Eglises d'Asie

HONGKONG : Mgr ZEN ZE-KIUN ENCOURAGE-T-IL TOUJOURS LES CATHOLIQUES A PARTICIPER A LA MANIFESTATION DU 1er JUILLET ?

Publié le 18/03/2010




La question m’a été récemment posée : “Monseigneur, avez-vous toujours l’intention d'”inciter” les fidèles à prendre part à la manifestation du 1er juillet ?”. J’estime que le verbe “inciter” comporte une connotation péjorative, comme si le fait de participer à la manifestation était une mauvaise chose. En fait, c’est une bonne chose. Oui, une manifestation pacifique est une manière efficace de faire passer un sentiment partagé, de donner à s’exprimer la frustration et la colère et de nourrir l’espoir dans une situation sans espoir.

“De la frustration ?” Oui. A se pencher sur les sept années écoulées depuis la “rétrocession”, nous ne pouvons que réaliser que des valeurs fondamentales telles que la justice et la compassion ont été sérieusement mises à mal dans cette ville qui nous tient tant à cour et le principal responsable ici, c’est le gouvernement. Des politiques inhumaines s’enchaînent les unes aux autres, les classes défavorisées de la société sont conduites au désespoir. Par le biais d’une interprétation de la Loi fondamentale, des familles ont été séparées. Par des mesures administratives, le droit à la scolarité a été refusé à des enfants. L’ordonnance sur l’ordre public a limité le droit de réunion. Des coupes aveugles dans les subventions aux pauvres ont enlevé des centaines de dollars des salaires déjà très bas des employées de maison et cela a été fait sous le prétexte de “financer un fonds pour la formation”. Les nouveaux arrivants, issus du continent, ont été punis par le fait qu’il leur faut désormais patienter sept années avant de se voir reconnus le droit à des aides complètes. Le fossé entre les riches et les pauvres s’est accru. A bien des occasions, l’Etat de droit a été endommagé.

“De la colère ?” Oui. L’an dernier, le gouvernement, en refusant de publier un Livre blanc pour organiser une consultation publique, a tenté de faire passer une très mauvaise loi qui aurait fait de tout un chacun un délinquant. En descendant dans la rue le 1er juillet [2003], nous avons manifesté notre désapprobation et le gouvernement semble avoir reconnu son erreur. Mais des personnes mal intentionnées ont mené les autorités à penser que les Hongkongais n’avaient que faire de la sécurité nationale et exigeaient plus de démocratie. Au début de cette année, de soi-disant défenseurs du droit ont été dépêchés pour nous donner une leçon de patriotisme. Quelques temps après, en avril, le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire (ANP) a produit une interprétation de la Loi fondamentale et une “décision” excluant de passer au suffrage universel en 2007/2008 – cela avant même que nous ayons eu la possibilité de débattre du problème. Cette “décision” de surcroît a gelé la proportion actuelle entre les sièges soumis au suffrage universel direct et ceux qui sont issus des corps électoraux particuliers. Nous avons été dédaignés, nous nous sentons insultés et nous avons été déchus de nos droits. La manifestation du 1er juillet est une bonne occasion pour nous d’exprimer notre colère, de dire au Centre combien ces interventions brutales ont blessé nos sentiments et endommagé notre confiance mutuelle.

La manifestation du 1er juillet n’est pas une procession du souvenir. C’est bien sûr une manifestation de protestation. Une protestation pacifique mais une protestation vigoureuse ! Les actes posés par le Comité permanent de l’ANP ne peuvent pas être rattachés au principe “Un pays, deux systèmes” et ignorent le haut degré d’autonomie auquel la Loi fondamentale nous donne droit.

Certaines personnes disent que la réconciliation vaut mieux que la confrontation. Certainement. Mais ceux qui sont à l’origine des dégâts causés sont ceux qui doivent les réparer. Nous avons été trompés. Sommes-nous supposés rester silencieux et mendier pour être compris ? Laissons ceux qui ont commis des fautes faire quelque chose ou bien laissons ceux qui sont placés au-dessus d’eux venir et prononcer un jugement équitable.

Nous croyants avons la particularité de pardonner facilement mais ce qui est en jeu ici, ce ne sont pas nos intérêts privés. Ce qui est en jeu, c’est le développement de la démocratie à Hongkong dont dépend à terme la stabilité et la prospérité de la ville. Ce qui est en jeu également, c’est le fait de savoir si la ville contribuera positivement au développement de tout le pays ou s’inscrira à son passif.

Certaines personnes se manifestent pour mettre en garde ceux qui descendent dans la rue contre certains slogans. “Ils contrarieraient vos pères disent-ils. Allons ! Nous protestons avec nos larmes ! Qu’y a-t-il de mal avec le slogan : “Rendez le pouvoir aux gens” ? Chacun sait ce que cela veut dire. Le relier à une conspiration coloniale des années passées n’a aucun sens. Si “le père” veut ne pas comprendre, rien ne peut l’en empêcher.

Nous sommes des citoyens bien intentionnés. Nous aimons notre pays. Nous aimons Hongkong. En cette heure historique, en prenant part à la manifestation du 1er juillet, nous espérons réveiller les consciences. Notre objectif est que chacun puisse collaborer de manière cordiale avec chacun, de sauvegarder les droits qui nous ont été accordés par la Loi fondamentale, dans la fidélité au principe “Un pays, deux systèmes”. Nous voulons avoir une part réelle dans les discussions à propos de la réforme constitutionnelle, des discussions sans préjugé, sans pré-condition. Nous voulons peser objectivement le pour et le contre du suffrage universel et nous faire une opinion sur le bon rythme à adopter concernant le progrès de la démocratie. Afin que la sagesse qui anime chacun de nous et qui vient de Dieu puisse bénéficier à tous.