et journaux d’inspiration religieuse. L’opposition avait redoublé de violence lorsque des versets du Coran eurent disparu de la version révisée de certains livres de biologie.

Commentant le rapport pour UCA News, Mahboob Sada, membre du SDPI et directeur du Centre d’études chrétiennes de Rawalpindi, s’est déclaré convaincu que les divers programmes et manuels scolaires en usage ont un contenu souvent négatif justifiant que les minorités religieuses et les autres groupes demandent au gouvernement d’apporter des changements substantiels susceptibles d’améliorer l’éducation dispensée aux enfants et de faire naître chez eux la tolérance et le respect des droits de l’homme.