Eglises d'Asie

A Peshawar, des responsables chrétiens et musulmans dénoncent le travail forcé pour cause d’endettement dans les briqueteries et à la campagne

Publié le 18/03/2010




La Commission ‘Justice et paix’ de la Conférence des supérieurs majeurs catholiques du Pakistan a organisé à Peshawar un colloque national sur le thème : “Pauvreté et Travail Plus tôt dans l’année, cette même commission avait déjà décidé de faire de l’année 2004, l’année de lutte contre l’esclavage. Quelque deux cents chrétiens et musulmans venus de tout le pays participaient aux débats. Prêtres, religieux, religieuses y étaient particulièrement nombreux. Les organisateurs avaient choisi comme lieu de réunion la ville de Peshawar proche de la frontière de l’Afghanistan à cause de la concentration de réfugiés afghans qu’elle abrite et du problème du travail forcé qui s’y pose. Les enquêtes locales suggèrent en effet que hommes, femmes et enfants deviennent pratiquement esclaves des patrons des briqueteries où ils travaillent à cause de la dette dont ils leur sont redevables. C’est en 2002 qu’une enquête menée par l’Eglise catholique avait qualifié de forme d’esclavage moderne la dépendance dans laquelle se trouvait des ouvriers à l’égard de leur patron, une dépendance qui se caractérisait par des restrictions portées à la liberté des travailleurs en ce qui concerne le choix et le lieu de leur travail. Dans certains cas, la dépendance est telle que les ouvriers peuvent être vendus et achetés à cause de leur dette.

A l’issue des débats, il a été décidé que plusieurs demandes seraient envoyées au gouvernement. Les premières d’entre elles concernent les rémunérations des ouvriers des fours à briques et les ouvriers agricoles. Un salaire minimum acceptable devrait être fixé. Bien souvent ce salaire fait vivre la totalité de la famille. Selon les participants du colloque, le prix minimum devant être payé aux ouvriers pour la confection de 1 000 briques est au moins de 300 roupies (4,33 euros). Un système de sécurité sociale devrait être créé pour eux et des parcelles de terrain devraient leur être attribuées pour qu’ils y bâtissent leur logement. D’autres demandes ont été formulées qui concernent les propriétaires des briqueteries. Le colloque suggère au gouvernement d’insister sur le caractère obligatoire de l’enregistrement des fours à briques. Beaucoup de propriétaires se dispensent en effet de signaler l’existence de leurs fours à l’administration. Selon des informations présentées au colloque, il faut des années à l’inspection du travail pour intenter un procès pour un four non enregistré, alors que l’amende demandée au propriétaire pour ce manquement est au plus de 2 000 roupies (28,88 euros). Toutes ces demandes formulées lors du colloque devaient être présentées en septembre au ministère fédéral du travail.

Au cours des débats, des informations concrètes ont été données au sujet du travail forcé. Selon la sour Norris Nawab, présidente de la Commission ‘Justice et paix’, ceux qui sont ainsi engagés dans un esclavage de fait seraient au nombre de deux millions. Elle a rappelé que le gouvernement a le devoir de répondre aux besoins fondamentaux des briquetiers. Elle a également appelé le gouvernement à prêter attention au type de prêts financiers qui leur sont accordés par les patrons de fours à briques, ajoutant que dans le cas d’infraction de la loi, ces derniers devraient être très sévèrement punis. Rakshanda Jabeen, directrice locale d’une association pour la promotion des femmes, a consacré son intervention au personnel féminin des fours à briques ; selon elle, les femmes y souffrent de discrimination non seulement d’ordre économique mais encore d’ordre sexuel, puisqu’elles sont fréquemment victimes d’agressions sexuelles.

Le directeur du département du travail à Peshawar, Zahoor Ahmed, a déclaré aux participants du colloque qu’étant donné la forte augmentation du nombre des briquetiers, ce secteur devrait être considéré comme un secteur industriel, ce qui aiderait au règlement d’un certain nombre de problèmes exposés au cours du colloque. Mais, a-t-il ajouté, un certain nombre de personnes s’opposent encore à ce changement.